Party like it’s 2003! Alors que nous étions probablement en train d’écouter le tube «Hey oh» de Tragédie, de jouer à Call of Duty (le tout premier du nom) ou de se remettre du film Matrix Revolutions, le studio Ubisoft Pictures (qui deviendra Ubisoft Montpellier) s’apprêtait à sortir le 11 novembre 2003 leur premier jeu en dehors de la licence Rayman. Ce jeu, c'était Beyond Good & Evil et sa note d’intention était la suivante: donner au joueur l’impression d’être un explorateur, avec un sentiment de liberté absolue.
Après quatre années d’une gestation compliquée et surtout un élagage massif dans les ambitions titanesques de l’équipe de Michel Ancel, les joueurs et les critiques ont pu enfin mettre la galette dans leur plateforme de choix pour rejoindre la planète aquatique Hillys lors de sa sortie le 11 novembre 2003 .
Jade, une jeune photojournaliste, vit dans un phare avec son oncle Pey’j et une ribambelle d’enfants recueillis après avoir perdu leurs parents tués par les DomZ. Ces extra-terrestres belliqueux attaquent régulièrement Hillys et le jeu débute justement par le repoussement d’un assaut des DomZ sur la base, qui fait office de tutoriel.
On se familiarise alors avec les mécaniques de jeux de combat, qui sont relativement simples, mais efficaces: Jade peut faire quelques attaques avec son bâton et les attaques spéciales sont réalisées par un personnage non joueur qui nous accompagne presque tout le long du jeu. Rien de transcendant, même pour l’époque.
Hillys possède pourtant ses forces de défense: les sections Alpha. Aux airs autoritaires, cette armée inspire plutôt la peur de la population Hilliane et la quête principale du jeu tournera autour du rôle trouble des différentes factions en présence. Jade devra faire éclater la vérité et informer la population des sombres manigances de tout ce petit monde.
D’ailleurs, quand Neva sort de notre champ de vision et que nous actionnons cette touche pour le rappeler, le ton de la voix d’Alba change, ce qui accentue notre propre inquiétude envers notre ami.
En préparation de cette mission, Jade s’équipe de son appareil photo qui servira à remplir les objectifs des missions qui consistent surtout à prendre en photo des preuves. Mais pour gagner quelques sous, Jade peut prendre en photo la faune d’Hillys, ce qui donne un petit côté Pokémon Snap au jeu.
Cette première mission permet alors de quitter l’ile initiale et de se promener sur l’eau au volant d’un hovercraft pour découvrir un peu plus Hillys et sa population, en passant tout d’abord au garage Mamago, qui, contre des perles à collecter pendant l’épopée, pourra réparer ou améliorer votre véhicule.
Un garage tenu par des rhinocéros anthropomorphiques à l’accent caribéen un peu douteux. Ce qui nous permet d’évoquer d’ailleurs un travail de doublage globalement de qualité (du moins en français) et de saluer les efforts de localisation, car le doublage existait déjà en six langues à l’époque. Néanmoins, Ubisoft reconnait, au démarrage du jeu, l’impact négatif de certaines représentations stéréotypées.
Tout ceci ne gâche heureusement pas la direction artistique cartoonesque unique, surtout pour 2003 et qui survit bien au lifting graphique en 4K et 60 fps. La réorchestration de la très diverse bande originale de Christophe Heral permet de profiter au mieux du style world music choisi pour donner vie avec succès à Hillys.
Diversité, c’est certainement le deuxième mot d’ordre de Beyond Good & Evil. Alternant entre plusieurs phases de gameplay, y compris des phases d’infiltration un peu frustrantes, et plusieurs styles de musiques, le jeu arrive à se créer une identité propre et à rester frais pendant les 10 heures d’aventure. Sauf peut-être le dernier boss qui continue, 20 ans après, d’être plutôt énervant.
Cette édition anniversaire amène une galerie qui permet de voir des images et vidéos de la production et de la promotion du jeu, ainsi que de jouer à quelques niveaux qui n’avaient pas été retenus dans la version finale. Nous regretterons qu’un plus grand soin n’ait pas pu être apporté à cette partie, alors que d’autres éditeurs ont pu placer la barre haut pour cette mise en avant du patrimoine vidéoludique.
Sortons un carton rouge à une intégration d’Ubisoft Connect totalement inutile et malvenue pour une réédition d’un classique, mais qui est relativement simple à contourner malgré tout.
Une nouvelle quête fait également son apparition et évoque la suite tant attendue, mais toujours en «development hell». Quoi qu’il advienne, cet ajout est la bienvenue et permet d’enrichir les personnages de Jade et Pey’j.
Malgré toutes les qualités du jeu d’origine et les bonnes critiques, l’accueil commercial en 2003 a été décevant. Ubisoft reconnaitra plus tard l’erreur stratégique de sortir le jeu en même temps que Prince Of Persia: Les Sables du Temps (dont un remaster/remake est en cours de développement), basé sur le même moteur graphique dénommé JADE.
Grâce à sa variété des mécaniques de jeu, le jeu se rapproche d’un Ratchet & Clank ou du Star Fox Adventures de Nintendo, tout en faisant le choix d’une protagoniste féminine. En mettant en avant un message politique de résistance à l’autorité et de questionnement de l’information, thèmes qui n’ont jamais été autant d’actualité que dans notre ère de la post-vérité, Michel Ancel et ses équipes auront su faire preuve d’un peu d’avant-gardisme dans une industrie du jeu vidéo, à l’époque, encore très consensuelle. La suite au prochain épisode ?
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