En 1995, la guerre fait rage depuis trois ans en Bosnie-Herzégovine, en ex-Yougoslavie. Les Bosniaques (musulmans) veulent leur indépendance, les Serbes (orthodoxes) s’y opposent. Cette année-là est celle des «massacres» qui précipiteront la fin du conflit. En juillet, le massacre de Srebrenica, reconnu comme génocide, au cours duquel 8000 hommes et adolescents bosniaques sont abattus par les forces serbes de Bosnie, appuyées par une unité paramilitaire de Serbie, marque le grand tournant dans la guerre.
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Mais un autre carnage, la même année, suscite instantanément des réactions d’horreur dans les opinions européennes. Alors que le génocide de Srebrenica se déroule sur plusieurs jours dans des prairies situées à l’écart de monde, celui-là se produit à Sarajevo, la «ville martyr», sur un marché. Un marché à Sarajevo, un hôpital à Gaza: y a-t-il plus odieux que semer la mort en de tels lieux?
Le 28 août, aux alentours de 11 heures, cinq tirs de mortier font 37 morts et 90 blessés. L’émotion est d’autant plus forte que ce n’est pas la première fois que ce marché est pris pour cible: le 5 février de l’année précédente, on avait dénombré 68 morts et 144 blessés suite à une explosion, probablement due à un obus de mortier de 120mm.
L’expert militaire Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse, le relève:
La Bosnie-Herzégovine, un terrain que connaît bien Alexandre Vautravers. Il y fut observateur et analyste au CCIR de 1992 à 1994.
Professeur de relations internationales, Alexandre Vautravers a dirigé un ouvrage collectif consacré à cette question hautement sensible, «Military and Political Incidents», paru en 2010 chez Webster University Press.
C’est un fait: en Bosnie-Herzégovine, les massacres précités ont été l'élément déclencheur de l'intervention de l’Otan dans le conflit, contre l’armée serbe de Bosnie, à qui les tueries du marché de Sarajevo furent attribuées. «Depuis, des indices sont apparus qui ont rendu probable la version selon laquelle ces tirs de mortiers avaient pu venir du côté bosniaque», rappelle Alexandre Vautravers.
Dans le cas du drame survenu mardi soir à l’hôpital Al-Ahli à Gaza-City, la contestation porte sur l’origine du tir et le nombre de victimes. Le Hamas accuse Israël. Il affirme que l’explosion a fait 471 morts. Selon la version israélienne, reprise par les Etats-Unis, que d’autres sources paraissent corroborer, il s’agirait d’une roquette défectueuse lancée depuis Gaza vers Israël par le Jihad islamique.
Elle se serait disloquée en plein ciel, la partie contenant l’ogive explosive retombant sur le parking de l'hôpital. Le cratère peu profond formé par le projectile ne correspondrait pas à l’armement air-sol beaucoup plus lourd, utilisé par Israël. Quant au nombre de morts, une mystérieuse source appartenant à un service de renseignement européen, cité par l’AFP, avance un bilan de 10 à 50 morts, très en deçà, donc, des chiffres fournis par la Hamas.
Alors que l’unité du monde arabe semble se reformer autour des Palestiniens suite au drame de mardi soir, il semble peu probable que les contre-arguments israéliens, aussi plausibles soient-ils, parviennent à la fissurer.