Netflix avait déjà consacré un documentaire à cette femme ayant bien malgré elle longtemps mené une double vie. D'un côté, la gloire du ring de boxe et les honneurs réservés à une pionnière. De l'autre, le combat qu'elle menait contre un homme. Son coach personnel et mari. Ce documentaire s'intitule Une boxeuse en enfer et compose la série L'Envers du sport.
Christy Martin aura droit prochainement à son biopic. Le titre n'a pas encore été divulgué et le tournage vient à peine de débuter à Hollywood. Or le ton, lui, est déjà donné. «Son histoire n'est pas légère. Elle est physiquement et émotionnellement exigeante. Il y a beaucoup de poids à porter. Mais j'aime me lancer des défis», a déclaré celle qui incarnera la talentueuse boxeuse, l'actrice Sydney Sweeney, en communiquant son rôle.
Les mots sont similaires du côté du réalisateur, David Michôd, à qui l'on doit Animal Kingdom. «J'ai l'habitude de faire des films sur des hommes abîmés et j'avais envie de faire un film sur une femme qui a une énergie féroce en elle. Lorsque j'ai découvert l'histoire de Christy Martin il y a deux ans, j'ai su que je l'avais trouvée», a déclaré Michôd au moment de l'annonce du film.
Fille de mineur, abusée sexuellement par son cousin à l'âge de six ans, Christy Martin n'était pas prédestinée à devenir une légende du noble art. Sa discipline fétiche était d'abord le basket-ball, un sport grâce auquel elle obtint une bourse d'études. Or c'est en participant à des concours de boxe amateur à sa majorité – sans la moindre expérience avant sa première officielle sur un ring – que la jeune femme fut repérée par un promoteur puis confiée à un coach: Jim Martin.
Ce dernier ne vit pas d'un bon œil ses débuts dans son groupe d'entraînement, à une époque – le début des années 90 – où la boxe féminine n'avait pas encore pris son envol. Agacé, il demanda à l'un de ses boxeurs de lui casser les côtes à l'entraînement, de manière à la poussée vers la porte de sortie. Or devant la résistance de cette femme d'1m63 pour 63 kilos, il décela rapidement son potentiel et sa valeur financière.
Jim Martin, de 24 ans son aîné, plaça alors la boxeuse de Virginie-Occidentale sous son emprise. Il l'éloigna de sa famille et des autres managers, et la lança chez les professionnelles en 1991, à l'âge de 21 ans. Le coach la convainquit de l'épouser deux ans plus tard et elle accepta, uniquement parce qu'elle était convaincue qu'une vie traditionnelle lui éviterait des problèmes, dit-elle aujourd'hui avec un certain recul. La boxeuse craignait que son intérêt pour les femmes ne viennent perturber son début de carrière.
Si Christy confie avoir eu peur de Jim dès le premier jour de leur union, ils formèrent professionnellement l'un des meilleurs binômes boxeur-entraîneur de l'histoire du noble art. Son mari a fait d'elle une combattante redoutable, enchaînant les victoires par KO. Martin signa en 1994 un contrat avec Don King, un pacte lui permettant de se produire régulièrement à Las Vegas. C'est la première fois que le célèbre promoteur américain concluait un accord avec une femme. Or ce n'est que deux ans plus tard que la carrière de Christy Martin prit une autre dimension.
La pugiliste affronta sur le Strip de Vegas l'Irlandaise Deirdre Gogarty sous les yeux de toute l'Amérique, en attente du combat principal de la soirée: celui de Mike Tyson pour le titre des poids lourds de la WBC. Or le duel fut épique. Il surprit le public, car féroce, puissant et précis techniquement. Christy Martin le remporta, le visage en sang.
Christy Martin devint alors championne des poids légers, mais surtout, la combattante la plus célèbre et la plus en vue des Etats-Unis. Celle ayant légitimé la participation des femmes dans un sport initialement réservé aux hommes. La boxeuse fut présentée dans le magazine Time et fit la Une de Sports Illustrated. Jamais une boxeuse n'avait reçu pareille attention. Son cachet passa de 15 000$ à 150 000$.
