C’était bien la peine d’adopter un ton mesuré lors des récents bombardements israélo-américains en Iran, entend-on, ce jeudi 3 juillet, en France. L’inculpation, la veille, à Téhéran, des Français Jacques Paris et Cécile Kohler pour «espionnage pour le Mossad», «complot pour renverser le régime» et «corruption sur terre», n’est pas à proprement parler une manière de remercier la France et son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Détenus depuis trois ans en Iran, les deux Français font à présent face à des accusations passibles de la peine de mort.
Certes, la France, depuis quelque temps, qualifiait Jacques Paris et Cécile Kohler d’«otages», sous-entendant par-là que le régime iranien se comporte en Etat ravisseur. Nullement impressionnée par cette audace verbale, la République islamique a comme décidé de faire monter les enchères avec des charges superlatives, évoquant celles retenues par le gouvernement algérien contre l’écrivain Boualem Sansal et le journaliste Christophe Gleizes, franco-algérien pour le premier, français pour le second.
En accusant Jacques Paris et Cécile Kohler de faits gravissimes, «Téhéran renoue avec la diplomatie de la terreur, avec la diplomatie des otages», observe un journaliste franco-iranien joint par watson, qui souhaite garder l’anonymat. «C’est ce que fait le régime islamique lorsqu’il sent qu’il est en situation de grande faiblesse.»
Pour remonter à loin, l’enlèvement, en 1985, au Liban, par le Hezbollah, relais de la République islamique, des diplomates Marcel Fontaine et Marcel Carton, du chercheur Michel Seurat et du journaliste Jean Paul Kauffmann, tous français, avait été pour l’Iran un moyen de pression pour obtenir de la France le remboursement d’une dette liée à un prêt du shah, le souverain iranien renversé en 1979 par la Révolution islamique. Les otages, à l’exception de Michel Seurat, mort d’un cancer en captivité, avaient été libérés trois ans plus tard.
Que cherche précisément Téhéran en chargeant de la sorte Jacques Paris et Cécile Kohler? «A l’évidence, le régime use là d’un moyen de pression», répond notre interlocuteur, né en France d’un père iranien et d’une mère française, sa famille côté paternel ayant été persécutée par les islamistes lors de leur prise du pouvoir, il y a 46 ans.
Alors, que veulent obtenir de la France les Iraniens? Le journaliste franco-iranien joint par watson émet plusieurs hypothèses:
En juillet 2024, la France avait expulsé le dénommé Bashir Biazar, un ressortissant iranien soupçonné d’espionnage pour l’Iran. Faut-il y voir un lien de cause à effet? En mars de cette année, Olivier Grondeau, un Français de 34 ans qui avait été arrêté en Iran en octobre 2022 alors qu’il effectuait un tour du monde, était libéré après deux ans et cinq mois de détention.
Certains, en France, verront peut-être plus qu'une coïncidence dans les traitements judiciaires réservés, au même moment en Algérie et en Iran, deux régimes entretenant des liens de proximité, aux quatre prisonniers que sont Boualem Sansal et Christophe Gleizes d'une part, Jacques Paris et Cécile Kohler d'autre part.
Si, samedi 5 juillet, le président algérien Abdelmadjid Tebboune ne devait pas gracier pas l'écrivain Boualem Sansal à l'occasion de la fête algérienne de l'Indépendance, il se trouverait en France des voix chez les alliés de droite du président Macron, pour dénoncer la diplomatie «molle» du Quai d'Orsay, celle qui invoque le droit international face au pays du Sud Global.