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Ils veulent obliger la BNS à investir dans le bitcoin

Ils veulent obliger la Banque nationale suisse à investir dans le bitcoin
Les cryptomonnaies n'ont pas les faveurs de la BNS. Pour l'instant.Image: unsplash

Ils veulent inscrire le bitcoin dans la Constitution fédérale

La loi prévoit que la Banque nationale suisse possède une partie de ses réserves monétaires en or. Un comité d’initiative exige l’ajout du bitcoin dans le texte.
18.01.2025, 18:4418.01.2025, 21:07
Viviane Vogel / ch media
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Une initiative audacieuse propose d’inscrire nommément le Bitcoin dans la Constitution fédérale suisse. Actuellement, seul l’or y est mentionné comme réserve monétaire. Un comité d’initiative composé de dix personnes demande désormais à la Banque nationale suisse (BNS) d’investir dans cette cryptomonnaie. Créé en 2009, le Bitcoin repose sur une technologie blockchain censée garantir sa sécurité contre les falsifications.

Si la Suisse adoptait cette proposition, elle ferait figure de pionnière sur la scène internationale. A ce jour, seules deux nations, le Salvador et la République centrafricaine, ont intégré le Bitcoin dans leur stratégie financière officielle. Mais les initiateurs de cette proposition veulent aller plus loin: contraindre la BNS à acheter des bitcoins, tout en excluant d’autres cryptomonnaies comme l’Ethereum.

Un choix loin d’être fortuit. Le comité de l’initiative rassemble des entrepreneurs du Bitcoin, un développeur logiciel et un informaticien, pour la plupart novices en politique nationale. Parmi eux, un nom familier se détache: Anian Liebrand, directeur du comité d’Egerkingen, connu pour avoir mené la campagne en faveur de l’interdiction de la burqa. Le groupe a jusqu’à fin juin 2026 pour récolter les 100 000 signatures nécessaires à l’organisation d’un vote populaire.

Les détracteurs de cette proposition accusent ses défenseurs de vouloir, avant tout, promouvoir le Bitcoin. Cependant, Andreas Glaser, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Zurich, assure que le texte de l’initiative ne pose aucun problème juridique:

«L’or est déjà mentionné dans la Constitution. Il est tout à fait possible d’y inclure le Bitcoin de manière similaire»

Tentative ratée lors de l'assemblée générale

Yves Bennaïm, principal initiateur, auteur et pionnier autoproclamé d’Internet, avait déjà fondé, en 2017, un think tank sur le Bitcoin. Il reconnaît que son initiative pourrait échouer, mais considère que l’essentiel est d’engager un débat national.

Son acolyte, Luzius Meisser, avait déjà tenté d’aborder la question, en 2022, lors de l’assemblée générale de la BNS. Meisser, membre du conseil d’administration de la société d’investissement Bitcoin Suisse et diplômé en informatique de l’ETH, avait alors plaidé en faveur du Bitcoin, vantant son indépendance politique et sa résistance à l’inflation. Il estimait également qu’il pouvait protéger la Suisse d’une éventuelle dépréciation de l’euro.

Mais Thomas Jordan, président de la BNS à l’époque, avait rejeté ces arguments, jugeant le Bitcoin trop volatile et insuffisamment liquide.

«Les cryptomonnaies comme le Bitcoin ne remplissent pas les critères requis pour nos réserves monétaires»

Depuis, la position de la BNS n’a pas évolué.

L'économiste monétaire n'y croit pas

Sergio Rossi, économiste à l’Université de Fribourg, a lui aussi été sollicité par les initiateurs. Cependant, il met en garde contre la forte volatilité de la monnaie virtuelle.

«Le Bitcoin est à la mode en ce moment. Mais dès qu'il perd cette popularité, il s'effondre sans aucune valeur de garantie derrière lui»
Sergio Rossi

Il réfute également l’argument selon lequel le Bitcoin garantirait une indépendance politique vis-à-vis des devises étrangères.

«Le cours du Bitcoin dépend aussi de la géopolitique et donc des décisions de pays tiers. Une volte-face de Donald Trump ou une interdiction en Chine pourrait faire chuter sa valeur»
Sergio Rossi

Selon Rossi, adopter le Bitcoin entraînerait au contraire une dépendance accrue au marché financier, amplifiant le pouvoir des géants comme BlackRock ou des rares acteurs capables de miner cette cryptomonnaie. Sans oublier l’impact environnemental. «La BNS doit agir dans l’intérêt de la Suisse, un pays engagé dans l’Accord de Paris sur le climat.» En effet, le Bitcoin coûte cher en énergie.

Provoquer le débat

Yves Bennaïm, de son côté, critique l’hypocrisie de la BNS, qui évite d’investir directement dans le Bitcoin, mais détient des actions de MicroStrategy, une entreprise qui en fait sa réserve principale. «Pourquoi ne pas acheter directement des bitcoins?» interroge-t-il. Quant à l’inscription dans la Constitution, il explique que «personne ne prend au sérieux ceux qui parlent de Bitcoin sans s’organiser politiquement.» Avec ce projet, ils espèrent sortir de leur position marginale et forcer la BNS à discuter.

Pour Bennaïm, cette initiative n’est ni une critique fondamentale ni une révolution. Le texte proposé reste volontairement ouvert, sans préciser combien de bitcoins la BNS devrait détenir. Il estime néanmoins que l’actuelle réélection de Trump et l’ouverture, depuis 2024, de PostFinance aux investissements en cryptomonnaies renforcent leur cause.

Alors que Rossi doute que le Bitcoin devienne un jour une réserve monétaire crédible, Bennaïm parie sur le temps. Il espère mobiliser au moins 100 000 électeurs suisses au sein de la communauté crypto.

«La véritable bataille sera celle de la campagne de vote. Mais je pense que cela n’aura lieu que dans cinq ans. D’ici là, les mentalités auront évolué et nous aurons amplement discuté du sujet»
Sergio Rossi

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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