L'année dernière, le thermomètre de la Bourse suisse a continué d'osciller en dessous de la température «normale». Certes, le Swiss-Market-Index (SMI) a pu progresser d'environ 4%, une valeur similaire à l'année précédente (+3.8%). Mais cela n'efface pas les pertes de l'année pandémique 2022 (-16,7%) et la performance n'atteint pas la moyenne historique à long terme des placements en actions.
La situation ne change pas fondamentalement si l'on ajoute à la performance globale les dividendes qui, comme l'expérience le montre, sont abondantes dans notre pays. En 2024, l'indice de performance suisse, dividendes compris, a progressé de 6,6%, loin d'atteindre le rendement moyen des actions suisses de 7,7% par an calculé par la Banque Pictet depuis 1926.
En comparaison, les bourses américaines ont connu une véritable envolée. L'indice S&P 500, qui représente l'évolution des cours des 500 principales actions américaines, a progressé d'environ 25% en 2024. Au cours des 95 années qui se sont écoulées depuis le début de la grande crise économique mondiale en 1929, la performance de la bourse américaine n'a été que douze fois meilleure. En revanche, sur 50 de ces 95 années, les actions suisses ont généré un rendement supérieur à celui de 2024.
Toutefois, seules sept actions expliquent environ 70% de la performance éclatante des bourses américaines. Les «Sept Glorieuses» – Apple, Microsoft, Nvidia, Amazon, le groupe Meta de Facebook, la maison Alphabet de Google et Tesla – ont contribué à hauteur de 20% de la performance de l'indice en 2024, avec un poids agrégé d'environ 30%.
La concentration des indices est devenue un thème omniprésent pour les investisseurs en actions, surtout au cours des deux dernières années, dans le sillage de l'ascension fulgurante des valeurs technologiques américaines susmentionnées. Mais le phénomène n'est pas nouveau et est connu depuis longtemps, en particulier en Suisse.
Si les «Sept Glorieuses» mènent le bal aux Etats-unis, ce sont les trois mousquetaires qui le font en Suisse: Nestlé, Novartis et Roche représentent ensemble un poids agrégé de plus de 40% dans le SMI. Si ces trois actions se portent bien, la performance de l'indice est également bonne. Mais depuis deux ans, les trois mousquetaires suisses connaissent peu de succès. En 2023, le SMI a surtout été retenu par la faible évolution du cours des titres Roche (-28%). En 2024, ce sont les valeurs Nestlé qui ont été les principales responsables de la mauvaise performance comparative du marché suisse.
Sans les actions de la multinationale de l'alimentation, la hausse du SMI aurait été environ deux fois plus importante au cours de l'année écoulée. Le calcul est simple: il suffit de multiplier le poids de l'indice (15% dans le cas de Nestlé) par le pourcentage de variation du cours pour obtenir la contribution à la performance de l'indice. Les actions de Novartis et de Roche n'ont pas non plus brillé en 2024, mais elles ont tout de même fait beaucoup mieux que Nestlé. Ainsi, la contribution négative des trois mousquetaires à la performance du SMI s'est limitée à environ moins 2%.
Les bourses de nombreux autres pays font face au même problème. Par exemple, l'évolution du cours de l'indice directeur Dax, qui contient les actions des 40 sociétés publiques les plus importantes d'Allemagne, est également déterminée par une poignée de valeurs – en particulier celle du fabricant de logiciels d'exploitation SAP, dont la valeur a augmenté de plus de 70% en 2024.
SAP, Münchener Rück, Allianz, Siemens et tous les autres titres lourds ayant réalisé de bonnes performances dans le Dax ont le principal mérite d'avoir fait progresser l'indice d'une bonne vingtaine de points de pourcentage en 2024, masquant même les performances déplorables de groupes comme Bayer, Porsche, BMW et VW.
Reste à savoir d'où vient ce phénomène de concentration. Spontanément, on serait tenté de répondre que c'est la tendance mondiale aux placements indiciels passifs qui en est la cause.
Il existe d'innombrables versions de ces fonds indiciels. Et comme un robot suffit en principe pour gérer de tels fonds, ils sont également moins chers pour les investisseurs. La part des placements passifs dans les actifs mondiaux gérés via des fonds publics ou des fonds destinés aux grands clients institutionnels a doublé entre 2005 et 2023 pour atteindre 20%.
Mais les gestionnaires de fonds actifs ne cèdent pas leur terrain à la concurrence passive sans se battre. Ainsi, le gestionnaire de fortune zurichois Swiss Rock fait référence à une nouvelle étude du chercheur en marchés financiers Hendrick Bessembinder de l'Université de l'Arizona. Celle-ci démontre que sur de longues périodes, seules quelques actions se sont toujours distinguées par une performance supérieure à la moyenne.
Le chercheur a étudié 29 078 titres négociés sur une bourse américaine entre 1925 et 2023. Etonnant: 51% des titres ont réalisé des rendements globaux négatifs pendant leur durée de vie. Un petit groupe de 17 actions seulement a toutefois réussi à réaliser une performance annuelle moyenne de 13,47%. Grâce à l'effet des intérêts composés, les rendements de ces titres se sont cumulés sur l'ensemble de la période pour atteindre plus de cinq millions de pour cent.
Moins surprenant: la meilleure performance a été réalisée par les actions d'une société appelée Altria Group. Leur rendement total cumulé s'élève à 265 millions de pour cent, ce qui signifie qu'un seul dollar investi au départ s'est transformé en 2,65 millions de dollars.
Pourtant, la valeur des actions d'Altria a de nouveau quintuplé depuis, battant ainsi l'indice S&P et les «Sept Glorieuses». L'interprétation de ce constat est laissée à l'appréciation de chaque lecteur.
Pour la bonne forme, il convient toutefois de préciser que, selon le gestionnaire de fortune Swiss Rock, les conclusions de Hendrick Bessembinder montrent que les actions qui affichent une performance supérieure à la moyenne à long terme représentent typiquement des entreprises de secteurs conservateurs. Il ne s'agit pas forcément de très grandes entreprises, mais probablement de celles qui parviennent à prospérer dans des secteurs où la concurrence est faible. Le fait que ce soit là que l'on s'enrichisse le plus à long terme en tant qu'investisseur est révélateur, mais pas vraiment surprenant. (aargauerzeitung.ch)
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci