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Parti républicain: complot au Capitole

Jim Jordan pourrait être élu, Steve Bannon tire des ficelles, Matt Gaetz pose les bombes et Donald Trump... se frotte les mains: le plan secret des rebelles républicains?
Jim Jordan pourrait être élu, Steve Bannon tire des ficelles, Matt Gaetz pose les bombes et Donald Trump... se frotte les mains: le plan secret des rebelles républicains?images: getty, montage: fred valet
Analyse

Il se trame un truc au Capitole

Qu'est-ce qui se trame dans les sous-sols de Washington? Depuis l'éviction du président McCarthy, tout semble converger vers un seul homme: Trump.
06.10.2023, 18:5307.10.2023, 11:57
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«Je pense que le Congrès devrait écouter le chef de notre parti.» De quel chef parle-t-on? Ronna McDaniel, présidente du Grand Old Party? Steve Scalise, leader de la majorité parlementaire? Of course not. Le représentant républicain Troy Nehls pensait évidemment à Donald Trump. Et que dit Trump? Bah, tout et son contraire depuis deux jours.

En toute fin de nuit, l'accusé-candidat a lourdement déposé sa confiance et son influence sur les épaules d'un certain Jim Jordan. Une puissante terreur de l'hémicycle et fondateur/vice-président du Freedom Causus (l'aile radicale des républicains au parlement), considéré loin à la ronde comme du «terrorisme législatif».

Nice to meet you, Jim.

WASHINGTON, DC - OCTOBER 4: U.S. Rep. Jim Jordan (R-OH) arrives to a lunch meeting with members of the Texas Republican Congressional delegation at the U.S. Capitol October 4, 2023 in Washington, DC.  ...
Jim Jordan, dans les sous-sols du Capitole, peu après avoir annoncé sa candidature pour reprendre le marteau du speaker de la Chambre des représentants.Getty Images North America

Jeudi après-midi, Jim Jordan s'est porté candidat à la succession de Kevin McCarthy, dans le rôle (désormais) ingrat de speaker de la Chambre des représentants. Il faut dire que depuis l'éviction historique et brutale du canard boiteux, les messes basses prolifèrent dans les dédales du Capitole à la vitesse des puces de lit à la SNCF. Le courageux cravaté qui reprendra le marteau est censé faire l'unanimité dans le clan républicain et ne pas froisser plus que de raison la minorité démocrate.

Spoiler: à ce jeu-là, Jim Jordan devra un peu slalomer. Qu'à cela ne tienne, l'homme de 61 ans a du fuel sous son veston. Il est notamment à la tête de la puissante Commission à la justice, ce qui lui permet de mener les enquêtes visant Joe Biden, son fils Hunter ou encore le FBI et les juges qui ont eu le toupet d'inculper Donald Trump.

«Nous sommes à un carrefour critique de l'histoire de notre nation»
Jim Jordan

Derrière cette emphase faussement démocratique, Jim est un Maga pur souche, provocateur professionnel et parfaitement allergique à toute aide américaine à l'Ukraine. Ce n'est donc pas surprenant que Donald Trump lui ait offert, vendredi, un «soutien complet et total». Et il fallait l'entendre: Jim la «star» est «génial», sa femme Polly et ses enfants sont «extraordinaires», son passé de lutteur à l'université est «incroyable» bref, «il sera un GRAND président de la Chambre».

Doucement Donald, ce n'est pas encore fait.

Surtout que quelques heures plus tôt, le même Trump dynamitait les spéculations en annonçant à Fox News qu'il n'était pas contre l'idée «de se présenter» en personne, en tant que «candidat rassembleur» pour une «courte période». En d'autres termes, jouer au Pascal le grand frère du chaos politique, disposé à calmer les adulescents républicains de l'hémicycle. Le milliardaire réagissait aux francs appels du pied de sa cour personnelle, bien déterminée à voter pour lui. De Matt Gaetz à Troy Nehls, jusqu'à la plus fervente de tous, Marjorie Taylor Greene, littéralement extatique:

«Le président Trump consacre le reste de sa vie à sauver l’Amérique. Il serait le meilleur président de la Chambre. Dites oui Donald Trump, nous avons désespérément besoin de votre aide!!»
Marjorie Taylor Greene, sur X.

Minute papillon! Donald Trump, en pleine course à la Maison-Blanche, ensevelit sous une demi-douzaine d'affaires judiciaires et non-membre de la Chambre des représentants, a-t-il seulement le droit de briguer le poste de speaker? La réponse est oui. La Constitution américaine est plutôt pingre à ce sujet, se contentant de stipuler que la «Chambre choisit son président». En revanche, et c'est carrément cocasse, le seul obstacle à sa nomination se planque au fond du règlement interne des... républicains, qui interdit «les personnes inculpées pour des crimes d'occuper de poste de direction».

