Il est tombé comme ça, de nulle part. Pochette noire, 21 titres, 54 minutes, un titre qui fleure bon la nostalgie et les années 2010, une promo à l'arrache, quelques panneaux disséminés à New York, Los Angeles ou Atlanta. Autant dire qu'on ne s'attendait pas à se réveiller, ce 11 juillet, avec le septième album de Justin Bieber. Swag. Oui, oui, vous avez bien lu. Swag.
C'est avec cette grosse mais bonne surprise dans les oreilles que l’on s'élance donc pour un footing matinal, ce vendredi matin. Mauvaise idée. A des millénaires des hits pop, rythmés et dansants auxquels le chanteur canadien de 31 ans nous a accoutumé ces quinze dernières années, Swag est d'une toute autre trempe.
Plus calme, plus étrange, moins commercial. Tantôt acoustique, tantôt groovy. Bref, un album qui se prête davantage à la contemplation tranquille du lac ou à une soirée à la maison en compagnie de l'être aimé, qu'à avaler du bitume lors d'une course déchaînée.
Swag est un ovni. Expérimental. Etonnant. Comme s’il avait été enregistré à la va vite au fond d'une cave. Le son grésille, jusqu’à faire friser les oreilles, mais la voix est douce. L'artiste, dont la renommée a explosé lorsqu'il avait à peine 15 ans – avec tous les dégâts qui vont avec, nous livre ici son oeuvre la plus personnelle. C’est même furieusement honnête. Dans des interludes, il dépose avec précaution ses pensées. Ses fragilités.
Sur le titre bien nommé Therapy Session, Justin se confie ainsi: «Ça a été dur pour moi ces derniers temps, j'ai l'impression d'avoir dû affronter publiquement beaucoup de mes difficultés en tant qu'être humain, alors les gens me demandent sans cesse si je vais bien, et ça commence à me peser».
Mais les fans de la première heure retrouveront aussi les ingrédients qui ont fait le succès de la recette «JB». Une ode romantique et langoureuse à sa femme, Hailey, dans GO BABY. Des allusions aux phases plus compliquées de leur vie conjugale, dans DAISIES ou WALKING AWAY. Sa nouvelle vie de père dans DADZ LOVE. Sa foi et sa quête du pardon dans DEVOTION. (C’est lui qui a décidé d’écrire le titre de ses morceaux comme Donald Trump, en majuscules.)
Swag est un hommage en 21 chansons à l'histoire tourmentée de ce Kurt Cobain moderne. Une sorte d'exutoire à des années rythmées par les publications Instagram cryptiques, les analyses paniquées des fans, les spéculations effrénées sur sa vie privée et sa santé mentale, plus que par les nouvelles chansons ou les tournées mondiales.
Plus posé et plus serein qu'il n'en a l'air depuis longtemps, le jeune père de famille semble enfin prêt à s'accommoder de ses démons. «Tu as une âme sur cet album», glisse doucement Druski dans un interlude. «Tu sonnes plutôt noir. Ta peau est blanche, mais ton âme est noire, Justin. Je te le promets.»
On pourrait difficilement être plus d'accord.