Thomas Jordan a encore frappé: le chef de la Banque nationale suisse (BNS) a abaissé le taux directeur, répétant ainsi le scénario du mois de mars. Cette décision a une nouvelle fois surpris les marchés financiers. A un rythme soutenu, la BNS continue d'adapter sa politique en matière de taux à la baisse de l'inflation. Après avoir atteint 3,5% en août 2022, celle-ci s'élevait encore à 1,4% en mai.
En mars, la BNS a été la première banque centrale du monde à opter pour une baisse des taux d'intérêt. En juin, elle les réduira une nouvelle fois d'un quart de point de pourcentage et fixera son taux directeur à 1,25%. A titre de comparaison, la Banque centrale européenne (BCE) a récemment osé une première hausse alors que la banque centrale américaine (Fed) ne s'y est pas encore risquée.
L'institution helvétique justifie sa décision dans un communiqué de presse: les pressions inflationnistes sous-jacentes ont encore diminué par rapport au trimestre précédent. Ainsi:
Thomas Jordan évoque également le cours de l'euro par rapport au franc suisse. La monnaie unique s'est appréciée de janvier à fin mai. Ces dernières semaines, elle a à nouveau nettement perdu de sa valeur, principalement à cause des incertitudes politiques.
Ce que le dirigeant veut dire par là, c'est qu'un nouveau risque est apparu depuis les élections européennes. Les marchés ne semblent en effet pas extrêmement à l'aise avec l'idée que le parti d'extrême droite de Marine Le Pen puisse obtenir une majorité au Parlement français. L'euro s'est fortement déprécié par rapport au franc suisse, passant temporairement sous la barre des 95 centimes.
Jordan a également déclaré que l'incertitude quant à l'évolution de l'inflation en Suisse reste élevée. La BNS veut y remédier. C'est pourquoi:
En d'autres termes: l'inflation helvétique dépend tout particulièrement du cours de l'euro. Cette relation existe certes depuis toujours, mais c'est d'autant plus le cas en période de grandes incertitudes à l'échelle de l'Europe. Le cours de l'euro détermine le pouvoir d'achat de la Suisse. Cela a donc une grande influence sur les prix dans notre pays et par conséquent aussi sur l'inflation.
Mais Jordan refuse de laisser le cours de l'euro et l'inflation en Suisse à la merci des errances politiques. Il veut influencer les choses pour permettre à la BNS d'atteindre ses objectifs constitutionnels et de contenir l'inflation entre 0 et 2%. Et cela malgré les incertitudes alentour.
A l'heure actuelle, il faut donc renforcer l'euro et affaiblir le franc. Voilà donc la raison d'être de cette nouvelle baisse du taux directeur de la BNS. Son directeur a justement préparé un message: «Nous sommes toujours prêts à être actifs sur le marché des devises en cas de besoin». Ce dernier doit donc s'attendre à ce que la BNS entre en scène si l'euro venait encore à se déprécier.
En abaissant son taux directeur, la BNS tient désormais compte de tous ces développements et les conditions monétaires sont à nouveau adéquates - l'économie n'est donc ni trop bridée ni complètement en roue libre. Cette a annonce a immédiatement fait réagir les marchés. Le cours de l'euro est remonté juste après, passant de moins de 95 centimes à 95,5 centimes.
Les économistes de la Banque J. Safra Sarasin, qui s'attendaient à ce scénario, ont ainsi été confortés dans leurs prévisions. Ils les avaient notamment justifiées par le fait que l'inflation se situait dans une fourchette confortable visée par la BNS. Parallèlement, l'économie ne croît qu'à un rythme inférieur à la moyenne et elle est encore freinée par des taux d'intérêt élevés. La BNS aurait donc à la fois la marge de manœuvre nécessaire pour une baisse et une raison valable de le faire.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)