«Ne pas se fier aux apparences», prévenait la bande-annonce, par ailleurs plutôt banale. Un président américain assassiné, une musique angoissante, des visages graves, un monde à sauver, bref, tout ce que les Etats-Unis sont capables de fabriquer quasiment sans lever le petit doigt.
Lundi, le premier épisode a déboulé sur Disney+ avec un petit jour d'avance sur le planning. Ce ne sera pas la seule surprise. Car une fois rivé sur notre canapé, on saisit la douce menace de la bande-annonce: toute vérité que l'on croit apercevoir à l'écran est réduite en cendres par la suivante. Paradise, créée par le papa de This Is Us, rappelle dangereusement le climat politique dans lequel le pays (et le monde) est plongé depuis l'élection de Donald Trump. Et nous offre la série la plus palpitante de ce début d'année.
Tenez, en passant: une Elon Musk féminine, ça vous dit?
Le premier épisode s'offre aussi lentement qu'un dossier classifié de la Maison-Blanche. Une belle maison très américaine, deux gamins qui déjeunent au rez-de-chaussée et le papa occupé à fixer son dressing. Il a mal dormi. L'atmosphère est trop calme. Il fait beau. Quelque chose cloche.
Ce daddy a un métier un peu particulier. Dans les couloirs d'une superbe propriété, on comprend que Xavier Collins, une fois les gosses parés pour l'école, est responsable de la protection d'un ancien locataire du Bureau ovale. Problème, ce matin-là, le président Carl Bradford n'a pas entendu son réveil. Il ne l'entendra d'ailleurs plus jamais: retrouvé avec une balle dans la tête, en peignoir et allongé sur le tapis de sa chambre à coucher, le président a été assassiné.
Et tout accuse notre héros, l'agent Collins.
Alors qu'on pense avoir droit à un énième (mais très bon) thriller politique, cette mort laisse peu à peu un trou bien plus béant que celui qui traverse désormais le crâne de ce jeune président pas comme les autres. Beau gosse, cynique et torturé, clope au bec et whisky entre les doigts, Carl Bradford a régné huit ans à la Maison-Blanche. Grâce à des flashbacks passionnants, on comprend qu'à ses côtés, Xavier Collins n'a jamais été qu'un simple agent du Secret Service. Mais un papa poule fourré à un étrange projet dont seules «cent personnes dans le monde sont au courant».
Le spectateur, lui, se retrouve agréablement dépassé par les événements qu'il voit défiler devant ses yeux.
Une dystopie? Oui. Mais de celles qui donnent un peu de caractère au présent. Et beaucoup de place à la vraie vie. Après la tentative d'assassinat de Donald Trump, en juillet dernier, le Secret Service et la sécurité des présidents sont au cœur de l'actualité. Avec son retour à la Maison-Blanche, sa politique du bulldozer et son amitié borderline avec Elon Musk, c'est une nouvelle ère qui s'annonce.
Dans Paradise, on est très vite plongé dans une réalité parallèle au nouveau mandat de Donald Trump. Sans que son créateur, Dan Fogelman, l'ait forcément décidé. Et pas seulement parce qu'on y croise une mystérieuse reine de la tech, multimilliardaire (trop) proche du président Bradford. Au fil des flashbacks d'une finesse rare, une question flotte sur tous les protagonistes: sommes-nous prêts à accepter les conséquences de nos actes?
Hélas, on ne pourra pas vous en dire beaucoup plus, car le talent de cette nouvelle production de Disney se cache précisément là où l'humanité a planqué ses stupides certitudes. Laissez-vous simplement bercer par la fantastique bande-son et la performance époustouflante de Sterling K. Brown (l'agent), James Marsden (le président) et Julianne Nicholson (la reine de la tech).
L'avenir de notre société, tel que l'on pensait la connaître, est en jeu. Et c'est palpitant.