Les codes à respecter sont d'une précision chirurgicale. Qui aura le privilège de s'asseoir au premier rang de l'un des prestigieux défilés de la Fashion Week? Et, surtout, pourquoi?
Depuis le 17 janvier et jusqu'au 11 mars, les images des célébrités présentes à Paris, New York, Londres ou Milan pour les semaines de la mode inondent les médias et les réseaux sociaux. Une immense vitrine pour les marques qui choisissent minutieusement celles et ceux assis «front row». Au fil des années cependant, la stratégie comme le public ont bien évolué, notamment avec l'arrivée des réseaux sociaux.
Dans les années 1950, les défilés avaient pour objectif de présenter les collections à des femmes issues «des échelons supérieurs de la société», retrace Vogue. Elles passaient ensuite «commande pour les saisons à venir». Assis à leurs côtés se trouvaient les éditeurs et photographes en charge de choisir les vêtements qui allaient apparaître dans les magazines.
La décennie suivante sera marquée par une plus grande ouverture: les créateurs autorisent dorénavant les photographes à documenter cette «scène exclusive» et les premières célébrités font leur apparition «front row» grâce à leurs relations personnelles avec les designers.
Le réel tournant va s'opérer dans les années 1990, puis 2000, lorsque les marques commencent à payer les stars pour qu'elles assistent aux défilés. De leur côté, les célébrités profitent de la vitrine pour faire, par exemple, la promotion de leur dernier film. Une stratégie gagnant-gagnant qui s'observe encore et qui a transformé ces événements en «véritables objets de communication», soulève Arte dans l'émission Le dessous des images. Aujourd'hui, des personnalités comme Rihanna ou Beyoncé pourraient encaisser près de 100 000 dollars pour être présentes.
Avec l'avènement des réseaux sociaux et leur influence grandissante depuis 2010, la foule placée en première ligne s'est encore une fois métamorphosée pour accueillir les blogueurs et influenceurs. A travers leurs plateformes, et avec la possibilité de diffuser en direct les images des défilés, ce nouveau public offre aux marques une visibilité immédiate hors norme. Désormais, grâce aux écrans, cet «événement exclusif est devenu accessible à tous», écrit Vogue.
Raison pour laquelle les personnalités invitées et placées au premier rang sont aujourd'hui tout aussi importantes que ce qu'il se passe sur le podium. L'enjeu est stratégique pour l'image de la marque: quel message veut-elle transmettre au public? Et, surtout, qui sont les futurs acheteurs? Car ce ne sont pas les tenues extravagantes qui rapportent le plus d'argent, mais les produits dérivés: sacs à main, accessoires, parfums.
Dès lors, une attention toute particulière est accordée au «front row». Pendant des semaines, des spécialistes de la communication réfléchissent à chaque détail et dressent des plans bien précis pour savoir qui est la star du moment qui doit absolument être vue, qui doit être placé à côté de qui. Au point que selon les défilés, seuls quelques photographes de renom triés sur le volet sont autorisés à prendre des clichés.
Une mise en scène sur-mesure au cœur de l'attention médiatique qui commence d'ailleurs avant le début du défilé. Vous l'aurez peut-être observé: l'arrivée des célébrités est filmée, photographiée puis largement diffusée pour que le spectacle dure plus longtemps. Jusqu'à se propager aux défilés eux-mêmes.
Plusieurs shows ont, en effet, récemment fait parler d'eux pour l'ampleur de la prestation offerte au public. En janvier 2024, Maison Margiela a transformé ses mannequins en poupées de cire grâce à une technique secrète de maquillage devenue virale sur les réseaux sociaux. Autre exemple: le défilé Coperni en 2023, lors duquel la mannequin Bella Hadid s'était fait sprayer une robe sur le corps. Des images qui ont fait le tour du monde. Les retombées pour la marque? Plus de 26 millions de dollars en 48 heures.