Qui est responsable de la chute du groupe Volkswagen? L'Allemagne traverse une période politiquement agitée, et les experts se querellent sur la question. Les uns estiment que c'est la faute de la Commission européenne, qui veut interdire les nouvelles immatriculations de moteurs à combustion à partir de 2035 et qui pousse ainsi le plus grand constructeur automobile d'Europe à se lancer trop rapidement dans les voitures électriques.
Pour d'autres, les erreurs sont avant tout dues à l'entreprise Volkswagen elle-même: l'entreprise aurait manqué le coche de l'e-mobilité et la conduite autonome, tout comme la numérisation. Certains évoquent également les mauvaises conditions économiques qui empêchent de nombreux consommateurs d'acheter un véhicule.
En août, près de 28% de voitures en moins ont été immatriculées en Allemagne par rapport au même mois de l'année précédente; l'achat de voitures purement électriques a même chuté de 69%, notamment parce que l'achat de voitures de fonction n'est plus subventionné par l'Etat depuis septembre dernier.
La politique n'est pas innocente dans cette misère, ne serait-ce que parce qu'elle est actionnaire de Volkswagen: le Land de Basse-Saxe, où se trouve l'usine principale, à Wolfsburg, détient 20% des droits de vote et délègue deux représentants au conseil d'administration, composé pour moitié d'actionnaires et pour moitié de représentants des salariés.
Pendant longtemps, les employés de Volkswagen ont bien vécu l'influence de la politique: les salaires sont suffisants et les employés bénéficient de nombreux avantages, par exemple pour l'achat de véhicules ou la retraite. Les gouvernements des Länder de Hanovre (généralement dirigés par le Parti social-démocrate) ainsi que des syndicats puissants veillent à ce que cela reste ainsi.
Mais tout cela ne devrait guère contribuer à la productivité: la marge opérationnelle de la marque Volkswagen, qui est la plus touchée par la crise, a chuté de 4 à 2,3% au premier semestre. Pour les filiales que sont Seat et Skoda, cette marge représente tout de même 5,2 et 8,4%. Seules les marques de luxe telles que Porsche et Bentley affichent des nombres à deux chiffres.
Alors que chez Toyota, 380 000 collaborateurs produisent 11,2 millions de voitures par an, chez Volkswagen, 680 000 employés fabriquent 9,2 millions de véhicules. Les six usines allemandes sont en surcapacité. A cela s'ajoute le fait que le travail est comparativement cher en Allemagne: les experts de la branche doutent que Volkswagen puisse construire de manière rentable des voitures électriques pour 20 000 à 25 000 euros comme prévu, en tout cas en Allemagne.
Dans le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung, le PDG du constructeur automobile Oliver Blume parle d'une «césure historique». Pour la toute première fois, des usines entières pourraient être fermées en Allemagne. La garantie d'emploi que le groupe a donnée à ses collaborateurs jusqu'en 2029 pourrait être supprimée, ce qui ouvrirait la voie à des licenciements massifs. Les salaires pourraient également être revus à la baisse.
Oliver Blume exige que l'ensemble du groupe fasse passer sa marge opérationnelle de 8 à 10% d'ici 2030. En réalisant des économies, il veut permettre des investissements dans l'avenir de l'entreprise: au cours des cinq prochaines années, un total de 180 milliards d'euros doit être consacré au passage à l'e-mobilité ainsi qu'aux progrès en termes de numérisation et conduite autonome.
Il n'est pas certain qu'Oliver Blume atteigne ses objectifs: plus d'un manager a déjà échoué face à la masse d'intérêts de Volkswagen, composée d'actionnaires, de politiciens et de syndicalistes. Le prédécesseur d'Oliver Blume, Herbert Diess, a abandonné il y a deux ans. Mercredi, la présidente du comité d'entreprise Daniela Cavallo a annoncé lors d'une réunion du personnel qu'elle s'opposerait à ces mesures d'économies. Le directeur financier de l'entreprise, Arno Antlitz, lui a rétorqué:
Cela ressemble bien à un danger existentiel pour la «voiture du peuple». Il est toutefois peu probable que la politique laisse tomber Volkswagen. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? C'est une autre question.
En tout cas, mercredi, le ministre du Travail Hubertus Heil a déclaré vouloir donner des impulsions à l'électromobilité. Pour cela, le social-démocrate veut toutefois modérer les plans d'Oliver Blume: tous les sites doivent être maintenus et les licenciements évités.
Le gouvernement du chancelier Olaf Scholz ne peut se permettre d'autres mauvaises nouvelles en ce moment. Ses collègues de parti, à Hanovre, ont déjà annoncé, mercredi, que le Land de Basse-Saxe allait reprendre, pour 200 millions d'euros, environ 40% du chantier naval Meyer, en difficulté. L'entreprise qui produit de grands navires de croisière, avec ses 3300 employés, est minuscule comparée à Volkswagen. Si le chantier naval est considéré comme d'importance systémique, alors Volkswagen l'est probablement encore plus.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder