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Analyse

La vengeance des républicains va créer un «immense bordel»

Si Biden a peu de risques de se voir destituer par les républicains, l'enquête et la procédure vont (encore un peu plus) bousculer et polluer la politique américaine.
Si Biden a peu de risques de se voir destituer par les républicains, l'enquête et la procédure vont (encore un peu plus) bousculer et polluer la politique américaine.images: getty, montage: watson
Analyse

La vengeance des républicains va créer un «immense bordel»

Kevin McCarthy a craqué. En acceptant, flingue sur la tempe, de soutenir la procédure de destitution du président des Etats-Unis, le speaker républicain de la Chambre a voulu sauver ses fesses. Mais c'est tout le pays qui va trinquer.
13.09.2023, 16:5413.09.2023, 16:54
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«Attachez votre ceinture, car ces quatre prochains mois vont être complètement fous.» Quand CNN a demandé à un député républicain comment il fallait appréhender cette fin d'année politique, le dos de la cuillère n'était pas une option. La Chambre des représentants a jusqu'au 30 septembre pour se prononcer sur une «loi budgétaire de court-terme».

Si les votes devaient se retrouver dans un méchant embouteillage, les Etats-Unis risquent (une nouvelle fois) le «shutdown». Une paralysie de l'administration fédérale et un manque de liquidités que Joe Biden veut absolument empêcher, moins de trois mois après avoir évité (de peu) le défaut de paiement.

Début septembre, la porte-parole de la Maison-Blanche se voulait pourtant confiante:

«Il n'y a aucune raison pour que le Congrès ne puisse pas faire son travail»

Hélas, il en existe bien une. Et une grosse. Une douzaine de représentants de la droite dure ont décidé d'utiliser le chantage (et la courte majorité républicaine à la Chambre) pour obtenir ce qu'ils désirent le plus au monde: la mort politique de Joe Biden. Pour faire court: soit Kevin McCarthy soutenait officiellement la procédure de destitution du président des Etats-Unis, soit le budget passera à la trappe.

«J'ai déjà décidé de ne pas voter pour le financement du gouvernement, tant que nous n'aurons pas adopté une procédure de destitution»
Marjorie Taylor Greene, groupie de Trump, début septembre
ATLANTA, GEORGIA, UNITED STATES - AUGUST 24: Marjorie Taylor Greene speaks as the arrival of former President Donald Trump outside the Fulton County Jail in Atlanta, Georgia, United States on August 2 ...
Marjorie Taylor Greene ne se reposera pas tant que Biden ne sera pas fichu dehors du Bureau ovale.Image: Anadolu

Ces derniers jours, la pression fut donc forte, sournoise et plurielle sur les épaules du speaker républicain de la Chambre. Lui-même pris en otage par les pro-Trump, il se sait sur un siège éjectable. Comme le rappelle Daily Beast, «son pacte avec le diable comprend une disposition selon laquelle n'importe quel membre de son caucus a le pouvoir de forcer un vote à la Chambre appelant à sa destitution».

Huit mois après avoir dû entreprendre d'immenses courbettes pour qu'on le laisse se hisser jusqu'au pupitre de speaker, il est donc temps pour la marionnette de rendre des comptes. Et notamment à ceux qui avaient tout entrepris pour l'empêcher de se pavaner, le représentant Matt Gaetz en tête de cortège.

«Pourquoi McCarthy semble-t-il faire ce qu’il faut seulement lorsqu’il a une arme politique pointée sur sa tempe? Même après avoir fait des promesses, il ne les tient pas»
Le sulfureux républicain de Floride Matt Gaetz, mardi soir.

Ce grotesque impeachment

Aux Etats-Unis, aucun président n'a jamais été destitué. Pas même Andrew Johnson en 1868 ou Bill Clinton en 1998, jusqu'à Donald Trump qui, par deux fois, s'est retrouvé dans cette galère pour des raisons autrement plus conséquentes. C'est dire à quel point cette tentative de décapitation politique a peu de chances d'aboutir en ce qui concerne Joe Biden. Malgré l'absence de preuve tangible, les ultraconservateurs restent convaincus que le locataire de la Maison-Blanche a trempé, d'une manière ou d'une autre, dans les affaires financières opaques de son fils Hunter.

