Le nom de Dennis Lehane ne fait guère réagir le grand public au moment où vous le citez. Grave erreur! Le bonhomme est l'auteur de Mystic River, Gone Baby Gone, mais également d'une série qui a du poids, diffusée sur la plateforme Apple: Black bird.
L'écrivain et scénariste avait déjà fait équipe avec l'acteur Taron Egerton, l'interprète d'Elton John dans le biopic Rocket Man entre autres, à la gueule de petit voyou. En 2022, le tandem avait réussi un sacré petit tour de force avec leur série Black bird - tendue, profonde.
Ces deux-là (re)font la paire en 2025 avec Smoke, série adaptée d'un podcast de true crime intitulé Firebug, qui se calque sur une affaire de pyromanes agissant en Californie dans les années 1980.
Nous suivons le détective Dave Gudsen (Taron Egerton), spécialiste des incendies criminels dans la police californienne, et les épaules assez larges pour tenir tête aux vilains méchants et les fixer droit dans les yeux.
Sûr de son fait, le torse bien bombé, Dave va devoir faire équipe avec l'inspectrice de police Michelle Calderon (Jurnee Smollett), pour son plus grand déplaisir. Le duo ne fonctionne pas: Dave peine à supporter Michelle.
Or il faudra bien faire équipe et se tenir les coudes, car deux pyromanes sévissent et font tout flamber dans le nord de la Californie.
Il faudra aussi déchiffrer le caractère de l'un des personnages les plus fascinants du show: l'employé d'un fast-food, Freddy Fasano (Ntare Guma Mbaho Mwine). Ame chagrine et solitaire, fantôme déambulant dans le marasme urbain, l'homme opte pour l'anonymat tout en glissant doucement dans le néant existentiel.
Une fois que Freddy entre en scène, que l'autre suspect est rapidement trouvé, on cherche avec peu de succès des liens entre le pyromane et Freddy. S'enchaîne alors un problème de rythmique, d'un temps (d'écran) qui s'étire pour rien, des liens qui sont difficiles à cerner.
Dans un récit qui dévie de l'enquête en bonne et due forme (les noms sont rapidement divulgués), Smoke se transmue en thriller psychologique un brin mollasson. On comprend vite que l'introverti va affronter l'extraverti, que les caractères s'opposent pour façonner la seconde partie de l'histoire. Il y a de la chair à idées, des pièces qui ne demandaient qu'à être rassemblées. Mais tout cela reste en ordre disparate.
Dennis Lehane va dévier de son axe de l'excellence, de sa rigueur qui fait sa force; des intrigues secondaires qui ne représentent pas grand-chose et des personnages mal utilisés. Sans trop en divulgâcher, le personnage clé de Freddy va être délaissé.
Alors oui, la réalisation est bien fichue, avec des images qui vous pondent des visuels comme savent si bien le faire nos amis créatifs de Cupertino. Le casting est excellent et Smoke est assurément un travail de grande qualité dans le milieu sériel - la plastique est affolante, vraiment.
Mais fallait-il vraiment nous embarquer sur 10 épisodes et un peu moins de 10 heures dans les dents? L'exercice en valait-il la chandelle? L'entame nous promettait une déflagration artistique, mais les incohérences et un final bien tiède nous plaquent un masque de déception sur le nez.
Smoke ne va pas enflammer les esprits, sans qu'on le qualifie pour autant de pétard mouillé.