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«L'Occident est responsable de l'échec de l'Ukraine»

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Des militaires russes tirent en direction de positions ukrainiennes.Image: www.imago-images.de
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«Je conseillerais à l'Ukraine de se battre en hiver»

Le conflit en Ukraine se transforme en une guerre de positions. Voici ce que cette situation révèle sur la contre-offensive et ce dont l'armée ukrainienne a désormais besoin.
10.11.2023, 12:24
Tobias Esser / t-online
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Ce n'est pas tous les jours que le commandant en chef des forces armées d'un pays rédige un article dans un magazine étranger. La contribution du commandant en chef ukrainien Valeri Zaloujny dans le magazine britannique The Economist la semaine passée était donc d'autant plus particulière. Le militaire y explique que les combats en Ukraine se sont désormais transformés en une guerre de positions comparable aux combats de la Première Guerre mondiale.

Cela signifie-t-il que la contre-offensive ukrainienne a échoué? Quels seront les développements sur le champ de bataille? Et de quel soutien les forces armées ukrainiennes ont-elles besoin de la part des pays occidentaux pour pouvoir continuer à résister aux agresseurs russes?

L'Occident n'a pas assumé la stratégie recommandée

«L'échec de l'offensive de l'Ukraine dépend des attentes qui y sont liées», explique Burkhard Meißner, colonel de réserve et membre fondateur du German Institute for Defence and Strategic Studies. L'expert en défense poursuit:

«Si l'on s'attendait à de grands gains territoriaux en peu de temps, comme à l'été 2022, alors l'offensive de l'Ukraine a bien sûr échoué»
Burkhard Meißner, colonel de réserve et membre fondateur du German Institute for Defence and Strategic Studies

Pour l'analyste militaire Niklas Masuhr du Center for Security Studies de Zurich, l'offensive d'automne de l'Ukraine n'est pas non plus un succès. «Si l'on se base sur les objectifs territoriaux fixés, l'offensive n'est pas un succès», explique l'expert. «Il manque toutefois à cette analyse l'évaluation de l'ampleur des dommages infligés aux unités russes».

Burkhard Meissner rend également les alliés occidentaux responsables du peu de progrès réalisés par l'Ukraine: «Les pays occidentaux ont recommandé à l'Ukraine d'adopter la stratégie de la guerre des armes». L'Ukraine ne peut toutefois pas la mener car les livraisons d'armes correspondantes de l'Occident sont insuffisantes, explique Burkhard Meißner.

«L'Occident est responsable de cette stratégie erronée et donc de l'offensive ratée qui est aujourd'hui critiquée. Ceci car l'Allemagne et l'Occident ont été beaucoup trop prudents dès le départ lorsqu'il s'est agi de livrer les différents systèmes d'armes.»
Burkhard Meissner, colonel de réserve et membre fondateur du German Institute for Defence and Strategic Studies

«C'est un succès qu'il ne faut pas sous-estimer»

L'analyste Niklas Masuhr voit d'autres raisons à la lenteur des efforts d'attaque de l'armée ukrainienne:

«L'armée ukrainienne a connu plusieurs changements de génération depuis le début de la guerre»
Niklas Masuhr, analyste militaire du Center for Security Studies de Zurich

Selon lui, les cadres militaires qui ont combattu au début de la guerre ne participent pour la plupart plus aux combats actuellement en cours, soit parce qu'ils ont été blessés, soit parce qu'ils ont été tués.

«Cela complique la situation sur le champ de bataille car les différences entre la formation assurée par les armées de l'Otan et la formation (post)soviétique donnent lieu à des préférences tactiques différentes», explique Niklas Masuhr.

Malgré cela, ni Masuhr ni Meissner ne veulent qualifier l'offensive ukrainienne comme étant un échec absolu. Burkhard Meissner estime qu'il y a quelques succès sur le champ de bataille:

«Finalement, l'Ukraine a réussi à faire en sorte que la flotte russe se retire en grande partie de l'ouest de la région de la mer Noire. L'Ukraine peut ainsi continuer à exporter des céréales. C'est un succès qu'il ne faut pas sous-estimer.»
Burkhard Meißner, colonel de réserve et membre fondateur du German Institute for Defence and Strategic Studies

L'importance du contrôle aérien

Le général ukrainien Valeri Zaloujny présente dans The Economist l'obtention du contrôle aérien comme un aspect important des succès ukrainiens sur le champ de bataille. Pour cela, il cite les drones comme une possibilité à court terme pour prendre le dessus.

«Zaloujny exprime ce point de vue uniquement parce qu'il manque des avions et notamment des hélicoptères de combat. Ceux-ci doivent être livrés rapidement par l'Occident», explique Burkhard Meißner.

