Pour Zaz, c’est sûr, ce sont «des chants de Noël». Aïe, aïe, aïe, essaie encore! Quand l’étonnant quintette suisse des «Ténors de la Févigne» a décapsulé sa prestation, samedi soir sur TF1, le jury de «The Voice» semblait avoir été frappé par la foudre. Bon, on peut les comprendre, sachant que le télé-crochet accueille d’ordinaire de très jeunes talents de la variété qui vendraient leur PlayStation et leur mère pour devenir les Florent Pagny de demain.
En parlant de Florent Pagny, il fallait voir sa tronche lorsque ce groupe de chanteurs traditionnels fribourgeois a offert ses premières notes, a capella.
Vianney, lui, s’est retenu d’éclater de rire. La surprise sera totale lorsque le groupe suisse, fringué en bredzons couleur écru, enchaînera sur le tube Balance ton quoi d’Angèle, toujours a capella.
Après deux minutes d’audition à l’aveugle, applaudissements polis du public et des jurés. Les chaises, elles, ne se retourneront pas et le buzzer restera silencieux. C’est Florent Pagny qui va oser leur dire «bravo, les gars, on en a bien profité, mais...». Entre nous, la performance polyphonique des cinq Fribourgeois était impec. Pas une note à côté, motivation au top et sourire jusqu’aux oreilles.
Même si, pour eux, l’aventure s’arrête là.
Mais par quel miracle se sont-ils retrouvés devant des millions de téléspectateurs, samedi soir, six ans après leur immense succès durant la Fête des vignerons, à Vevey? Coup de fil à Fabien Crausaz, l’un des «Ténors de la Févigne», qui digère l’expérience avec humour.
Des chanteurs traditionnels fribourgeois sur TF1, ce n’est pas courant. Comment avez-vous atterri sur le plateau de «The Voice»?
Une chasseuse de têtes d’émission nous avait repérés sur Internet, il y a trois ans déjà, grâce à une vidéo dans laquelle on interprétait justement Balance ton quoi, sur les ondes d’Option Musique. C’est la cheffe d’antenne, Karine Vouillamoz, qui nous avait demandé d’interpréter une chanson en dehors de notre répertoire.
Trois ans déjà? Ils sont lents à la détente les chasseurs de têtes de «The Voice»!
Non, en réalité, c’est nous qui avions refusé de participer à l’émission à l’époque.
Carrément. C’est plutôt osé d’envoyer balader TF1...
Pour être tout à fait honnête, nous n’étions pas libres durant les auditions.
Ils nous ont rappelé l’année suivante et on a refusé encore une fois. Toujours à cause de la Bénichon. On ne peut pas manquer la Bénichon!
Mais que s’est-il passé pour cette édition, alors? Vous avez fait une infidélité à la Bénichon?
Ils nous ont effectivement rappelé une troisième fois, mais cette fois, ils nous ont dit «attendez, on peut s’arranger avec l’agenda pour que vous puissiez venir à Paris entre deux Bénichon». C’était l’automne dernier.
Wow... TF1 avait vraiment envie de vous avoir. Vous savez pourquoi vous étiez tant désirés?
Je ne sais pas, un chœur d’hommes a capella ou le côté suisse traditionnel peut-être? Une fois sur place, le premier retour que l’on a reçu c’était: «La marchandise est conforme à ce que l’on avait vu sur la vidéo». Autrement dit, ils étaient rassurés, quoi.
D’ailleurs, les producteurs de «The Voice» vous ont-ils laissé le choix du morceau?
Non, ils voulaient Balance ton quoi, alors qu’on leur avait chanté plusieurs chansons à Paris. Disons que pour nous, ce n’est pas la plus démonstrative. Ce n’est pas là que nos voix se déploient le mieux.
Pensez-vous avoir été engagés pour votre «exotisme», histoire que votre prestation fasse jaser sur les réseaux sociaux?
Oui, je pense que l’on a aussi été engagé un peu pour ça. D’ailleurs, il y a trois ans, nous avions également été contactés par «La France a un incroyable talent».
Zaz qui pensait que vous interprétiez une chanson de Noël... quand même...
Oui, là, franchement! (Il éclate de rire.) Pour vous prouver à quel point on prend ça avec humour, figurez-vous qu’on va enregistrer une chanson de Noël pour Zaz, histoire qu’elle saisisse la nuance!
Vous êtes néanmoins déçus de votre échec aux auditions à l’aveugle?
Non, pas du tout. On savait que l’on n’allait pas
gagner l’émission. Pour être honnête, on espérait au moins que l’un des jurés se retourne, parce qu’on pas pu montrer ce qu’on sait faire.
Vous aviez un petit préféré dans le jury?
Florent Pagny. D’ailleurs, on se disait que si tous les jurés se retournaient, on choisirait de toute façon Pagny.
Vous êtes de grands fans de Pagny?
On l’aime bien, oui. Sa personnalité surtout. Et c’est lui qui était le plus proche de notre univers.
En regardant votre prestation, on perçoit pas mal de condescendance et de gêne sur les visages des jurés. Vous avez aussi ressenti cela, sur place, à Paris?
Alors, sur place, non. En regardant une première fois la vidéo, oui. Ensuite, avec le recul, je ne crois pas. En même temps, je pense qu’on est les seuls à prendre ces auditions avec un peu de détachement. On a été bonnards sur le plateau, c’était agréable. Pour les jurés aussi, je pense. Nous étions d’ailleurs beaucoup moins tendus que les autres participants.
Le fait que vous preniez l’expérience avec humour, n’empêche pas que ce soit un moment très exposé. Vous y avez pensé?
La production nous avait avertis que les réactions, notamment sur Internet, pouvaient parfois être violentes. Il y a des cinglés sur ses réseaux sociaux! Sur la page de notre groupe, sur Facebook, j’ai dû bloquer quelques commentateurs, mais, dans l’ensemble, on a reçu beaucoup de messages positifs.
Au final, pour quelle raison avez-vous décidé de vous frotter au prime time de TF1?
Le challenge déjà. Et puis, nous n’avions pas encore de défi cette année, alors on s’est dit que c’était le bon moment.
Vous n’avez pas pu vous empêcher d’offrir un petit cadeau aux jurés, c’était quoi?
Des morceaux de Gruyère! Des sticks où on peut voir la marque et le logo Gruyère AOP sur l’emballage. On a eu peur à un moment donné, parce qu’ils refusent la moindre marque sur le plateau. Mais, bon, les Français ne savent pas ce que c’est le vrai gruyère. (Rire.)