Les économistes suisses livrent leur avis sur la grosse annonce de la BNS
Voici les premières réactions d'économistes suite à la décision de la Banque nationale suisse (BNS) ce jeudi de maintenir son taux directeur à 0,0%. La plupart soulignent que le statu quo était largement attendu. Les spécialistes divergent quant à un éventuel retour aux taux négatifs.
La comparaison avec l'UE aide, note Lombard Odier
«La BNS reste fidèle à sa ligne et considère que la politique monétaire demeure suffisamment expansive. En conséquence, le taux directeur reste inchangé en décembre», résume Philipp Burckhardt, gestionnaire senior chez Lombard Odier et spécialiste du marché obligataire. Malgré une inflation inférieure aux attentes et un ralentissement conjoncturel, le basculement vers des taux négatifs ne se justifierait pas. La dépréciation du franc offre un bol d'air frais aux exportations helvétiques. «La BNS bénéficie également du fait que l'Europe affiche un différentiel de taux élevé par rapport à la Suisse», argumente M. Burckhardt, qui exclut un nouvelle baisse du taux directeur dans les prochains mois.
Une nouvelle baisse ne peut être exclue, avertit PostFinance
Philippe Merkt, chef stratégiste (CIO) de PostFinance, tire les mêmes conclusions. «Le franc suisse est évalué à sa juste valeur et la politique monétaire est déjà expansive», affirme-t-il dans une prise de position. Certes, le renchérissement s'est légèrement renforcé au cours de l'année, mais cet effet est compensé par l'inflation nettement plus élevée à l'étranger. Malgré cela, le scénario d'un retour aux taux négatifs ne peut être totalement exclu. Merkt, qui mentionne le ralentissement du PIB au 3e trimestre et l'absence de perspective de reprise averti:
La faiblesse conjoncturelle freine l'évolution des prix alors que des effets de base pèseront prochainement sur les loyers. Si ces deux effets venaient à se combiner, la BNS pourrait être contrainte à assouplir encore sa politique monétaire, selon le CIO de PostFinance.
Sans forte détérioration, pas de taux négatifs, explique Raiffeisen
La banque centrale helvétique a fait très rapidement passer son taux directeur de 1,75% à 0,0%. «En outre, la BNS a clairement indiqué à plusieurs reprises que le seuil pour une réintroduction des taux d'intérêt négatifs était nettement plus élevé» qu'auparavant, rappelle Fredy Hasenmaile, chef économiste de Raiffeisen. Pour le spécialiste, il est impossible d'exclure un nouvel abaissement, mais il répondrait à un détérioration conjoncturelle significative, comme un nouveau choc du franc. Tant que la Banque centrale européenne maintiendra sa politique monétaire à des niveaux «confortables», la devise helvétique restera peu attrayante comme placement.
Les taux négatifs? Attention les dégâts, souligne Banque Migros
Les marchés financiers et Banque Migros avaient anticipé le statu quo de la BNS. L'économiste senior Santosh Brivio établit une comparaison entre la banque centrale helvétique et la Réserve fédérale américaine (Fed) qui, elle, est confrontée à une inflation marquée. Rien de tout cela en Suisse. «Les risques d'un glissement temporaire vers la déflation restent élevés», prévient le spécialiste, qui pointe du doigt la faiblesse conjoncturelle, un taux de chômage relativement élevé et un franc surévalué. La BNS a raison d'être prudente, selon M. Brivio, car, contrairement à la Fed qui a baissé son taux directeur mercredi, elle ne dispose plus d'aucune marge de manoeuvre conventionnelle.
Abaisser les taux et revenir aux taux négatifs n'aiderait en rien – au contraire. Santosh Brivio met en garde contre les «dommages collatéraux massifs» d'une telle politique sur les institutions de prévoyance et les petits épargnants.
Une année 2026 sans changement, prévoit J. Safra Sarasin
Il n'y aura pas de modification du taux directeur en 2026, prophétise de son côté Karsten Junius, chef économiste du groupe bancaire J. Safra Sarasin. La BNS considère le «niveau actuel de sa politique monétaire comme suffisamment bas pour stimuler l'économie et remplir son mandat en matière d'inflation», selon lui. Une première hausse ne saurait intervenir avant le second semestre 2027. Le franc devrait encore se renforcer face à l'euro, atteignant 0,91 franc pour un euro d'ici fin 2026.
Faible pression sur la banque centrale, selon LLBW
Chez Landesbank Baden-Württemberg (LLBW), on souligne la faible pression qui est actuellement exercée sur les autorités monétaires afin que celles-ci agissent. L'économiste senior Katja Müller constate que l'inflation se situe actuellement dans le bas de la fourchette cible de la BNS, un faible niveau qui devrait perdurer, à en croire les prévisions des banquiers centraux helvétiques. Grâce à une adaptation des droits de douane américains, les perspectives économiques se sont améliorées en Suisse.
Dans ce contexte, il semble peu probable qu'une nouvelle baisse du taux directeur – et donc un retour en territoire négatif – intervienne. Müller rappelle que la BNS dispose d'un autre levier: l'intervention sur le marché des devises, un outil à utiliser cependant avec précaution au risque de se faire accuser de manipulation des changes par les Etats-Unis.
Pas de hausse avant 2027, analyse Syz
Reto Cueni, chef économiste du groupe genevois Syz, est également convaincu que la BNS ne touchera pas à son taux directeur l'année prochaine, mais n'envisage aucune hausse avant le début de l'année 2027. Le banquier met en exergue l'amélioration conjoncturelle mondiale, ce qui devrait aider l'économie suisse dans les trimestres qui viennent, tout comme l'allègement des droits de douane américains. Le rétablissement en cours devrait pousser la Banque centrale européenne à relever ses taux à fin 2026, ce qui va vraisemblablement forcer la BNS à l'imiter, argumente Cueni. (jah/ats)
