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Comment Trump risque de bouleverser le marché immobilier suisse

Comment Trump risque de bouleverser les prix de l'immobilier suisse

Après avoir été au plus bas, les taux d'intérêt se remettent à grimper. Le chaos causé par Donald Trump est-il la seule raison à cela? En tout cas, ce changement risque d'impacter les loyers et les prix de l'immobilier.
18.03.2025, 05:2818.03.2025, 05:28
Niklaus Vontobel / ch media
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Les taux d'intérêt remontent soudainement en Suisse: pour les emprunts d'Etat à dix ans, ils ont grimpé en flèche, passant d'un peu plus de 0,2% en décembre à presque 0,8% aujourd'hui. Les nouveaux taux sont donc quasiment quatre fois plus élevés. Les marchés exagèrent-ils et ce pic va-t-il bientôt disparaître? Ou le chaos autour de Donald Trump conduit-il à des taux d'intérêt durablement plus élevés? Et quelles sont les conséquences pour la décision à venir de la Banque nationale suisse en mars?

L'enjeu est de taille. Les loyers, les prix de l'immobilier et plus de 1200 milliards de francs d'hypothèques dépendent de ces taux d'intérêt.

En effet, si les taux hypothécaires augmentent en Suisse, le coût des emprunts immobiliers devient plus élevé, rendant l’achat de biens immobiliers plus cher pour les ménages. Cela peut entraîner une baisse de la demande pour la propriété, ce qui pousse généralement les prix des logements à la baisse. Parallèlement, les propriétaires qui ont des hypothèques à taux variable voient leurs charges augmenter et peuvent répercuter cette hausse sur les loyers, surtout si la hausse est durable.

Si la flambée actuelle des taux d'intérêt se maintient, elle pourrait marquer «le début d'une nouvelle ère», comme le souligne Isabel Schnabel, économiste de pointe à la Banque centrale européenne (BCE). La Suisse sortirait ainsi d'une phase de baisse des taux d'intérêt qui dure depuis des décennies.

Les taux d'intérêt ont commencé à baisser au début des années 90 et ont même atteint des niveaux insoupçonnés à partir de 2008, lorsque la Suisse a été entraînée dans la crise financière mondiale, puis dans la crise de l'euro. L'euro est devenu trop faible par rapport au franc et, avec lui, l'inflation. A partir de 2014, la Banque nationale suisse (BNS) a dû lutter contre ce phénomène en fixant des taux directeurs négatifs. Le monde des taux d'intérêt était sens dessus dessous.

Ceux qui prêtaient leur argent à la Confédération ne recevaient plus d'intérêts – au contraire, ils devaient en payer à la Confédération. Ce monde à l'envers ne s'est remis à l'endroit qu'en 2021. La crise du Covid-19 a brisé les chaînes d'approvisionnement mondiales. La Russie a attaqué l'Ukraine et le gaz s'est raréfié. Ce double choc a fait revenir l'inflation. La BNS l'a combattue en augmentant les taux d'intérêt – et la Suisse a connu le premier retournement à la hausse des taux d'intérêt depuis des décennies.

Mais ce revirement des taux d'intérêt ressemblait plutôt à un épisode éphémère plutôt qu'au début d'une nouvelle ère. Les taux d'intérêt élevés étaient arrivés avec la forte inflation – et semblaient disparaître lorsque celle-ci a commencé à diminuer. Dès 2023, l'inflation est repassée sous la barre des 2% et était donc sous contrôle. Peu après, la BNS a baissé son taux directeur, et il ne restait plus qu'à savoir jusqu'où elle irait. Mais avec le retour de Trump, la situation s'est subitement inversée, et les taux d'intérêt sont repartis à la hausse.

Taux d'intérêt sur les emprunts d'Etat suisses à 10 ans

Staatsanleihen
Image: BNS

Et pas seulement en Suisse. La plupart des pays occidentaux ont connu un tel revirement, comme les Etats-Unis, la France ou plus récemment l'Allemagne, avec la plus forte hausse depuis la chute du mur de Berlin en 1989.

Un marché mondial

En effet, les conséquences des actions du président américain ne se limitent pas aux Etats-Unis. Comme l'a dit un trader à l'agence de presse Bloomberg après une journée de forte hausse des taux d'intérêt internationaux:

«Cette journée a été un rappel brutal que le marché des taux d'intérêt est en fin de compte un marché mondial».

Les taux d'intérêt ont augmenté parce que Trump veut des impôts plus bas, ce qui fait grimper la dette publique. Parce qu'il agit de manière erratique et que les marchés exigent une marge de sécurité. Et aussi parce qu'il préfère prendre le contrôle du Groenland «d'une manière ou d'une autre» plutôt que de protéger l'Europe du nouvel empire russe de Poutine.

L'Allemagne abandonne donc sa politique d'austérité auparavant sacrée et passe, sous la houlette du probable prochain chancelier Friedrich Merz, à un «whatever it takes»: le gouvernement dépense autant que nécessaire pour la défense. Le quotidien allemand FAZ parle donc d'une «nouvelle ère des dépenses publiques».

Mais avec Trump à la Maison-Blanche, seule l'incertitude est certaine. Les taux d'intérêt pourraient également baisser si ses fameux droits de douane et sa gestion chaotique du pouvoir déclenchaient une récession et que la banque centrale américaine (Fed) devait voler à la rescousse en abaissant ses taux directeurs. Cela pourrait arriver plus vite que même les critiques de Trump ne l'auraient cru possible. Les sondages montrent que les consommateurs et les entreprises sont préoccupés par l'avenir.

Mais derrière le chaos trumpien pourrait se cacher le «début d'une nouvelle ère». C'est en tout cas la théorie d'Isabel Schnabel de la BCE. L'économiste a déclaré dans un discours que des taux d'intérêt réels plus élevés constituaient «le scénario le plus probable pour l'avenir».

Elle justifie cette estimation par les investissements plus importants qui seront nécessaires dans les années à venir, particulièrement dans la défense, dans la transition énergétique et dans l'intelligence artificielle. Selon le Fonds monétaire international, les pays occidentaux vont donc investir une part de leur produit intérieur brut qui n'a plus été aussi importante depuis les années 80.

La Banque nationale suisse a un souci de moins

Selon Schnabel, ces investissements pourraient être si importants qu'ils entraîneraient un revirement sur les marchés des taux d'intérêt. Jusqu'à maintenant, il y a une surabondance d'épargne. Mais, à l'avenir, les Etats et les entreprises devraient contracter tellement de dettes que l'épargne deviendrait plus rare et donc plus coûteuse. Schnabel résume:

«La surabondance mondiale d'épargne semble se transformer en une surabondance mondiale d'obligations».

Sommes-nous déjà entrés dans cette nouvelle ère? Est-ce pour cela que les taux d'intérêt sont en train d'augmenter? A la Banque J. Safra Sarasin, l'économiste en chef Karsten Junius affirme que les perspectives de reprise économique en Suisse et en Europe se sont améliorées, notamment en raison de la hausse des investissements qui se dessine en Allemagne. Cette tendance plaide en faveur de taux d'intérêt à long terme plus élevés et a réduit la nécessité pour la BNS d'agir.

Selon la banque, la BNS abaissera cette semaine son taux directeur de 0,5% à 0,25% – et le maintiendra à ce niveau jusqu'à la fin de l'année. La BNS n'a pas besoin de faire plus, car l'inflation reste plutôt faible. Mais le risque d'une récession ou d'une inflation négative a diminué, selon l'économiste. C'est pourquoi Karsten Junius affirme que «des taux d'intérêt nuls ou même négatifs ne sont pas nécessaires».

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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