Un bruit blanc, un râle en sourdine, un acouphène amoureux. Le couple à paillettes le moins enviable de la planète bat de l'aile à deux à l'heure. Et nous voilà dans la peau d'un arbitre de football qui se repasse tous les soirs un tacle au-dessus du genou au ralenti.
Dans la lenteur et la moiteur du mois d'août, Ben Affleck et Jennifer Lopez nous imposent passivement leur interminable complainte. Le binôme du siècle, à la fois responsable et victime d'une courte relation en deux temps, semble désormais rencontrer quelques difficultés à tirer (une nouvelle fois) la prise. Goddammit.
Armés des indiscrétions de leurs «proches», les Bennifer s'envoient quotidiennement des uppercuts mollassons, relayés par une presse people américaine consentante. Comme si nous étions tacitement chargés de les départager. Comme s'il fallait un vainqueur. Comme à l'époque, il y a plus de vingt ans, lorsque leur première séparation avait tiré des larmes à toute la planète.
Hélas, la guerre en carton que les deux privilégiés d'Hollywood se livrent aujourd'hui ressemble moins à une finale de JO qu' à un mauvais film de Christophe Honoré.
Selon untel, Ben est «triste» et est «retombé dans l'alcool». Selon unetelle, JLo se sent «furieuse», «humiliée». Les épisodes sont aussi nombreux que dérisoires. Tout s'enchaîne sans la moindre aspérité. A se demander si cette foire d'empoigne est moins leur malheur que notre routine.
En vrac, on a déjà eu droit à un anniversaire de mariage recraché séparément, un acte de divorce qui dort dans un tiroir, des alliances qui vont et qui reviennent, des propriétés luxueuses vendues ou achetées, des visages éprouvés sur des photos volées, des «amis» qui se relaient au chevet d'un amour qu’on jure en soins palliatifs.
Une rupture engourdie, deux ans à peine après une double noce tapageuse, que les deux protagonistes rêvent de maîtriser. Enfin... toujours «selon des amis du couple», qu'on soupçonne parfois d'être pilotés par les principaux intéressés. Malgré une énième «tentative de réconciliation», les «papiers sont prêts» et ils «attendent le bon moment pour les déposer».
Comme il y a deux décennies, les Bennifer accusent à demi-mot le voyeurisme médiatique dont ils seraient les éternelles victimes. Alors que Ben rêverait d'une vie loin du grand huit hollywoodien, Jennifer n'aurait pas l'attention et le succès qu'elle mérite.
Quand l'un se tient loin des réseaux sociaux pour souffrir en paix, l'autre y passe son temps pour affirmer en mode selfie que tout va bien. Rappelons d'ailleurs qu'un gros mois après le raté de son double projet This Is Me... Now: A Love Story, dans lequel elle badigeonne son public de son amour pour (ou avec?) Monsieur Affleck, Madame Lopez annonçait l'annulation de sa tournée pour «profiter de sa famille». De quoi rajouter encore quelques grumeaux non identifiés dans le potage aux sentiments.
La crise couve depuis le mois de mai. Toujours selon ce bon vieil entourage étrangement bavard. Eux? Pas un mot. Du coup, nous voilà forcés d'interpréter. Pour peu que l'envie nous prenne. Si bien que, cette semaine, lorsque Ben Affleck fut repéré en train de fendre Los Angeles à moto, avec une vague crête sur le crâne et un vieux T-shirt des Red Hot Chili Peppers, il fallait y voir une nouvelle vie en gestation. Une (re)prise en main de sa destinée.
Ben Affleck debuts faux-hawk haircut as managers reportedly work on divorce https://t.co/6xjgKYKVt3 pic.twitter.com/vXvTgWxb82
— Page Six (@PageSix) August 5, 2024
Ben et Jen sont peut-être tombés amoureux du fantasme qu'il nous offrait. Peut-être ont-ils voulu vivre cette relation à laquelle l'opinion publique n'osait rêver. Ce qui pourrait expliquer la bruyante impuissance qu'ils partagent aujourd'hui avec la terre entière: à l'instar de Joe Biden et son vœu de réélection, ce n'est jamais simple de mettre un terme à ce qui n'aurait peut-être jamais dû exister.
Avant qu'ils ne fabriquent des progénitures chacun de leur côté, ils incarnaient la romance franche et impossible. Cet idéal inaccessible, parsemé d'emmerdes sur lesquelles tous les amoureux trébuchent une fois dans leur vie. Malgré les dollars, les récompenses, les assistants et les bicoques que l'on n'aura jamais, les Bennifer parvenaient à se faire passer pour de la chair humaine ordinaire; se dépatouillant avec les affres de la célébrité comme d'autres jonglent avec les factures et la varicelle du petit dernier.
The Bennifer, faits l'un pour l'autre, unis comme l'huile et le vinaigre. C'est d'ailleurs ainsi qu'on les a aimés très fort. Autrefois. Des êtres next door, imparfaits, agaçants, égocentriques, touchants, maladroits, malheureux. La princesse d'Instagram et le gars qui soupire, les yeux au ciel, on en croise à tous les coins de rue. Comme si Corinne et Kévin avaient téléporté leurs défauts sur Sunset Boulevard, Affleck et Lopez nous braquent un miroir et une vérité à la tronche: le rêve américain est un cauchemar comme un autre, pavé de bonnes intentions.