McCarthy évoque officiellement des «accusations crédibles d’abus de pouvoir, d’obstruction et de corruption». Lorsque Biden n'était «que» le vice-président d'Obama, Hunter a notamment obtenu un siège dans le conseil d’administration d’une société énergétique ukrainienne.

«Le président Joe Biden a menti sur sa connaissance des affaires»
Kevin McCarthy, speaker de la Chambre, mardi soir

Si les épouvantails ultraconservateurs pourront théoriquement obtenir gain de cause à la Chambre, ils devront ensuite franchir le Sénat, solidement verrouillé par les démocrates. Pour chasser définitivement Joe Biden de la Maison-Blanche, une majorité des deux tiers sera indispensable. Autrement dit, c'est perdu d'avance. D'autant que le Grand Old Party risque de se crêper méchamment le chignon, puisqu'une frange importante des républicains sont moyennement motivés par cette sourde vendetta contre le chef de l'Etat.

Qu'importe, en réalité. Cette course à la destitution n'est qu'une bête expédition punitive censée venger le roi Trump et les 91 chefs d'accusation qu'il va devoir charrier jusqu'à l'élection présidentielle de 2024. Une manière de faire diversion, de décrédibiliser le président et de polluer fortement sa campagne. Le comité chargé de démarrer l'enquête offrira sans doute de nombreuses bombes sales aux ennemis de Joe Biden, créant prochainement un immense bordel, comme le prédit aujourd'hui un républicain de la Chambre à CNN.

En parallèle d'une brouette de procédures judiciaires contre Donald Trump, la perspective d'une longue et agaçante procédure d'impeachment risque de mettre définitivement à terre l'exercice démocratique.

Et Biden reste étrangement silencieux:

Malgré tout, cette menace de destitution risque, à court et moyen terme, de profiter au président des Etats-Unis. Dès qu'un adversaire veut coucher le patron, ses troupes font bloc autour de lui. Ce fut d'ailleurs le cas pour Donald Trump en 2019 et 2021.

Un maigre lot de consolation pour Joe Biden, puisqu'il est de plus en plus son propre pire ennemi. Son âge, certes, mais surtout ses nombreuses apparitions maladroites qui se succèdent, le dévoilant hésitant et diminué physiquement. Les démocrates peu convaincus par un éventuel second mandat sortent régulièrement du bois et certains de ses plus grands alliés le supplient d'envisager la retraite. Parmi eux, le puissant éditorialiste du Washington Post, David Ignatius, qui alignent les arguments pour qu'il abandonne la tête haute.

«Je ne pense pas que M. Biden et la vice-présidente Harris devraient se représenter. C'est douloureux de dire cela, étant donné mon admiration pour une grande partie de ce qu'ils ont accompli. Mais s'ils font campagne ensemble en 2024, je pense que Joe Biden risque d'annuler sa plus grande réussite: arrêter Trump.»
David Ignatius, éditorialiste au Washington Post.

Alors que les Trumpistes sont en campagne constante depuis 2020, le président Biden ne quitte pas des yeux son agenda et dédie son énergie à prouver qu'il mouille la chemise pour le pays. Il a sans doute raison: le 30 septembre prochain, les Etats-Unis risquent de se retrouver à court d'argent. On parle de plusieurs milliards, dont quelques-uns qui partiront pour l'Ukraine, alors que le reste est dédié à l'aide d'urgence en cas d'ouragan, d'incendie ou de... tremblement de terre. Mais au rythme où partent les sales coups, le séisme pourrait bien être politique.

L'assaut du Capitole en images
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L'assaut du Capitole en images
Des manifestants pro-Trump occupent les terrains de la partie ouest du Capitole.
source: epa / michael reynolds
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Joe Biden chute en public
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