Il y a dix ans, le nom de Lena Dunham était sur toutes les lèvres des sériephiles. Sa série Girls, produite par HBO, apportait un vent de fraîcheur en dressant un portrait cru et désenchanté de la génération millennial, loin des clichés glamours habituels. Un véritable prolongement de la vie de sa créatrice, puisque Lena Dunham elle-même, actrice et productrice, s'était inspirée de son propre vécu. Depuis, Girls est entrée au panthéon des séries pour ses prises de position post-féministes et ses réflexions audacieuses sur la politique du corps et la sexualité féminine.
Lena Dunham signe donc son grand retour, 8 ans après la fin de sa série culte, et poursuit son exploration de la vie sentimentale des jeunes adultes. Lancée sur Netflix le 10 juillet, Too Much met en scène Jessica (Megan Stalter), une New-Yorkaise accro à son job dans la pub qui s’installe à Londres pour fuir une rupture amoureuse douloureuse. En compagnie de son affreux petit chien sans poil, elle se découvre en Europe une nouvelle vie, mais aussi un nouvel amour qui va éclore avec Felix (Will Sharpe), un musicien punk un brin à la dérive.
Ce point de départ s’inspire, une fois de plus, directement du vécu de son autrice. Après sa séparation avec le producteur Jack Antonoff, Lena Dunham s’installe à Londres, où elle fait la rencontre du musicien britannique Luis Felber, qu’elle épouse en 2021. C’est de ce récit semi-autobiographique que tout découle et c'est avec son compagnon que Lena Dunham a coécrit cette nouvelle série, comme elle l'explique au Hollywood Reporter.
Lena Dunham dresse avec Too Much des portraits marqués par les blessures que subissent les trentenaires, dont les vies ont été façonnées autant par leurs relations passées que par leurs contextes familiaux. La série reprend les codes de la comédie romantique, qu’elle n’hésite pas à détourner pour mettre en lumière les névroses affectives et les crises existentielles avec un humour à la fois intelligent et grinçant.
Le rejet, la solitude, le deuil amoureux, les rendez-vous manqués, le dégoût de soi ou la fatigue émotionnelle sont autant de thèmes au cœur de ce portrait générationnel, à la fois lucide et sensible, qui parvient à nous rappeler l’essentiel: s’assumer tel que l’on est.
Bien sûr, Too Much porte bien son nom, puisque son héroïne, «entière et authentique » — comme diraient certains — a tendance à en faire trop, au point d’agacer. Incarnée par l’exubérante Megan Stalter (Hacks), Jessica reste néanmoins profondément touchante. Sa fragilité et sa sensibilité désarmante renvoient inévitablement les spectateurs dotés d’un minimum d’empathie à leurs propres failles. Car, comme elle, nous sommes tous imparfaits.
Jessica est une personne solaire et, autour de cet astre, gravitent de nombreux personnages, dont certains sont des visages bien connus. Des guest stars venues ici s'amuser, Lena Dunham étant une excellente dialoguiste qui offre à ses acteurs des partitions sortant du lot.
Parmi les étoiles que compte la galaxie Too Much, on retrouve un casting de choix: Emily Ratajkowski, Jessica Alba, une Naomi Watts mariée à Richard E. Grant, Andrew Scott (le «hot priest» de Fleabag), Kit Harington (le Jon Snow de Game of Thrones), Stephen Fry, la chanteuse Rita Ora ou encore la Frenchie Adèle Exarchopoulos, formidable en ex de Félix, dans un rôle volontairement cliché de Française délicieusement assumée.
Lena Dunham n’a rien perdu de sa capacité à dépeindre une génération à coups de punchlines acérées. Mais son vécu en Angleterre semble l’avoir imprégnée de ce fameux humour britannique si particulier: le célèbre «wit». On retrouve ainsi dans Too Much un petit quelque chose de Quatre mariages et un enterrement, de Coup de foudre à Notting Hill, ou encore de Love Actually. Un retour réussi pour Lena Dunham, et un pari gagnant pour Netflix.