Aussi mystérieuse que populaire, Melania Trump pourrait bien être l’inattendu maillon fort de la campagne du candidat républicain. Il y a encore quelques mois, on pariait sur le divorce fracassant du 45e couple présidentiel, en marge du bourbier judiciaire qui menaçait le milliardaire.
A un petit mois du scrutin, force est de constater que rien de tout cela n’est arrivé. Il faut dire aussi que le fantasme de l'épouse éternellement sur le départ et sous l'emprise de son puissant mari, pourtant régulièrement démenti par les historiens et spécialistes des premières dames, a la vie dure.
Au lieu d'un divorce et d'un séjour derrière les barreaux, le républicain est plus que jamais dans la course à la Maison-Blanche et son épouse se tient toujours fermement à ses côtés. Ses mémoires, en rayons (américains) mardi prochain, prouvent deux choses: le couple restera uni au moins jusqu’au 5 novembre et Melania est pleinement consciente qu’en cas de défaite de son homme, les projecteurs braqués sur elle s’éteindront.
Bien sûr, à 54 ans, l’ex-première dame pense d’abord à sa propre carrière, au bonheur de son fils Barron et à la sérénité de son compte en banque. Donald est assez grand pour assumer ses propres erreurs. En revanche, cette dernière salve publique, sous la forme d’un bouquin qui fait déjà trembler l’Amérique, semble abriter des munitions suffisantes pour dérégler quelques boussoles chez les démocrates.
Et ce, malgré le fait que les deux camps soient restés littéralement bouche bée, jeudi, après son cri du cœur en faveur du droit à l’avortement, dans une vidéo et un extrait de ses mémoires révélé par The Guardian.
Alors que cette déclaration agace à la fois les militants pro-vie et les défenseurs du droit à l'avortement, la liste des premières dames républicaines ayant publiquement contredit leur époux à ce sujet est pourtant longue comme le bras. En 1975 déjà, souvenons-nous que Betty Ford avait qualifié l'arrêt Roe v. Wade de «meilleure chose au monde», en direct à la télévision, alors que son président de mari s'était farouchement opposé à l'avortement en soutenant un amendement pour l'interdire.
Si Donald Trump a fortement contribué à dézinguer l'arrêt Roe v. Wade en 2022, il a surtout passé son temps à se contredire à propos de l'IVG, démontrant que ce débat, pourtant capital, n'est pour lui qu'un argument de campagne comme un autre, qu'il trimballe au doigt mouillé. La récente confession de Melania est donc sans doute moins un bâton dans les roues du républicain qu’une irruption sur les platebandes de son adversaire, forçant son équipe à réagir comme elle ne l'avait probablement jamais imaginé:
Car, à l'inverse, Kamala Harris s'est avancée dès le début comme la messagère du droit à l'avortement, qui est au premier plan de sa campagne. Et sa stratégie, payante jusqu'ici, mise sur l'aspect émotionnel, en mettant en lumière les vrais drames vécus par les femmes victimes de viol et celles contraintes de traverser le pays pour interrompre leur grossesse.
En d'autres termes, il y a encore une semaine, le droit à l'avortement était le principal atout des démocrates et le gros point faible des républicains. Les propos de Melania viennent donc avant tout brouiller les pistes. Et c’est bien Kamala Harris qui est visée. Ce, quelques jours seulement après que Donald Trump et son colistier JD Vance aient édulcoré leur position sur le sujet, conscients que les «républicains peuvent mieux faire». Un hasard de calendrier?
A ce niveau d'enjeux, c'est difficile à croire.
On aurait d'ailleurs tort de s'arrêter à cette impression que Melania Trump marche à rebours de son époux. Politiquement, il faut regarder plus loin que les propos de l'ex-première dame sur l'avortement. Deux heures après les révélations du Guardian, on apprenait par exemple qu'elle aurait forcé «Donald Trump à abandonner sa politique d'immigration radicale», qui consistait à séparer les enfants de leurs parents.
La veille, elle prenait position sur le conflit israélo-palestinien, dans un hommage aux otages de l'attentat du 7 octobre, à l'occasion du Nouvel An juif.
— MELANIA TRUMP (@MELANIATRUMP) October 2, 2024
Et jusqu'à la sortie de ses mémoires, il est fort probable que d'autres exclusivités croustillantes viennent perturber la dernière ligne droite avant le scrutin.
Ce désordre monstre, mais parfaitement intentionnel, permet à l'ex-première dame de réaffirmer à la fois son pouvoir, son indépendance et son soutien indéfectible à Donald Trump. En septembre dernier, un journaliste lui demandait si elle comptait s'investir davantage dans la campagne. Sa réponse, à quelques jours d'une tornade en librairie, prend tout son sens:
Le sujet n’est peut-être pas tant le contenu du bouquin, que la réapparition fracassante de Melania Trump, un mois avant son éventuel retour à la Maison-Blanche. Car c’est bien une potentielle première dame qui s’apprête à publier ses mémoires, même si elle n’a jamais été une grande fan de la fonction.
Et ce retour inattendu est sans doute un pied de nez à ceux qui utilisaient sa discrétion pour suggérer que Donald Trump est abandonné de toutes parts, y compris par son épouse.
Depuis quelques semaines, Melania Trump n’ouvre d’ailleurs la bouche que pour défendre le milliardaire. Elle enrage quand il est décrit comme une «entrave à la démocratie» et jure qu’il est un «homme généreux et attentionné», avec qui elle a vécu «les meilleurs comme dans les pires moments», faisant référence à la première tentative d’assassinat à laquelle il a réchappé de peu.
Manœuvre politique ou simple politique bouquin à sa propre gloire, force est de constater que son retour a figé tout le monde, sauf son mari. Il est même probable que plus Melania Trump se montrera critique envers son homme, plus le candidat républicain gagnera en crédibilité. Car «ils se ressemblent beaucoup, mais savent être en désaccord», analysait encore Mary Jordan, journaliste au Washington Post et spécialiste des premières dames. Il y a du House of Cards dans ce couple présidentiel pas comme les autres.