Ce nouveau film Netflix fait plier les Etats-Unis
On serait tenté de dire, dès l'entame de ce texte: Kathryn Bigelow est une patronne du genre. Pourquoi? C'est une évidence: la réalisatrice s'est taillé une sacrée part du gâteau du cinéma d'action avec ses différents films tels que Démineurs, Zero Dark Thirty, ou encore le (très) mésestimé Detroit, sorti en 2017. Son retour est un petit événement en soi.
Sa maestria derrière l'objectif nous pond d'ailleurs l'un des excellents films de l'année, avec le furieux A House of Dynamite, boosté par le talent de la dame et sa mise en scène d'une précision chirurgicale.
L'histoire révèle une situation d'urgence après la détection d'un engin nucléaire, envoyé d'un endroit inconnu. L'attaque, étalée sur 18 minutes, est exposée sous différents angles et regards (le film est scindé en trois parties) et brosse un huis clos (et allume la mèche) où les différentes strates de la surveillance américaine sont balayées.
Dans ces salles, où les haut gradés et patrons de la surveillance nationale défilent, le spectre de la menace nucléaire courbe le dos des plus grands décideurs du pays. Chacun et chacune voit alors l'inéluctable toquer à la porte, du Secrétaire à la Défense (Jared Harris) à la capitaine Olivia Walker (Rebecca Ferguson). Tout ce petit monde tremble.
Bigelow s'emploie à souligner la fragilité du système («On parle d'arrêter une balle avec une balle»), à portraiturer l'impuissance de ces décideurs, biberonnés aux codes et aux protocoles. On découvre alors un pays qui se berce d'illusions d'un contrôle, caché derrière des systèmes qui coûtent des milliards. Mais le risque zéro n'existe pas et cette infaillibilité toute relative frappe de plein fouet les gardiens de la sécurité nationale.
Kathryn Bigelow, épaulée de Noah Oppenheim (scénariste sur le projet), évoque à travers cette ogive nucléaire, qui s'apprête à raser une ville américaine - Chicago dans ce cas-là -, l'équilibre précaire de l'Occident qui replonge dans les heures sombres de la guerre froide.
Illusion du contrôle
Au milieu du chaos graduel, les personnalités se croisent dans un ballet de discussions qui s'effacent face au danger prégnant. Les multiples protocoles alambiqués deviennent ainsi difficiles à appliquer face à l'imminence de l'attaque. Un dossier aux centaines de pages, truffés de codes et un président des Etats-Unis (Idris Elba), suffocant, affublé d'un stratège qui déblatère des discours fabriqués, sans un pet d'émotion.
Et voilà que la machine se grippe; les émotions (humaines) prennent le dessus; la salle de sécurité qui prend la forme d'un bunker high-tech appuie sur cette illusion de contrôle qui vole en éclats.
Bigelow, première femme réalisatrice oscarisée en 2010, espère que ce film «encouragera le débat sur la réduction des stocks nucléaires». Surtout, dans un timing vertigineux, elle signe un récit alarmiste construisant une bulle de protection qui éclate à force de ne pas empoigner la situation. «On a fait tout ce qu'il fallait, hein?», lâche un soldat lorsque le système de défense aérien montre des signes de faiblesse. A House of Dynamite est surtout une réalité puissante et effrayante exposée sans fard. Un avertissement?
«A House of Dynamite» est disponible sur Netflix depuis le 24 octobre.