Cela dit, l'homme a tellement d'ennemis sous la cloche du Capitole que le scénario s'avère surréaliste. Mais la vérité est ailleurs. Jim Jordan, tout en politesse respectueuse, affirmait mercredi que si Trump veut «devenir speaker, c'est super. Mais moi je le veux comme président des Etats-Unis». En fourrant son nez dans la guerre législative des républicains, Donald Trump se pose d'abord, et une nouvelle fois, en parrain, entre deux journées de procès à New York.

Le parrain que bon nombre de républicains voudraient liquider, mais dont le poids est encore trop important pour sortir les flingues. Celui pour qui les lois sont accessoires et les intimidations nécessaires. Tout comme au moment de l'élection tourmentée de Kevin McCarthy en janvier dernier, il tire les ficelles les plus utiles à... lui-même. En incarnant le patriarche généreux, mais autoritaire d'un parti au bord de l'implosion, Trump se rapproche peu à peu du pouvoir total, alors qu'il risque à tout moment la chute définitive en justice.

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Dans le fond, les stratagèmes de Trump n'ont rien à envier à ceux du terrible Frank Underwood, dans la série House of Cards. Insuffler du poison dans l'arène, sans froisser sa chemise ou défaire le nœud de sa cravate. Et c'est une aubaine pour les ultra-radicaux de la bande.

Bien décidée à faire du chaos le nouvel ordre conservateur, l'aile droite du parti travaille d'arrache-pied pour que la Chambre se transforme peu à peu en salle de torture pour le gouvernement. C'est là que se fomenteront non seulement les prochains shutdowns, mais les étapes de l'enquête en destitution du président Biden ou même... l'avenir du parti républicain.

La «War Room»

Matt Gaetz, le jeune et dynamique instigateur de cette «guerre froide», n'est évidemment pas tout seul à diriger l'effondrement de l'ordre établi. En sous-sol, à deux pas du Capitole, Steve Bannon veille. Dans une petite bicoque en bois qu'il a transformée en studio de podcast, il fait même plus que ça. Quelques minutes après la destitution de Kevin McCarthy, Gaetz et Nancy Mace (la plus modérée des bourreaux de l'ex-speaker) se sont réfugiés dans la «War Room» de l'ancien conseiller de Trump pour, officiellement, débriefer leur coup d'Etat.

«Je ne comprends pas très bien pourquoi tant de gens qualifient notre mouvement d'extrême droite... Y compris la journaliste du New York Times que vous avez assis dans le coin de la War Room en arrivant»
Steve Bannon, à Gaetz et Mace, qu'il a humblement décrit comme les «architectes et héros de la journée d'hier»
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Cette «journaliste du New York Times» était effectivement dans un coin de l'antichambre de la rébellion. Dans un reportage en mode immersion paru jeudi, Annie Karni évoque Bannon comme une puissante «caisse de résonance» qui «alimente le chaos qui s'empare désormais du parti républicain, capitalisant sur le grand spectacle pour construire sa propre audience et utilisant son podcast populaire pour motiver les rebelles de la Chambre».

Un outil nécessaire à la douzaine d'extrémistes de l'hémicycle, pour fédérer les foules trumpistes, et compenser l'absence de soutien des huiles et grands donateurs du parti. Après avoir tiré les ficelles pour élire Trump en 2016, Steve Bannon semble en route pour fomenter un nouvel assaut du Capitole, purement politique, cette fois. Un Capitole que Trump a promis de fouler mardi prochain, ce qu'il n'avait plus fait depuis le 6 janvier 2021.

«Qui a les couilles de s'attaquer au système?»

Steve Bannon évoquait au micro le profil de... Jim Jordan. Oui, le même qui, 24 heures plus tard, se déclarera candidat au poste de speaker, comme il aurait pu se contenter de crier «j'en ai les couilles».

«Saluez de la main droite, mais tenez une pierre de la main gauche», disait Frank Underwood. En embrassant publiquement Jordan vendredi matin, le milliardaire de Mar-a-Lago applique mieux que personne cette leçon. Et le complot républicain qui grouille actuellement au sous-sol du Capitole confirme un terrible état de fait: Donald Trump est en meilleure forme que le parti républicain.

Donald Trump dédicace la poitrine d'une jeune femme
Video: watson
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