La championne poursuivit sa carrière et multiplia les succès, toujours avec facilité. Elle domina ses adversaires jusqu'au début de la trentaine. Or elle perdit ensuite de sa superbe et son contrat à Vegas. Christy Martin fut moins présente sur les rings et connut peu à peu le goût de la défaite. Les coups encaissés lui firent au moins autant mal que le fait de retomber dans un certain anonymat. La boxeuse fit alors face à des épisodes dépressifs, d'autant qu'elle continuait de cacher son orientation sexuelle. Pire, elle était battue par son mari. «Je n’ai jamais été mise KO, sauf par Jim», a-t-elle un jour confié auprès de Sports Illustrated. Elle dit aussi avoir subi des violences sexuelles et psychologiques, loin de ce que sa vie pouvait laisser imaginer. Il avait promis de tuer celle qui était sa compagne et source de revenus si elle venait à le quitter.
Christy Martin se noya dans la cocaïne et snifait à l'entraînement pour pouvoir enfiler les gants et monter sur le ring. Résignée, elle pensa mettre fin à ses jours à plusieurs reprises, un revolver dans la bouche, seule option pour échapper à son calvaire. Or la pugiliste reprit espoir en renouant contact sur Facebook avec sa petite amie du lycée. Elle stoppa la drogue, annonça à Jim son intention de divorcer et passa un jour une nuit avec celle qu'elle fréquentait par le passé. C'était en 2010, un an après avoir tout de même remporté le titre WBC des poids super-welters, à 41 ans.
Jim l'attendit, couteau aiguisé entre les mains. Et lorsqu'elle rentra le lendemain, après cette nuit passée à l'hôtel, il la poignarda. A trois reprises, au niveau de la poitrine. Son mari fit également une entaille à la jambe. Il la battit et lui tira dessus avec son 9 millimètres, à 10 centimètres du cœur. Jim la laissa pour morte. Il fila ensuite dans la salle de bain se nettoyer du sang qu'il avait sur ses mains. Or Christy réussit à se lever et elle quitta son domicile. Une fois dehors, un automobiliste l'emmena à l'hôpital.
Le mari fut condamner deux ans plus tard à 25 ans de prison pour «tentative de meurtre au deuxième degré, et coups et blessures avec une arme mortelle». «Elle est en granite. Vous la frappez avec un marteau, elle reste là à vous regarder», aurait-il déclaré un jour en prison.
Décidée à se battre, Christy Martin née Salters retourna à l'entraînement seulement huit jours après le déferlement de haine de son époux. Elle retrouva la compétition six mois plus tard sous son nom de jeune fille, à presque 43 ans. La boxeuse livra un combat honorable, mais elle fut stopper contre sa volonté au dernier round, à quelques secondes de la décision, par un médecin soupçonnant une main cassée. Il avait vu juste.
Neuf fractures nécessitèrent une intervention chirurgicale. Or une fois terminée, suivit un accident vasculaire cérébral. La pugiliste dut le cacher au monde de la boxe, pour ne pas perdre ses chances de remonter sur un ring, et surtout, ne pas se discréditer auprès de ses adversaires. Christy retrouva ses capacités et s'offrit contre l'avis des médecins un ultime combat. Celui pouvant lui permettre de glaner une cinquantième victoire en carrière. Or elle perdit par décision. Cet affrontement, celui de trop, lui jouait encore des tours en 2016. Vision double et endurance limitée.
L'Américaine se contenta donc d'un bilan remarquable de 49 victoires dont 31 par KO, 7 défaites et 3 nuls. Elle est aujourd'hui mariée à Lisa Holewyne, boxeuse contre qui elle a combattue par le passé. Elle possède sa société et promeut des événements de boxe.
Christy Martin Salters vit désormais paisiblement. Elle n'a jamais été aussi heureuse, après deux décennies à poursuivre un rêve, devenu un cauchemar. C'est donc cette vie qui, prochainement, en 2026 certainement, sera projetée dans les salles obscures et jouée par Sydney Sweeney.