«Siri, joue la première chanson écoutée dans le monde», demandait ce jeudi Bad Bunny dans une vidéo postée sur Instagram. Réponse? Baile Inolvidable, l'un des morceaux de son dernier album sorti dimanche 5 janvier. Le ton est donné: Debí tirar más fotos («J'aurais dû prendre plus de photos») est une ode chantée haut et fort à Porto Rico, l'île natale du chanteur, qui fait grimper la température de l'hiver en flèche.
Pour cet album, «le plus portoricain» de sa carrière, confie-t-il au New York Times, Benito Antonio Martínez Ocasio (de son vrai nom) a quitté les Etats-Unis où il a vécu pendant près de 6 ans pour retrouver le soleil des Caraïbes. Tout a été enregistré sur place et ça s'entend: l'artiste a réussi à capturer la chaleur et l'odeur de la mer – on sentirait presque le sable sous nos pieds – dans 17 morceaux qui donnent clairement envie de monter sur les tables pour danser jusqu'à l'aube.
Ce tour de force, il l'a réalisé en s'entourant de pépites locales qu'il écoutait lorsqu'il vivait à l'étranger et qui lui ont permis de se «sentir proche» de chez lui, comme Los Pleneros de la Cresta ou RaiNao, et en mélangeant savamment des rythmes traditionnels comme la plena ou la bomba, mais aussi la salsa, le reggaeton et le dembow.
Ne vous y méprenez pas: si la plupart des paroles racontent des relations amoureuses, le chanteur de 30 ans confirme lui-même que la politique se cache entre les lignes.
«Et si la musique de Bad Bunny était la meilleure réponse des Portoricains aux outrances de Donald Trump?» se demande d'ailleurs Le Monde.
Souvenez-vous: fin octobre 2024, en pleine campagne présidentielle, l'humoriste Tony Hinchcliffe, présent lors d'un rally de Trump à New York, qualifiait Porto Rico d'«île d'ordures flottante». Un scandale survenu alors que Bad Bunny avait soutenu la candidature de Kamala Harris. En réponse, l'artiste a posté une vidéo de 8 minutes narrée par Benicio del Toro, qui met en avant la beauté de Porto Rico et sa contribution à la pop culture. En légende de la publication? «Garbage» (ordures).
Selon le quotidien français, la date choisie pour la sortie de l'album serait une manière de «remettre les pendules à l'heure», avant le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche le 20 janvier prochain.
L'une des thématiques sur lesquelles le chanteur prend ouvertement position est la présence américaine à Porto Rico et ses conséquences négatives sur l'île. Un morceau en est l'exemple: Lo que le pasó a Hawaii (Ce qui est arrivé à Hawaï).
Pour rappel, Porto Rico est un territoire des Etats-Unis comme l'était Hawaï avant de devenir le 50e Etat, avec pour conséquence l'effacement de la culture locale. Si, pour l'instant, un tel scénario ne semble pas sur le point de se produire, la présence américaine a engendré un déplacement de la population, comme ce fût le cas à Hawaï après son annexion en 1898, rappelle El País.
Depuis 2017 et l'ouragan qui a frappé le territoire, les Américains sont nombreux à venir s'installer à Porto Rico. En résulte l'augmentation du coût de la vie – 40% des gens vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Cette réalité, Bad Bunny l'a dénoncée en amont de la sortie de son album dans un court-métrage diffusé sur YouTube.
Applaudi par la critique, Debí tirar más fotos a également conquis le public: plusieurs titres se sont hissés en tête des classements Spotify. En exemple, le morceau Dtmf (les premières lettres de «J'aurais dû prendre plus de photos», en espagnol), qui parle de l'importance d'apprécier les moments et les gens.
Faites le test: demandez vous-mêmes à Siri.