«Le bien immobilier le plus cher du monde.» Un titre pompeux, on vous l'accorde, mais un argument de vente imparable quand il s'agit de titiller l'appétit des aspirants propriétaires aussi riches que mégalos. Toutefois, au-delà de sa légende, le château d'Armainvilliers ne manque pas d'atouts.
A commencer par la superficie de ce domaine situé en Seine-et-Marne, à cheval sur pas moins de trois communes: près de 1000 hectares de terrain, soit trois fois plus que Central Park à New York. Largement de quoi ajouter à l'envi un terrain de golf, des «milliers d'appartements», des villas et même des centres commerciaux. Sans parler de l'emplacement, pas loin de Paris (à très exactement «48 kilomètres de la Tour Eiffel», s'extasie le média spécialisé américain Mansion Global).
Pas trop branché jardinage? Jetons plutôt un œil à l'intérieur de ce somptueux château de style normand. 8846 mètres carrés, 100 pièces, 3 étages, 3 ascenseurs, 5 salons, 17 chambres à coucher. Parmi les commodités? Un salon de coiffure, un hammam, un parking privé, des écuries pour 50 chevaux, des logements pour le personnel et 36 bâtiments divers et variés dans le parc.
Précisons aussi que, par souci de simplicité, le palais dispose d'un complexe médical avec clinique dentaire, pharmacie, laboratoire d’analyse et salle d’examen. Sans oublier un vaste réseau de tunnels sous-terrain qui permet aux sous-fifres employés de se déplacer librement entre les nombreuses cuisines, garde-mangers et chambres froides, sans croiser les habitants ni les convives à l'étage.
Ces particularités d'aménagement, on les doit à l'un de ses derniers propriétaires: Hassan II, ancien roi du Maroc, qui s'est offert le château français en 1984 avant d'attaquer d'énormes travaux de rénovation, pour le transformer en palais d'inspiration marocaine. Voyez plutôt.
Sensible à l'Histoire avec un grand «H»? Celle du château d'Armainvilliers est longue comme un jour sans pain. Son aventure aurait débuté dans les 1100 sous forme de forteresse médiévale (laquelle aurait, pour l'anecdote, servi temporairement de refuge à François Ier, en 1544).
Partiellement détruit pendant la Révolution française, le château est finalement acquis en 1877 par un certain Edmond de Rothschild, qui achève de le raser de la cave au grenier pour ériger à la place une résidence plus moderne de style normand.
Après un passage par la famille du roi du Maroc Hassan II pendant 24 ans, la propriété est rachetée pour 200 millions d'euros en 2008. Un acheteur discret du Moyen-Orient, dit-on. Plusieurs médias articulent le nom de Esam Janahi, banquier et «figure de proue de la finance islamique», qui ne l'aurait que peu ou pas utilisée.
Mais il est temps de parler argent. A maison d'exception, prix d'exception: selon Mansion Global, le premier média spécialisé à relayer la vente, le château se négocierait pour la somme stratosphérique de 425 millions d’euros. Un montant jamais atteint en France. Voire dans le monde.
Derrière ce prix qui défie l'entendement et cette accumulation de superlatifs? Un certain Ignace Meuwissen, spécialiste de l'immobilier de luxe et cofondateur de Whisper Auctions, une entreprise basée en Suisse qui commercialise des propriétés «hors marché» parmi les plus exclusives au monde. Selon son site internet, il propose notamment à des oligarques russes ayant quqleuqes millions à investir, des biens situés un peu partout en Europe.
Vous vous souvenez peut-être de la tristement invendable «Villa Aurora», cette bâtisse historique au cœur de Rome présentée, lors de sa mise sur le marché en 2022, comme la maison la «plus chère du monde»? Prix de départ: 470 millions d'euros.
Eh bien, c'est ce conseiller qui avait écopé de la délicate mission d'en débarrasser la propriétaire, la princesse Ludovisi. D'ailleurs, avis aux intéressés: le somptueux manoir italien rempli d'œuvres d'art n'a toujours pas trouvé preneur.
Quant au château français d'Armainvilliers, Ignace Meuwissen est sûr de son coût, euh! coup. La vente de 425 millions se fera «en coulisses», assure-t-il à Mansion Global. Certains clients potentiels auraient déjà manifesté leur intérêt, «dont un d’Europe de l’Est, trois d’Asie et un de Mongolie».
Seul bémol: plusieurs experts immobiliers sont loin de partager cette estimation affolante. Dans le milieu, l'omerta règne. Interrogés par le Figaro Immobilier, certains connaisseurs estiment que le prix évoqué par Ignace Meuwissen n’est «absolument pas crédible». «Fantaisiste» ou «irréaliste», lâchent les uns et les autres, toujours sous couvert d’anonymat.
En effet, des biens luxueux de ce type, dans le département le plus excentré de l'Ile-de-France, ne dépasseraient guère les 15 millions d’euros.
Plus surprenant encore, selon notre confrère du Figaro? La société civile immobilière (SCI) de Esam Janahi, qui serait propriétaire des lieux, réfute avoir jamais confié un mandat de vente à un intermédiaire. Par le biais de son avocat, elle dénonce de nombreuses «inexactitudes sur la description du bien» et l’évocation d’«un prix totalement fantaisiste» par Ignace Meuwissen. Quant au média Jeune Afrique, qui s'est penché sur les coulisses de l'affaire, il va plus loin en affirmant même que le château «n’est pas à vendre».
A ce stade, une seule certitude. Avant d'asseoir son statut de «bien le plus cher de France», si ce n'est du monde, le château d'Armainvilliers fera encore jaser quelques amateurs d'immobilier de luxe. Et n'oublions pas qu'estimation n'est pas raison. Mise aux enchères à 295 millions de dollars, la villa «The One», à Los Angeles, qui détient encore le record de la maison la plus chère jamais vendue aux enchères, s'est finalement vendue pour moins de la moitié: 126 millions de dollars. A voir si une Française sera capable de lui voler la vedette.