La face cachée des livraisons Amazon à Noël
Votre prochaine commande Amazon n'est pas encore validée, mais l'article est sans doute déjà en chemin, dans le dédale automatisé de l'entrepôt de Brétigny-sur-Orge en région parisienne, ou d'un autre centre logistique de la plateforme américaine. Grâce à l'intelligence artificielle (IA), Amazon analyse les tendances pour prédire quels articles seront commandés puis optimise les flux pour stocker et enfin livrer le client au plus vite.
Selon les produits, il sera encore possible de commander mercredi pour avoir le cadeau sous le sapin. Pour le promettre, Amazon compte sur cette fourmilière au sud-est de Paris, où plusieurs centaines de milliers d'articles transitent chaque jour.
Les images:
Dans ce premier site robotisé d'Amazon en France, construit en 2019, jusqu'à un million de colis sont gérés en 24 heures, «avec en cette période de pic d'activité, 33% d'articles en plus», explique le directeur des lieux, Jean-Stéphane Phinera-Horth.
Sous la lumière artificielle et le vrombissement des machines, c'est bouchons aux oreilles qu'il explique faire appel à 1700 saisonniers en CDD pour prêter main forte aux 4500 salariés. Jour et nuit, sept jours sur sept, ils répondent à la demande frénétique de consommation entre le Black Friday et Noël.
Robots autonomes
Des articles entrent par cartons ou sur des palettes, ils ressortent individualisés, emballés, étiquetés, prêts à être distribués. Dans l'intervalle, ils sont trimballés, selon des règles d'optimisation décidées par l'algorithme, sur dix kilomètres de tapis roulants coupant l'espace en large et en travers, sur trois niveaux de 70 000 m2 chacun.
Les 2e et 3e étages composent le «cœur technologique» du réacteur, sourit Jean-Stéphane Phinera-Horth.
Il faut s'imaginer un immense hangar où les rayonnages ne sont pas fixés au sol, comme dans un supermarché, mais attendent d'être portés par des sortes d'aspirateurs-robots. Ces machines courtes sur pattes suivent des QR codes au sol, le long «d'autoroutes et d'allées», passent sous les armoires, collées les unes aux autres, avant d'en cueillir une pour l'acheminer. Un ballet millimétré.
Sur cet échiquier géant, les humains ne rentrent pas, sauf pour réparer des robots ou ramasser des articles tombés. Ils attendent que l'armoire vienne à eux. Un ordinateur leur dit alors quels produits ils doivent déposer, ou à l'inverse récupérer, et ce dans quel compartiment de l'armoire. Là des éponges partagent un espace avec du dentifrice, ici des jouets avec des biscuits.
«Chantage et pression»
Alexandre, 24 ans, est salarié ici depuis trois ans. Il fait partie d'une rotation entre les différents postes de la chaîne. Ce jour-là, il doit prendre des produits et les ranger dans les armoires jaunes qui viennent à lui. Debout, de 13H20 à 20H50, avec une pause de 16H30 à 17H. «C'est fatigant, au niveau du dos surtout, ce sont des mouvements répétitifs», concède-t-il, sans vouloir s'étendre sur les conditions de travail.
D'autres salariés croisés, habillés de doudoune et bonnet, sont plus causants. S'ils reconnaissent des avancées technologiques au service des salariés et une bonne gestion du pic d'activité, Teoman Sarica et Nathan Ouayekolo, délégués syndicaux, regrettent «une pression et un chantage» des managers.
De nombreux salariés signent des «avenants» à leur contrat initial afin de travailler la nuit ou le week-end, des postes mieux payés. Or, ces délégués syndicaux affirment que si un salarié n'est pas assez productif, la direction utilise le renouvellement des avenants comme levier. Un retour vers des horaires de jour en semaine peut parfois être brusque. Des méthodes qu'ils qualifient de «pression psychologique».
Ces méthodes, niées par la direction, seront l'un des sujets de discussion, avec les salaires et la sécurité, lors des négociations annuelles qui commenceront en février. D'ici là, les colis de millions de Français seront passés entre les mains de ces employés.
