Avec Storm Area 51, huitième épisode de la série documentaire Chaos d’anthologie, Netflix nous renvoie à cette histoire tout bonnement hallucinante, celle d'un gamin de Bakersfield (Californie), Matty Roberts, qui a publié un événement Facebook qui s'est transformé en danger pour la sécurité nationale.
En 2019, l'ado de 20 ans, qui bosse dans un stand de e-cigarettes dans un centre commercial, se remémore un podcast où les théories du complot fusaient sur la zone 51, parquée au beau milieu du Nevada.
Au cours d'une nuit d'insomnie lui vient une idée: créer un raid sur cette base militaire ultrasécurisée, qui ne cesse de nourrir les théories les plus folles.
Le titre: «Storm Area 51», à 3 heures du matin, le 20 septembre 2019. L'annonce est faite trois mois avant, avec pour slogan:
Et la machine est lancée: 10 000, 100 000, 1 million, 2 millions... 3,5 millions de participants qui se déclarent prêts à tailler une bavette avec les aliens.
Mais plusieurs futurs participants, une bande d'illuminés soit dit en passant, parlent de délivrer les extraterrestres. D'autres y voient une manière de renverser le gouvernement et mettre à jour des secrets inavouables des Etats-Unis.
Un tel événement attire bien sûr des personnes aux motivations douteuses. Matty essuie des menaces de mort et les autorités commencent à sentir la menace souffler. Bien que l'humour soit omniprésent, la page Facebook et ses adeptes peuvent transformer la blague en chaos. Le FBI fait même irruption au domicile de Matty.
Mais le gamin fonce tête baissée pour mettre sur pieds les festivités. Il s'associe avec le promoteur Disco Donnie pour monter un véritable festival à Rachel, le village voisin de la base militaire. Les 56 habitants, remontés et refusant catégoriquement la tenue de cette fête, redoutent l'arrivée de ces millions de gens.
Le duo Matty/Donnie charbonne et réussit à obtenir le permis. Il lance «Alienstock», en référence à Woodstock de 1969. Le site peu catholique Pornhub saute dans le train et annonce vouloir investir un paquet de fric dans la teuf.
Mais la logistique fait grandement défaut. Les premiers remous débutent et Matty décide de lâcher le projet dans le désert et les commerçants locaux. Il préfère déplacer ses fans à Las Vegas, avec l'aide d'un autre promoteur et d'une nouvelle marque de bière comme sponsor.
Matty a eu les yeux plus gros que le ventre. Les commentaires commençaient à se multiplier concernant un délire évocatoire digne du Fyre Festival, événement musical qui devait avoir eu lieu en 2017 et qui s'est avéré un fiasco. Le spectre de voir une foule coincée dans le désert, avec un manque d'eau et de nourriture et de futures poursuites judiciaires à la clé? Trop rude pour l'adolescent. La mission était impossible.
Il aura cette phrase:
Et si le lieu a changé, que Matty s'est dégonflé, l'US Air Force ne dessert pas l'étreinte. L'armée américaine décide d'investir massivement pour sécuriser la zone 51, dans le cadre de la plus grande opération de défense de l'histoire de la base.
La crainte d'une opération de destruction amorcée par une horde de Youtubeurs et autres anarchistes déglingués vampirise les autorités. Si bien qu'elle va autoriser ses soldats à ouvrir le feu en cas d’intrusions sur le site.
Le 20 septembre 2019, c'est le grand jour. Maid ce n'est qu'une infime partie qui s'est déplacée dans le désert du Nevada. Face à une armée qui a investi 11 millions (dans le vide), des agents du FBI sur les dents, la prétendue guerre civile s'est soldée par une... blague. Les joyeux lurons étaient simplement venus se fendre la poire.
A la place, les différents fêtards ont dégainé leur téléphone pour retransmettre les événements en live. Le plus drôle: il y avait plus de spectateurs en ligne que de festivaliers sur place. Un running gag disait qu'il y avait plus de toilettes portatives que de personnes.
Mais le déplacement a fait de nombreux heureux. L'une des participantes, une dénommée Unicole Unicron, disait même s'être rapprochée du peuple des martiens.
Loin du sable et des scorpions qui rôdent, Matty Roberts vivait sa meilleure vie à Las Vegas. Plus de 10 000 âmes étaient venues festoyer, à hurler son nom sur la scène. Le vendeur de cigarettes électroniques a profité de son heure de gloire, avant de retourner à sa vie normale.
Ce documentaire expose encore une fois la puissance des réseaux sociaux dans notre ère du prêt-à-jeter; on se spam de trends éphémères sans lendemain et figés dans les limbes du virtuel. Un jour célèbre, le lendemain dans l'anonymat. Mais de cette popularité passagère, de ces lubies déversées sur le web, ces «brain rot» se propagent et charrient (parfois) des personnes malintentionnées et ne vivant que par la destruction. Dans Storm Area 51, heureusement, tout est bien qui finit bien.
Storm Area 51 est disponible sur Netflix depuis le 29 juillet.