5000 casquettes rouges annoncées, plus de 7000 casquettes rouges au rendez-vous. Lui qui adore mesurer sa foule à celle de Kamala Harris, on peut laisser à Donald Trump la gloire d'avoir fait un carton, samedi, dans le Wisconsin. Organisée au beau milieu de l'aéroport de Mosinee, la quatrième (!) visite du patron MAGA dans la région a fait tarmac comble. Juré, craché: nous y étions.
Du SMS qu'il a fallu envoyer pour obtenir un précieux sésame, à la fouille méticuleuse du Secret Service, l'organisation a crânement surfé au-dessus des couacs. Même la ponctualité fut du côté du candidat républicain, faisant irruption à 13 heures volantes, depuis un ciel bleu tapageur et à bord de son Trump Force One de circonstance.
Circulez, il n'y a rien (de neuf) à voir? Pas tout à fait.
Souvenez-vous, il paraît que Donald Trump est «le seul à pouvoir réparer l'Amérique». C'est évidemment lui qui le dit et il l'a répété plus que de raison, après avoir atterri en messie.
Puisque Kamala Harris est «la pire candidate de toute l'histoire du pays», le 5 novembre sera la dernière occasion pour rendre aux citoyens «la liberté et la prospérité que le gouvernement Biden leur a volées». A l'applaudimètre, les 5000 apôtres entassés sous la tour de contrôle (gardée par des snipers) n'y voyaient aucune objection.
Seulement, avant de rafistoler la plus grande puissance mondiale, il faudrait peut-être veiller à ce qu'un maximum d'électeurs ne décède pas sous ses yeux. Samedi, à deux minutes et à deux mètres d'intervalle, deux participants se sont écroulés à nos pieds. La chaleur? Bof, le patelin de Mosinee c'est 4 degrés celsius à minuit, 15 de plus à mi-journée. Il faut plutôt chercher le coupable dans le pedigree du trumpiste typique du Midwest: une personne âgée et bousillée par le labeur.
Enfin, pour ceux qui en avaient. Les autres pouvaient, au choix, jouer des coudes pour atteindre les quelques places assises disposées autour de l'estrade, ou poireauter debout derrière les barrières. Sachant que la plupart des groupies de Donald Trump s'étaient levées aux aurores pour être certain de ne rater aucune miette du spectacle, les plus acharnées passeront plus de dix heures sur place, sans pouvoir poser leurs fesses.
De quoi faire trembler les cuisses de n'importe quel Américain à la retraite.
La faute, enfin, au très strict règlement de la manifestation, qui prohibait pareillement les armes à feu et le... pique-nique. Autrement dit, une fois les portiques de sécurité franchis, le trumpiste se retrouvait au crochet de trois misérables food trucks, forcément pris d'assaut, s'il ressentait le besoin soudain se sustenter. Et ça n'a pas manqué. Au bout d'une heure et des poussières, l'eau s'est transformée en denrée rare.
Sans compter que l'organisation n'avait pas prévu de ravitaillement d'urgence, le long des barrières, comme c'est le cas devant des concerts de large envergure.
Résultat: deux participants se sont littéralement effondrés, pile au moment au Donald Trump louait les talents d'Elon Musk, en égratignant son prénom: «Boeing a un peu de mal en ce moment. Heureusement, Leon va leur envoyer une fusée!». Mais la foule n'écoutait déjà plus, trop occupée à hurler sur une équipe d'urgence aux abonnés absents.
Coupé dans son élan, Trump s'est alors borné à prendre des nouvelles, de loin, tel un père absent, félicitant «tous ces médecins qui font du bon boulot en Amérique» un poil prématurément, alors que la victime venait tout juste d'être hissée sur une civière.
Dans la foulée, une aute dame d'un certain âge va également perdre à moitié connaissance, au même endroit. Il faudra au moins cinq minutes et l'arrivée du Secret Service pour qu'elle puisse enfin tremper ses lèvres dans de l'eau tiède. Elle sera, elle aussi, éloignée du tumulte, en civière.
De l'eau, il en manquera très vite pour tout le monde. Au point que l'un des soldats de la Team Trump, emballé dans un très chic costume gris et piloté par une oreillette, ordonnera à un petit détachement d'aller en acheter en catastrophe, dans la première échoppe du coin. Tandis que les food trucks crient à la pénurie, les trumpistes asséchés grognent fort dans les files d'attente:
On le sait, le diable se planque dans les détails et loin des caméras. Y compris sur un tarmac que le candidat républicain aura foulé près de nonante minutes. Si la «foule du Wisconsin est vraiment la meilleure du pays», elle est surtout vieillissante. Gageons que la prochaine fois, Donald Trump aura pris de la bouteille niveau gestion des stocks, histoire de la ménager un peu mieux.
Au moins jusqu'au 5 novembre et l'élection du prochain président des Etats-Unis.