Selon l'analyste Niklas Masuhr, il n'est pas nécessaire d'établir une souveraineté aérienne absolue pour que l'Ukraine remporte des succès au combat.

«Il est néanmoins difficile pour l'Ukraine, en particulier lors de l'offensive, de créer des "bulles" à partir desquelles l'armée de l'air russe et les drones russes peuvent être tenus à l'écart».

L'Ukraine ne fabrique pas assez de drones

Les drones russes deviennent un problème de plus en plus important pour la défense aérienne ukrainienne, explique Burkhard Meissner. L'Ukraine aimerait bien s'y opposer davantage, mais elle n'a pas les capacités nécessaires:

«L'Ukraine ne peut pas rivaliser actuellement. Elle produit certes ses propres drones, mais plutôt dans de petites manufactures. Les capacités de production sont actuellement tout simplement trop faibles. Pour le développement et la fabrication de drones, les alliés occidentaux auraient dû soutenir l'Ukraine bien plus tôt.»
Burkhard Meissner, colonel de réserve et membre fondateur du German Institute for Defence and Strategic Studies

Selon Niklas Masuhr, les drones ukrainiens ne sont pour autant pas une solution miracle pour obtenir la souveraineté aérienne sur le front.

«Il est toutefois important que les forces armées ukrainiennes développent leurs capacités de guerre électronique afin de stopper les drones russes. Les moyens de guerre électronique doivent être déployés de manière dynamique le long du front. Les alliés occidentaux de l'Ukraine pourraient apporter leur contribution dans ce domaine», souligne l'expert.

L'artillerie et de la défense aérienne posent problème

Depuis le début de la guerre, l'artillerie et la défense antiaérienne posent problème à l'Ukraine. «Ce sont des goulots d'étranglement décisifs et ils le resteront à l'avenir», pointe Niklas Masuhr. Ceci même si la «guerre rampante» actuelle, par exemple sur le front de Robotyne au sud, épargne la vie des soldats ukrainiens. En revanche, une quantité impressionnante de munitions d'artillerie est utilisée.

Niklas Masuhr ajoute:

«A cela s'ajoute le fait que dans un avenir proche, nous verrons très probablement une intensification des attaques russes contre les infrastructures civiles et critiques en Ukraine. L'Ukraine doit établir des priorités précises pour déterminer ce qu'elle souhaite défendre et à quel moment. Ces deux aspects seront particulièrement importants dans les mois à venir lorsque nous analyserons le déroulement de la guerre»

L'Ukraine peut attaquer avant l'hiver

Il y a toutefois encore quelques possibilités d'attaques avant l'hiver, tant du côté ukrainien que du côté russe. Les deux spécialistes militaires sont d'accord sur ce point. «Avant l'hiver, beaucoup dépendra de la capacité offensive des Russes à prendre le contrôle d'Avdiivka par exemple», détaille Niklas Masuhr. L'analyste poursuit:

«Il sera décisif de savoir si la Russie est prête à accepter ses propres pertes au profit de gains de terrain. De plus, l'Ukraine doit décider dans la région d'Avdiivka si cela vaut la peine de laisser les Russes continuer à lui infliger des pertes»
Niklas Masuhr, analyste militaire du Center for Security Studies de Zurich

Selon les informations de Burkard Meissner, il y aurait actuellement quelques efforts offensifs de la part des forces armées ukrainiennes: «Sur la rive gauche du Dnipro, quelques unités se sont établies et installent plusieurs petites têtes de pont à cet endroit, à l'est du pont Antonivka», explique l'expert.

Jusqu'à présent, les Russes ont toujours réussi à repousser les tentatives de débarquement ukrainiennes. «Mais il semble désormais que les têtes de pont se multiplient».

«Nous devons fournir des hélicoptères en masse»

Burkard Meissner associe cette déclaration à un appel aux pays occidentaux:

«On peut s'attendre à des progrès sur la rive gauche du Dnipro mais cela est uniquement possible si l'Occident finance un soutien supplémentaire. Nous devons fournir à l'Ukraine des ponts flottants, des défenses aériennes et surtout des hélicoptères en masse.»
Burkhard Meißner, colonel de réserve et membre fondateur du German Institute for Defence and Strategic Studies

Avec l'hiver, on s'attend à une période plus calme sur le champ de bataille, estime Burkard Meißner. Toutefois, le sol est bien plus résistant pour les véhicules lourds.

«Je conseillerais donc à l'Ukraine de se battre en hiver»
Burkhard Meißner, colonel de réserve et membre fondateur du German Institute for Defence and Strategic Studies

«Mais pour cela aussi, l'Occident doit rapidement livrer des hélicoptères de combat. Ils pourraient aider à franchir rapidement de grandes distances et à créer un avantage pour les unités au sol».

Traduit et adapté par Nicolas Varin

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