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Pourquoi le gaz de Poutine continue-t-il de circuler en Ukraine?

FILE - A worker at a Ukrainian gas station Volovets in western Ukraine Wednesday, in Oct. 7, 2015. Fears are rising about what would happen to Europe's energy supply if Russia were to invade Ukra ...
Un ouvrier à la station de compression de gaz de Volovets, dans l'ouest de l'Ukraine.image: keystone
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Pourquoi le gaz de Poutine continue de traverser l'Ukraine

Les tubes de Nord Stream sont inutilisables depuis les actes de sabotage. Or, c'est justement par l'Ukraine que le gaz russe continue de s'écouler vers l'ouest. Une escalade des tensions est à craindre.
01.10.2022, 16:32
Peter Blunschi
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Dans toute guerre, il y a des développements qui, à première vue, n'ont pas de sens. Il peut ainsi arriver que deux parties qui s'affrontent sur le champ de bataille continuent à faire des affaires ensemble. Dans le cas de la guerre en Ukraine, cela concerne la livraison de gaz naturel en provenance de Russie, via le gazoduc Transgas qui traverse le pays attaqué.

Le volume a été considérablement réduit ces derniers mois, car l'Ukraine n'accepte plus d'afflux par le tracé sud, qui traverse la région de Louhansk, occupée par la Russie. Elle exige que l'approvisionnement ne se fasse plus que par le tracé nord à travers la région de Soumy, contrôlée par l'Ukraine. Le conflit menace désormais de s'envenimer.

Mais le gaz circule encore, ce qui est remarquable au vu des fuites dans les deux gazoducs Nord Stream, très probablement dues à des actes de sabotage. Les soupçons se portent sur la Russie. Bien qu'aucun gaz n'ait circulé récemment dans les tubes de la mer Baltique, Moscou pourrait tenter d'attiser en Europe la crainte d'une crise énergétique cet hiver.

Des tensions depuis 2004

Pour l'instant, il s'agit d'une pure spéculation et le transit par l'Ukraine continue de fonctionner. Selon la NZZ, il repose sur «une dépendance de plusieurs décennies». La construction du gazoduc Transgas à travers l'Union soviétique a commencé dans les années 1960. Il traverse la Slovaquie et la République tchèque pour rejoindre l'Allemagne et l'Autriche.

Même après la dissolution de l'Union soviétique, il est resté «l'artère vitale» des livraisons de gaz russe à l'Ouest. Mais depuis quelque temps, les tensions se sont multipliées. Après la «révolution orange» à Kiev en 2004, le groupe Gazprom a soudainement exigé du gouvernement ukrainien des «prix du marché mondial» au lieu de l'ancien tarif préférentiel.

Poutine et l'arme du gaz

Début 2006, l'approvisionnement a été interrompu. Toutefois, le gaz destiné au reste de l'Europe a continué à transiter par l'Ukraine, qui en a détourné une partie pour elle-même. Finalement, un contrat a été signé dans lequel Kiev acceptait les augmentations de prix et pouvait en contrepartie obtenir un tarif plus élevé pour le transit de gaz.

Mais le conflit n'a jamais été réglé. Vladimir Poutine a continué à essayer de faire pression sur l'Ukraine avec «l'arme du gaz». Sans succès. En 2017, un tribunal d'arbitrage en Suède a condamné la Russie à payer 2,5 milliards de dollars. Fin 2019, Gazprom et le groupe ukrainien Naftohas ont signé un nouveau contrat de livraison.

Critiques envers la Suisse

Dans le même temps, la Russie a tenté de contourner l'Ukraine pour le transit du gaz, avec Nord Stream 1 et 2 et le gazoduc TurkStream, ouvert en 2020, à travers la mer Noire. L'Ukraine a suivi cette évolution avec mécontentement. Elle risquait de perdre des revenus, raison pour laquelle elle est également soupçonnée d'être à l'origine des fuites de Nord Stream.

Mais le gazoduc semble encore être indispensable à la Russie. Car malgré les attaques massives contre l'infrastructure ukrainienne, les conduites n'ont pas été détruites jusqu'à présent. Le patron de Naftohas, Yuriy Vitrenko, avait une explication simple à cela lors d'une interview avec le RedaktionsNetzwerk Deutschland (RND) en mai:

«Les Russes ne bombardent pas ce pipeline, car ils en tirent beaucoup d'argent, par leurs livraisons en Europe occidentale»

La Russie a toutefois fortement réduit les livraisons. Les frais de transit sont également retenus. Naftohas a donc porté plainte début septembre pour violation du contrat de livraison de 2019. Celui-ci a été conclu selon le droit suédois et le lieu de juridiction a été fixé à Zurich. Mercredi, Gazprom a rejeté les accusations.

Yuriy Vitrenko, Chief Executive Officer, Naftogaz of Ukraine, Ukraine, right, attends a panel session next to Ignazio Cassis, President of the Swiss Confederation, left, at the Open Forum during the 5 ...
Le patron de Naftohas, Yuriy Vitrenko, demande un embargo européen sur le gaz et le pétrole.image: keystone

L'Ukraine ne respecte pas ses obligations de transit, indique le communiqué en faisant référence au «blocage» de la ligne sud. En outre, la Suède et la Suisse seraient considérées par le gouvernement russe comme des «pays inamicaux». Gazprom a menacé de prendre des sanctions contre Naftohas, dont un arrêt des livraisons.

«Des sanctions dévastatrices»

Le chef du groupe Vitrenko s'en accommoderait. Dans un entretien accordé au quotidien allemand RND, il a soutenu un embargo occidental sur le gaz et le pétrole à l'encontre de la Russie:

«Nous avons besoin de sanctions dévastatrices, de celles qui sont réellement susceptibles d'affaiblir la position de Poutine. Une telle mesure devrait être un choc pour la Russie, cela pourrait être un choc pour l'Europe. Mais ce serait un choix délibéré, auquel on peut aussi se préparer»

Après le sabotage en mer Baltique, un arrêt des livraisons par l'Ukraine provoquerait probablement des troubles supplémentaires et des hausses de prix sur le marché du gaz. Les efforts de l'Occident pour s'affranchir du gaz russe sont donc d'autant plus importants.

Traduit de l'allemand par Tanja Maeder

Des Russes mobilisés ont été abandonnées dans un champ
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