Les vagues de chaleur qui frappent les Balkans depuis le début de l'été s'accompagnent d'un nombre record d'incendies, y compris dans les décharges à ciel ouvert.
Souvent illégales et dégageant fumées et gaz toxiques, ces décharges «ne sont souvent que des dépotoirs où les déchets ne sont pas triés. L'accumulation de déchets organiques conduit à la formation de poches de méthane», qui s'enflamment sous l'effet de la chaleur et se propagent à cause des papiers, plastiques et autres matières organiques accumulées à la surface, explique Aleksandar Jovović, professeur à la Faculté de génie mécanique de Belgrade.
D'après les données du ministère serbe de l'Environnement, moins de la moitié de la population a accès à la douzaine de décharges dites sanitaires où les ordures sont traitées. Le pays compte en outre 129 décharges non sanitaires et plus de 2 500 dépotoirs sauvages.
Dans le sud du pays, la décharge municipale de Golo Brdo a brûlé pendant des jours début juillet, les fumées rendant l'air irrespirable pour les habitants des villages alentour. Haris Ibrahimovic, responsable d'une organisation de riverains explique:
Il poursuit:
Lors des incendies, des microparticules et des gaz toxiques, tels que l'oxyde d'azote et le dioxyde de soufre, des métaux lourds ou encore des dioxines et furanes, des polluants éternels «hautement toxiques qui se forment systématiquement lors de la combustion de plastiques», peuvent se répandre dans l'atmosphère, décrit Elizabet Paunovic, docteure et ancienne directrice du Centre européen pour l'environnement et la santé de l'Organisation mondiale de la Santé.
En d’autres termes, cela peut causer des malformations congénitales. Ce danger est généralement méconnu des populations qui vivent à proximité, car les autorités ne mesurent souvent que les taux de microparticules, ajoute cette experte, et «les messages des institutions ne donnent pas une image réaliste de la situation, ce qui empêche d'évaluer les risques pour la santé».
Pour Haris Ibrahim, la réponse est claire: «Tout le monde s'en fiche que nous soyons exposés» à ces fumées. Le problème, régional, concerne notamment aussi l'Albanie. A Elbasan, ancien complexe industriel aujourd'hui laissé en partie à l'abandon, les flammes ont ainsi fait rage pendant plus d'une semaine dans une décharge, un incendie dû aux températures élevées, selon son administrateur Ledi Kaja.
Au total, plus d’une dizaine de personnes sont poursuivies dans le pays, soupçonnées d'avoir détourné l'argent dévolu à la construction d'incinérateurs à Tirana, Elbasan et Fieri, qui n'existent que sur le papier.
L'ancien ministre albanais de l'Environnement, Lefter Koka, a déjà été condamné à plus de 6 ans de prison en novembre pour détournement de fonds et abus de pouvoir dans le cadre d'une enquête sur l'incinérateur d’Elbasan, puis à 3 ans de prison dans le cadre d'une autre enquête sur l'incinérateur de Tirana. Il est poursuivi pour les mêmes chefs d’accusation dans une enquête sur l'incinérateur de Fier.
Confrontés à des étés toujours plus chauds et secs, les ministères serbes de l'Intérieur et de l'Environnement ont proposé quelques mesures d'urgence pour tenter de prévenir les incendies, notamment une surveillance permanente des déchetteries.
Contacté pour avoir plus de détails sur ces mesures, le ministère serbe de l'Environnement n'avait pas répondu fin juillet. Les mesures ne seront pas suffisantes pour mettre fin à un problème vieux de plusieurs décennies, pointe Aleksandar Jovovic:
Une nouvelle décharge et un incinérateur ont ainsi été construits à côté de la décharge de Belgrade, l'une des plus grandes d’Europe, récemment réhabilitée. Mais «les déchets de la ville arrivent toujours en quantité bien supérieure à ce qu'ils devraient» et s'accumulent trop rapidement, «en raison de l'absence de tri sélectif des déchets dans les ménages».