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Deux dangers menacent l'immobilier en Suisse

Deux dangers menacent l'immobilier en Suisse

Les marchés économiques ignorent encore largement le changement climatique. S'ils reconnaissent les risques, le prochain crash immobilier mondial pourrait se déclencher.
29.04.2024, 09:57
Niklaus Vontobel / ch media
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«La prochaine catastrophe immobilière». Le magazine britannique The Economist met ses lecteurs en garde contre la menace que représente le réchauffement climatique pour nos maisons. En bref: le monde risque d'être confronté à des dommages de 25 000 milliards de dollars, ce qui pose la question suivante:

«Qui va payer?»

Le climat a déjà changé — et le monde avec lui. Le niveau des mers est plus élevé, les phénomènes météorologiques extrêmes sont plus fréquents et plus intenses. Des précipitations extrêmement fortes sont aujourd'hui 9 fois plus probables en Europe qu'à l'époque préindustrielle, car l'air est plus chaud et absorbe donc plus d'humidité. Les vagues de chaleur sont 150 fois plus probables.

La manière dont ces phénomènes météorologiques extrêmes endommagent les bâtiments est déjà bien connue, par exemple aux Etats-Unis ou en Australie, où les tempêtes et les incendies de forêt sont de plus en plus fréquents et intenses. Londres, en revanche, est touchée de manière inattendue. Là-bas, l'argile sur laquelle sont construits environ 40% des logements s'assèche et le sol s'affaisse, touchant 1,8 million d'habitations.

Cela va coûter cher, mais les réparations ne sont pas le seul problème. Les propriétaires sont aussi mis à contribution par les gouvernements pour aider à lutter contre le changement climatique ou à en atténuer les conséquences. Le chauffage et la climatisation à faible émission de carbone deviennent obligatoires, tout comme les bâtiments à haute efficacité énergétique. Ainsi, le changement climatique coûte de plus en plus cher aux propriétaires.

Le coût exact reste une énigme. Néanmoins, MSCI — une entreprise qui crée des indices financiers — a osé faire une estimation.

Les investisseurs institutionnels, comme les caisses de pension ou les assurances, pourraient ainsi perdre près de 9% de leur portefeuille immobilier total. Si tous les immeubles d'habitation du monde étaient touchés de la même manière, la facture s'élèverait à 25 000 milliards de dollars.

Des étés dangereux pour la santé

La Suisse n'est pas une île face au changement climatique, comme l'explique Marius Zumwald. Il a obtenu son doctorat à l'ETH Zurich et a ensuite cofondé la start-up Norm Technologies, spécialisée dans la relation entre changement climatique et immobilier. Dans chaque pays, les conséquences du changement climatique sont différentes, les plus grands risques immobiliers en Suisse étant liés à la chaleur et aux fortes précipitations.

La chaleur a un impact particulièrement fort là où les biens immobiliers résidentiels sont concentrés, c'est-à-dire dans les villes et les agglomérations. Il y fait plusieurs degrés de plus que dans les régions rurales environnantes. Il y a trop peu d'arbres pour rafraîchir l'air et trop de routes et de places bétonnées qui emmagasinent la chaleur du soleil et réchauffent leur environnement.

Marius Zumwald explique que l'été devient donc de plus en plus difficile à supporter dans de nombreux appartements en ville. Peu de bâtiments disposent d'une climatisation active capable d'empêcher une augmentation rapide de la température. Ainsi, il peut faire jusqu'à 30 degrés, même la nuit. Du point de vue de la santé, le mercure ne devrait pas dépasser les 24 degrés quand on dort.

Cependant, ces souffrances estivales n'ont jusqu'à présent pas eu d'impact sur les loyers. Selon une étude de Swiss Life menée en collaboration avec la start-up Norm Technologies en 2023, les appartements plus chauds ne sont pas loués à des prix moins élevés. Ainsi, les appartements plus chauds ne sont pas considérés comme moins intéressants, et la chaleur n'a donc pas encore détruit leur valeur immobilière.

Et l'explication est simple: les personnes à la recherche d'un logement n'ont pas d'autre choix que de prendre des appartements littéralement invivables en été. Sinon, ils ne trouvent rien du tout, surtout dans les villes. Les propriétaires louent donc ces logements sans réduire les loyers ou installer de systèmes de refroidissement.

Les tribunaux pourraient imposer des règles

Si la concurrence n'a pas d'effet, peut-être que la Justice agira. En effet, les propriétaires sont déjà tenus de garantir une température minimale aujourd'hui — alors pourquoi pas une température maximale?

Marius Zumwald estime qu'il est possible qu'un tribunal établisse un précédent en prescrivant ce qui constitue une température intérieure acceptable. Dans ce cas, les propriétaires ou les locataires devraient payer pour le refroidissement. Selon ses estimations, la facture d'électricité annuelle augmenterait ainsi de 0,5 à 2,5 milliards de francs suisses.

Un deuxième risque concerne les fortes précipitations, qui provoquent des inondations et des ruissellements de surface. Dans ce cas, la pluie ne s'infiltre pas sur les surfaces scellées, mais continue à s'écouler jusqu'à ce qu'elle trouve une issue - par exemple, à travers les fenêtres d'un appartement ou une cave. Comme le mentionne un rapport de Wüest Partner, les ruissellements de surface et les inondations sont considérés comme les «catastrophes naturelles les plus coûteuses en Suisse».

Comme la chaleur, les fortes précipitations peuvent causer plus de dommages en ville qu'à la campagne, simplement parce qu'il y a plus de choses à détruire. Et tout comme contre la chaleur, les villes suisses sont également mal protégées contre les fortes précipitations. Au contraire, beaucoup d'entre elles sont devenues plus vulnérables au fil des ans en bétonnant, asphaltant et construisant de manière imprudente sur les sols.

L'immobilier au cœur des principaux marchés financiers

A l'échelle mondiale, la facture imminente du changement climatique est énorme — si énorme qu'elle pourrait non seulement bouleverser les finances des propriétaires individuels, mais également avoir de graves conséquences sur le système financier.

L'immobilier est la principale classe d'actifs au monde, représentant environ deux tiers de la richesse mondiale. Cela fait des maisons et des appartements «le cœur de plusieurs des principaux marchés financiers du monde». En effet, ces biens immobiliers sont grevés d'hypothèques qui, à leur tour, soutiennent les bilans des banques.

Mais le changement climatique est encore souvent occulté. Aux Etats-Unis, par exemple, l'immobilier est en plein boom, même dans les régions où le danger de l'élévation du niveau de la mer est évident. Si l'on regarde l'évolution des prix, on ne peut en tirer qu'une seule conclusion: les investisseurs ne s'inquiètent pas beaucoup des risques du changement climatique pour l'immobilier.

Cependant, l'histoire montre que la tranquillité peut très vite se transformer en panique. Si les banques et les débiteurs hypothécaires réalisaient soudain que leurs biens immobiliers ne valent pas autant qu'ils le pensaient peu de temps auparavant, une vague d'ajustements de prix pourrait se propager à travers les marchés. Les finances publiques pourraient également être mises en difficulté si les propriétaires immobiliers demandaient de l'aide. En bref, le changement climatique pourrait déclencher le prochain crash immobilier mondial.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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