«Attachez votre ceinture, car ces quatre prochains mois vont être complètement fous.» Quand CNN a demandé à un député républicain comment il fallait appréhender cette fin d'année politique, le dos de la cuillère n'était pas une option. La Chambre des représentants a jusqu'au 30 septembre pour se prononcer sur une «loi budgétaire de court-terme».
Si les votes devaient se retrouver dans un méchant embouteillage, les Etats-Unis risquent (une nouvelle fois) le «shutdown». Une paralysie de l'administration fédérale et un manque de liquidités que Joe Biden veut absolument empêcher, moins de trois mois après avoir évité (de peu) le défaut de paiement.
Début septembre, la porte-parole de la Maison-Blanche se voulait pourtant confiante:
Hélas, il en existe bien une. Et une grosse. Une douzaine de représentants de la droite dure ont décidé d'utiliser le chantage (et la courte majorité républicaine à la Chambre) pour obtenir ce qu'ils désirent le plus au monde: la mort politique de Joe Biden. Pour faire court: soit Kevin McCarthy soutenait officiellement la procédure de destitution du président des Etats-Unis, soit le budget passera à la trappe.
Ces derniers jours, la pression fut donc forte, sournoise et plurielle sur les épaules du speaker républicain de la Chambre. Lui-même pris en otage par les pro-Trump, il se sait sur un siège éjectable. Comme le rappelle Daily Beast, «son pacte avec le diable comprend une disposition selon laquelle n'importe quel membre de son caucus a le pouvoir de forcer un vote à la Chambre appelant à sa destitution».
Huit mois après avoir dû entreprendre d'immenses courbettes pour qu'on le laisse se hisser jusqu'au pupitre de speaker, il est donc temps pour la marionnette de rendre des comptes. Et notamment à ceux qui avaient tout entrepris pour l'empêcher de se pavaner, le représentant Matt Gaetz en tête de cortège.
Why is it that Speaker McCarthy only seems to do the right thing when he has a political gun to his head? Even after he makes promises, he doesn't always fulfill them.
— Rep. Matt Gaetz (@RepMattGaetz) September 13, 2023
He promised that if he could just get the speaker's gavel, there would be an impeachment against Secretary… pic.twitter.com/ScAgl9Tgvp
Aux Etats-Unis, aucun président n'a jamais été destitué. Pas même Andrew Johnson en 1868 ou Bill Clinton en 1998, jusqu'à Donald Trump qui, par deux fois, s'est retrouvé dans cette galère pour des raisons autrement plus conséquentes. C'est dire à quel point cette tentative de décapitation politique a peu de chances d'aboutir en ce qui concerne Joe Biden. Malgré l'absence de preuve tangible, les ultraconservateurs restent convaincus que le locataire de la Maison-Blanche a trempé, d'une manière ou d'une autre, dans les affaires financières opaques de son fils Hunter.
McCarthy évoque officiellement des «accusations crédibles d’abus de pouvoir, d’obstruction et de corruption». Lorsque Biden n'était «que» le vice-président d'Obama, Hunter a notamment obtenu un siège dans le conseil d’administration d’une société énergétique ukrainienne.
Si les épouvantails ultraconservateurs pourront théoriquement obtenir gain de cause à la Chambre, ils devront ensuite franchir le Sénat, solidement verrouillé par les démocrates. Pour chasser définitivement Joe Biden de la Maison-Blanche, une majorité des deux tiers sera indispensable. Autrement dit, c'est perdu d'avance. D'autant que le Grand Old Party risque de se crêper méchamment le chignon, puisqu'une frange importante des républicains sont moyennement motivés par cette sourde vendetta contre le chef de l'Etat.
Qu'importe, en réalité. Cette course à la destitution n'est qu'une bête expédition punitive censée venger le roi Trump et les 91 chefs d'accusation qu'il va devoir charrier jusqu'à l'élection présidentielle de 2024. Une manière de faire diversion, de décrédibiliser le président et de polluer fortement sa campagne. Le comité chargé de démarrer l'enquête offrira sans doute de nombreuses bombes sales aux ennemis de Joe Biden, créant prochainement un immense bordel, comme le prédit aujourd'hui un républicain de la Chambre à CNN.
En parallèle d'une brouette de procédures judiciaires contre Donald Trump, la perspective d'une longue et agaçante procédure d'impeachment risque de mettre définitivement à terre l'exercice démocratique.
Malgré tout, cette menace de destitution risque, à court et moyen terme, de profiter au président des Etats-Unis. Dès qu'un adversaire veut coucher le patron, ses troupes font bloc autour de lui. Ce fut d'ailleurs le cas pour Donald Trump en 2019 et 2021.
Un maigre lot de consolation pour Joe Biden, puisqu'il est de plus en plus son propre pire ennemi. Son âge, certes, mais surtout ses nombreuses apparitions maladroites qui se succèdent, le dévoilant hésitant et diminué physiquement. Les démocrates peu convaincus par un éventuel second mandat sortent régulièrement du bois et certains de ses plus grands alliés le supplient d'envisager la retraite. Parmi eux, le puissant éditorialiste du Washington Post, David Ignatius, qui alignent les arguments pour qu'il abandonne la tête haute.
Alors que les Trumpistes sont en campagne constante depuis 2020, le président Biden ne quitte pas des yeux son agenda et dédie son énergie à prouver qu'il mouille la chemise pour le pays. Il a sans doute raison: le 30 septembre prochain, les Etats-Unis risquent de se retrouver à court d'argent. On parle de plusieurs milliards, dont quelques-uns qui partiront pour l'Ukraine, alors que le reste est dédié à l'aide d'urgence en cas d'ouragan, d'incendie ou de... tremblement de terre. Mais au rythme où partent les sales coups, le séisme pourrait bien être politique.