Alors que le président américain a annoncé lundi qu'il comptait imposer des droits de douane sur les produits agricoles entrant aux Etats-Unis à compter du 2 avril, et invité «les grands agriculteurs des Etats-Unis» à se préparer à «produire beaucoup plus de produits agricoles pour les vendre à l'intérieur» du pays sur Truth Social, l’acier, l’aluminium et d’autres secteurs clés pourraient menacent d'être touchés par son escalade protectionniste.
Derrière cette offensive commerciale, un autre enjeu de taille se profile: la lutte contre le fentanyl. Le président américain condamne fermement le Canada, le Mexique et la Chine pour leur manque d’action face au trafic de cet opioïde, responsable de dizaines de milliers de morts chaque année aux Etats-Unis.
Pour les forcer à agir, il a imposé début février des droits de douane de 25% sur l’ensemble des produits canadiens et mexicains, en dépit de l’accord de libre-échange négocié sous son premier mandat. Convaincu par les premiers efforts d’Ottawa et Mexico – notamment l’envoi de 10 000 soldats supplémentaires à la frontière par le Mexique et la création d’une unité spécialisée au Canada – il a suspendu ces mesures pour un mois. Mais cette trêve commerciale arrive à son terme, et la menace d’une nouvelle vague tarifaire pèse sur les marchés.
Howard Lutnick, secrétaire au Commerce, a été clair lors de son audition devant le Sénat fin janvier:
Mais pour lui, ces taxes sont aussi un instrument politique assumé : «La frontière était grande ouverte et nous voulons que nos partenaires commerciaux la ferment.»
Ryan Majerus, ancien haut fonctionnaire du Commerce devenu avocat, voit dans cette approche un calcul stratégique: «Il ne fait aucun doute que le gouvernement tente de régler les problèmes liés au fentanyl et à l’immigration, et ces taxes lui ont donné du poids face au Canada et au Mexique, comme l’ont montré leur réaction.»
Toutefois, l’économie américaine tousse déjà sous le poids de ces barrières douanières. En février, l’activité manufacturière a progressé à un rythme ralenti (50,3% contre 50,9% en janvier), selon l’indice ISM publié lundi. Bien que toujours en expansion, cette dynamique s’essouffle et inquiète les observateurs.
Les industriels rapportent une hausse des coûts et des perturbations logistiques majeures. «Les hausses de prix se sont accélérées en raison des droits de douane, ce qui a entraîné des retards dans la passation de nouvelles commandes, des arrêts de livraison de la part des fournisseurs et des répercussions sur les inventaires», ajoute Timothy Fiore.
De la chimie aux transports, en passant par les machines-outils, l’électronique et l’agroalimentaire, les entreprises commencent à sonner l’alarme. Dans les transports, un acteur du secteur affirme à l'AFP: «Les consommateurs suspendent leurs projets d’achats en raison de l’incertitude liée aux droits de douane.»
Dans l’agroalimentaire et le tabac, une autre entreprise observe déjà un repli du marché: «Nous constatons que les prix ont un impact sur les volumes, avec des consommateurs qui achètent moins et cherchent des alternatives.»
Conséquence directe: l’indice des prix a bondi de 7,5 points, enregistrant sa plus forte progression depuis mi-2022.
L’administration Trump joue une carte risquée. Loin de rester passifs, le Canada et le Mexique ont déjà prévenu qu’ils riposteraient en cas d’application définitive des droits de douane. Justin Trudeau, premier ministre canadien, a adopté un ton ferme:
Du côté mexicain, la présidente Claudia Sheinbaum s’est montrée tout aussi résolue: «Quelle que soit la décision, nous avons un plan. Nous avons un plan A, un plan B, un plan C et un plan D.»
Les industriels américains redoutent une guerre commerciale qui viendrait aggraver une situation déjà fragile. Une augmentation des coûts de production pourrait frapper directement les consommateurs, entraînant une chute de la demande et une inflation plus persistante que prévu.
Donald Trump a souligné maintes et maintes durant sa campagne que les droits de douane étaient «ses mots favoris» et les considère comme un levier pour rééquilibrer la balance commerciale, financer sa promesse de baisse d’impôts et forcer ses partenaires à respecter les Etats-Unis. Mais cette stratégie pourrait se heurter à la réalité économique. Fin février, deux indices de confiance des consommateurs ont plongé, impactés par la crainte d’un rebond de l’inflation, qui avait atteint 9,5% en juin 2022 et peine à revenir vers les 2% visés par la Réserve fédérale.
Lundi, la publication de l’indice ISM a confirmé ces tensions. Dans plusieurs industries, les inquiétudes montent quant à l’impact concret des nouvelles taxes. «Les hausses de prix se sont accélérées en raison des droits de douane, ce qui a entraîné des retards pour passer de nouvelles commandes, des arrêts de livraison de la part des fournisseurs et des répercussions sur les inventaires», a rappelé Timothy Fiore.
Avec une croissance qui repose sur le pouvoir d’achat des ménages, la méfiance grandit sur les marchés. Et le pari du président américain pourrait bien se transformer en boomerang économique.