Au printemps, de nombreux responsables des finances cantonales sont confrontés à un défi de taille: ils doivent annoncer des bénéfices substantiels. Pourtant, lors de l'établissement du budget, ils s'attendaient à des pertes tout aussi importantes.
Cette année, c'est Genève qui se distingue. Le canton avait prévu au budget un déficit de 476 millions de francs. En réalité, il enregistre un bénéfice d'environ 1,4 milliard de francs. On parle bien de près de 1900 millions de francs de différence. C'est plus que le total des recettes d'autres cantons.
Ailleurs aussi, les différences sont importantes et les comptes sont nettement meilleurs que ce que laissait supposer le budget. Tous n'ont pas encore été présentés, mais à quelques exceptions près, les écarts entre le budget et les comptes sont importants. Lukas Rühli d'Avenir Suisse – un groupe de réflexion libéral – ne veut pas accuser les cantons de mauvaise foi:
La solution proposée par Avenir Suisse consisterait en des remboursement d'impôt. Si un canton réalise un excédent important non planifié et a un faible taux d'endettement, le bénéfice devrait être restitué aux contribuables. Cela pourrait se faire par le biais d'une déduction sur la facture d'impôt définitive.
Dans le cas de Genève, la population ne bénéficierait pas de remboursement. Le canton est toujours beaucoup trop endetté pour cela. Il n'a pourtant pas l'intention de consacrer le bénéfice annoncé à la réduction de la dette. Le gouvernement genevois veut plutôt financer la caisse de pension et offrir la gratuité des transports publics aux personnes de moins de 25 ans sur le territoire cantonal.
De tels projets crispent le groupe de réflexion libéral. «Offrir des prestations telles que des transports publics gratuits simplement parce que l'on a réalisé par hasard un excédent n'a pas de sens», déclare Lukas Rühli. «Ces prestations sont-elles d'intérêt public et valent-elles leur coût?»
Si la politique arrive à la conclusion que l'on veut vraiment des transports publics gratuits pour les jeunes, ceux-ci devraient être financés de manière appropriée dans un budget. Les bus, trams et trains gratuits devraient alors être financés par l'argent des contribuables. Lukas Rühli martèle:
Ces dernières années, l'écart entre les budgets annoncés et les comptes présentés a parfois atteint des niveaux absurdes. En 2021, les cantons se sont facturés au total plus de huit milliards de francs, dont ils se sont mieux acquittés. En 2022, ce chiffre était de 7,7 milliards. Pour l'année passée, la situation ne sera plus aussi extrême, selon Lukas Rühli. Certains cantons, comme Saint-Gall et Bâle-Campagne, ont même fait légèrement moins bien que ce qui était prévu au budget. Malgré tout, il sera toujours question d'erreurs de calcul de l'ordre du milliard.
En même temps, c'était la première année depuis longtemps sans distribution de dividendes par la Banque nationale. De nombreux cantons comptaient sur des fonds provenant d'un éventuel bénéfice de la BNS – d'un montant total d'environ 1,8 milliard. Lukas Rühli trouve «étonnant» que l'absence de distributions n'ait pas d'influence majeure sur le résultat global.
Cela pourrait inciter à dire que les cantons n'ont pas du tout besoin de ces fonds de la Banque nationale et que la clé de répartition pourrait être adaptée. Les deux tiers du pot de distribution vont aux cantons, le reste à la Confédération. La situation de la caisse fédérale est nettement moins rose. Dans les années à venir, les chiffres pourraient bien être rouges si des programmes d'économie importants ne sont pas mis en place.
Lukas Rühli peut comprendre cette exigence, mais met en garde de manière générale contre le fait de dépendre des fonds de la BNS pour la politique fiscale. Cela va à l'encontre de l'indépendance de la Banque nationale. De plus, les montants distribués sont liés à de nombreux facteurs d'incertitude, de sorte qu'il est difficile d'établir un budget précis.
L'économiste d'Avenir Suisse voit néanmoins une marge de manœuvre pour la Confédération. Par exemple, la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons n'est pas très claire. Il cite entre autres le domaine de l'infrastructure ferroviaire, dont la Confédération est seule responsable du financement jusque dans les moindres recoins.
Mais la tendance en matière de répartition des tâches va dans l'autre sens. Les cantons, dont les finances sont en partie solides, se déchargent de certaines tâches sur la Confédération, qui est à court d'argent. Par exemple le financement des crèches ou la réduction des primes. «Les cantons se plaignent souvent de ne pas pouvoir se permettre ceci ou cela.» Mais ce n'est pas un argument valable:
Les cantons pourraient augmenter les impôts en cas de besoin. Cela serait déjà nettement plus difficile pour la Confédération, car cela impliquerait une modification de la Constitution.
Les cantons se défendront malgré tout bec et ongles contre des tâches supplémentaires, prévoit Lukas Rühli. Et c'est ainsi qu'il reviendra à de nombreux directeurs des finances de présenter un bénéfice non planifié dans les années à venir.