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Comment Vladimir Poutine a brisé le soft power de la Russie

Putin als Peter der Grosse
Comme Pierre le Grand, Vladimir Poutine monte fièrement son cheval.photo: montage: watson / material: keystone, shutterstock
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Comment Vladimir Poutine a brisé le soft power de la Russie

Suite à sa guerre contre l'Ukraine, le président russe a définitivement coupé son pays de l'Occident.
26.06.2022, 12:01
Philipp Löpfe
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Ivan Krastev est l'un des plus grands connaisseurs de l'Europe de l'Est. Dans une tribune publiée par le Financial Times, il relate l'anecdote suivante:

«Il y a une rumeur selon laquelle un membre du cercle intérieur du Kremlin, interrogé sur les personnes les plus proches de Vladimir Poutine, aurait répondu sèchement: "Ivan le Terrible, la Grande Catherine et Pierre le Grand".»

Pour Poutine et ses partisans, l'élargissement de l'Otan, à l'Est, est toujours la raison de l'invasion de l'Ukraine. «Mais en réalité, nous assistons à la fin perverse du dernier empire d'Europe», affirme Krastev. «Le soi-disant "rusky mir", le monde russe, est considéré, culturellement parlant, comme quelque chose qui va au-delà de la Fédération de Russie. Ce monde est désormais sacrifié sur l'autel d'une autocratie et de l'ethnicité russe».

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Des Russes exilées à Varsovie protestent contre l'invasion de l'Ukraine.photo: keystone

Les fantasmes de grande puissance de Poutine ont eu pour effet de réduire la puissance réelle de la Russie. Son soft power (la possibilité de servir de modèle à d'autres pays et de gagner ainsi en influence), Poutine l'a déjà fait flamber. «En attaquant l'Ukraine, il a coupé le lien avec l'Europe et a fait de la Russie un pays méprisé», explique Krastev.

La visite d'Emmanuel Macron, Olaf Scholz et Mario Draghi à Kiev a mis en évidence cet état de fait. Avant la visite des trois principaux chefs d'Etat de l'UE, on craignait une tentative de persuader Volodymyr Zelensky d'accepter un compromis boiteux avec la Russie.

C'est le contraire qui s'est produit: la visite s'est transformée en une véritable déclaration de solidarité avec l'Ukraine. «Aujourd'hui, sur le sol ukrainien, il est devenu évident que la sécurité de l'ensemble du continent européen est en jeu», a déclaré Macron:

«L'Europe est à vos côtés et le restera tant que cela sera nécessaire»

C'est d'autant plus étonnant que récemment, Macron avait fait des déclarations laissant entendre qu'il voulait pousser Zelensky à un compromis. De même, il avait exprimé son scepticisme quant à une adhésion rapide de l'Ukraine à l’UE.

A Kiev, il a changé de cap, a promis une procédure accélérée et a précisé que l'invasion russe était «préméditée, délibérée, injustifiée et injustifiable». Macron a en outre promis de livrer six obusiers César supplémentaires à l'Ukraine.

Le chancelier allemand s'est lui aussi montré particulièrement émotif pour ses fonctions. «Mesdames et Messieurs, l'Ukraine doit vivre», s'est exclamé Olaf Scholz, ajoutant un «Slava Ukraini», un terme ukrainien désignant une victoire de l'Ukraine. Scholz a également promis de remédier au plus vite aux difficultés de livraison d'armes allemandes.

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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (au centre) pose aux côtés (de gauche à droite) du chancelier allemand Olaf Scholz, du président français Emmanuel Macron, du président du Conseil italien, Mario Draghi, et du président roumain, Klaus Werner Iohannis.Image: sda

De leur côté, les Ukrainiens se sont définitivement détournés de la Russie. Petro Obukhov, un membre du gouvernement municipal d'Odessa, a déclaré au New York Times:

«Au cours des deux dernières décennies, nous avons évolué de manière opposée, l'Ukraine vers l'Ouest, la Russie vers son passé, le passé soviétique. Nos chemins se sont séparés».

«Les empires naissent souvent sur le champ de bataille, mais ils meurent dans les librairies», constate Krastev. C'est le cas actuellement à Kiev et dans d'autres villes d'Ukraine. Autrefois, les étagères des librairies étaient remplies de classiques de la littérature russe. «Après la guerre, il est fort probable qu'il n'y aura plus de section avec des livres russes», poursuit Krastev. Le nombre de personnes souhaitant apprendre le russe diminuera également radicalement.

Côté russe, avant l'invasion, la bourgeoisie urbaine cultivée s'inspirait fortement du mode de vie occidental. Cela ne sera quasiment plus possible à l'avenir. Des centaines de milliers de personnes ont donc quitté leur pays.

Les membres de l'élite devront eux aussi repenser leur mode de vie. Le New York Times a analysé les destinations des jets privés des oligarques au cours des dernières semaines. Il s'avère que Paris, Milan et Genève ne sont plus desservies. La destination préférée des jets privés est devenue Dubaï. C'est pourquoi la métropole située dans le désert est désormais appelée «Dubaisk».

(Traduit de l'allemand par Anne Castella)

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