Les vêtements sont vrais, mais pas le reste. La marque Mango a lancé il y a quelques jours une campagne publicitaire créée à l'aide de l'intelligence artificielle (IA). Selon un communiqué du groupe de mode espagnol, il s'agit de la «première campagne entièrement créée par IA». Elle fait la promotion d'une nouvelle collection destinée aux adolescents.
Selon Mango, toutes les pièces de la collection ont d'abord été photographiées. Ensuite, un modèle d'IA a été entraîné à positionner correctement les photos sur des modèles générés artificiellement. Les photos ont finalement été retouchées et traitées.
La collection ainsi promue devrait être vendue dans 95 pays. Le communiqué ne précise pas si la Suisse en fait partie. Avec ce test, Mango veut sans doute attirer l'attention d'une jeune génération curieuse de technologie.
Mais ce n'est pas la seule raison. Avec cette solution, le groupe de mode s'épargne également des coûts: il n'est pas nécessaire de payer des mannequins ni d'organiser une séance photo coûteuse. De plus, l'IA peut créer plusieurs visuels pour une seule campagne. Dans le cas d'un catalogue avec de nombreuses photos, les entreprises qui se décident pour l'IA peuvent ainsi économiser des centaines de milliers, voire des millions de francs, comme l'explique Jad Hayed, directeur de l'agence de mannequins zurichoise Fotogen, à 20minutes.
L'expert en marketing Felix Murbach est d'accord: il y aura tôt ou tard moins besoin de photographes, de visagistes et de mannequins dans la publicité. Ces professions ne disparaîtront pas complètement, mais elles devront assumer de nouveaux rôles, plus axés sur le conseil.
Pour Felix Murbach, l'IA est instoppable dans le secteur de la publicité, permettant d'offrir de nombreuses opportunités à bas prix. Des modèles de clients peuvent être créés à l'envie en quelques secondes. De plus, les entreprises peuvent ainsi répartir leur clientèle en groupes-cibles beaucoup plus petits et personnalisés.
Mais les images générées par IA suscitent également des critiques, et pas seulement en raison de leur influence potentiellement négative sur les emplois dans l'industrie de la mode.
Comme l'écrit le portail de mode Preview, de nombreux clients craignent que des standards de beauté de plus en plus irréalistes soient encouragés, particulièrement lorsque les campagnes s'adressent aux jeunes. Selon un ancien mannequin contacté, les campagnes vont montrer de plus en plus des «modèles ethniquement ambigus et super minces». Felix Murbach reconnaît ce danger et admet que cela peut mettre la pression, surtout sur les jeunes.
Le port des vêtements lui-même est également différent. Avec un vrai mannequin, on peut se rendre compte de la manière dont les habits tombent sur le corps d'une vraie personne — même si celle-ci aura souvent le physique adapté pour. Avec l'IA, le doute est permis.
Mais si le manque d'authenticité constitue un problème psychologique potentiel pour les acheteurs, il peut aussi nuire à la crédibilité des marques. Pour Felix Murbach, il s'agit d'un dilemme connu du monde du marketing, mais poussé ici à l'extrême:
Il y a en tout cas une «tendance à se dresser face à la perfection générée par l'IA, qui exige plus d'authenticité et de diversité», ajoute Felix Murbach. «Il sera intéressant d'observer comment ces technologies vont évoluer et quelles nouvelles possibilités elles vont créer pour les marques.»
Les méthodes de Mango sont quelque peu expérimentales. Mais la campagne actuelle basée sur la l'IA devrait aider la marque à vendre sa nouvelle collection, mais aussi à attirer l'attention de nouveaux clients intéressés par les changements du monde actuel. En Suisse, Mango est représenté par huit magasins: à Lausanne, Genève, Lugano, Berne, Bâle, Zurich, Saint-Gall et Ebikon (LU). Le groupe prévoit en outre d'ouvrir son premier flagship store suisse à Wallisellen (ZH).
Il faut dire que le groupe a besoin de tirer son épingle du jeu. Si l'année dernière, il a réalisé son record, soit un chiffre d'affaires mondial d'environ 3,1 milliards d'euros, par rapport à la concurrence, Mango reste un «petit joueur». Le groupe suédois H&M, avec ses différentes marques, a réalisé l'année dernière un chiffre d'affaires de près de 21 milliards de francs, et la chaîne de mode espagnole Inditex, avec des marques comme Zara ou Massimo Dutti, a réalisé un chiffre de 36 milliards d'euros sur la même période. Même le groupe danois Bestseller, avec des marques comme Jack & Jones ou Vero Moda, a réalisé un récent chiffre d'affaires annuel de près de 5 milliards d'euros.
Traduit et adapté par Tanja Maeder