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Macron a-t-il «perdu la tête»?

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Macron a-t-il «perdu la tête»?

Le président français est la cible de critiques virulentes après ses propos sur la crise de Taïwan.
Le président français est la cible de critiques virulentes après ses propos sur la crise de Taïwan.Image: sda
Emmanuel Macron se met dans l'embarras diplomatique en parlant des «suiveurs» européens des Etats-Unis. A moins qu'il ne pose une question légitime.
12.04.2023, 11:5013.04.2023, 14:50
Stefan Brändle, Paris / ch media
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Des Etats-Unis à la République tchèque, les critiques pleuvent au sujet d'une interview de Macron lors de son vol de retour de Chine. Sur la question de Taïwan, il a déclaré:

«Le pire serait de penser que nous, Européens, devons être des suiveurs et nous adapter au rythme américain et à une sur réaction chinoise.»

En Allemagne, des «atlantistes» - comme le politicien CDU Norbert Röttgen ou le journal allemand Spiegel - ont demandé si Macron était «fou» ou «abandonné par tous les bons esprits».

D'autres estiment que le Français soulève la question légitime et actuelle de savoir comment les Européens devraient se comporter après d'éventuelles sanctions américaines contre Pékin. Quoi qu'il en soit, la phrase de Macron a plusieurs explications.

Macron aveuglé par les autres

Le président de 45 ans est plus influençable qu'il n'y paraît. L'accueil en grande pompe du président chinois Xi Jinping a probablement eu des répercussions sur Macron jusqu'à son vol de retour - et donc aussi sur le point de vue de Pékin selon lequel Taïwan est une affaire de politique intérieure.

Les autres pays, qu'il s'agisse de la France ou des Etats-Unis, ne sont pas concernés par le conflit «interne».

Selon des sources élyséennes, Macron n'a pas abordé lui-même la question de Taiwan; la priorité pour lui était l'Ukraine.

Consciemment ou non, le Français a ainsi repris les positions de Xi, tout comme il avait déjà déclaré, après d'innombrables entretiens téléphoniques avec Vladimir Poutine, qu'il ne fallait «pas rabaisser» le président russe.

La France est un allié «libre»

Avant sa déclaration sur les «suiveurs» européens, Macron avait déjà fait sensation en qualifiant l'Otan dirigée par les Etats-Unis de «mort cérébrale».

A Paris, de telles opinions, qui témoignent d'un vieux réflexe anti-américain, sont monnaie courante depuis des décennies. Charles de Gaulle, fondateur de la «Force de Frappe» nucléaire, est resté à l'écart du commandement militaire de l'Otan et a situé son pays à la même distance des Etats-Unis que de l'Union soviétique de l'époque. Le fait que ce sont des soldats américains qui ont libéré la France des nazis n'est pas oublié en France, mais il est occulté par le discours héroïque sur la Résistance et la libération de Paris par le général de chars français Leclerc.

Il en va de même aujourd'hui avec la guerre en Ukraine, où l'aide militaire française est nettement inférieure à l'aide américaine. L'Europe a d'autant plus besoin d'une armée propre, indépendante des Etats-Unis, pour pouvoir se défendre par ses propres moyens, déclare Macron. Mais il ne veut pas partager la décision sur l'utilisation des armes nucléaires françaises avec d'autres.

Des comptes à régler avec Biden

Le fait que Macron se démarque clairement de la politique américaine à l'égard de Taïwan peut également être lu comme un retour de bâton après «l'affaire Aukus». En 2016, la France avait vendu à l'Australie douze sous-marins d'une valeur de 34 milliards d'euros; l'Australie a toutefois résilié le contrat en 2021 à l'instigation du président américain Joe Biden, qui a lancé avec la Grande-Bretagne et l'Australie la nouvelle alliance du Pacifique «Aukus» contre la Chine.

La France, qui dispose de grands territoires d'outre-mer dans le Pacifique Sud, comme la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie, s'est sentie trahie. Depuis, Macron affirme que les intérêts français dans le Pacifique ne correspondent pas aux intérêts américains. Paris n'aurait notamment aucun intérêt à une escalade de la question de Taïwan ou, plus généralement, du différend commercial entre Washington et Pékin.

Détourner l'attention du conflit sur les retraites

Le président français se concentre à nouveau depuis longtemps sur la politique étrangère, le domaine prestigieux du chef de l'Etat. Après des visites d'Etat aux Etats-Unis et en Chine, Macron, à peine de retour à Paris, se rend cette semaine aux Pays-Bas pour une nouvelle visite d'Etat. Il cherche ainsi à donner l'impression d'être au-dessus de la crise de politique intérieure autour de sa réforme des retraites, qui pousse depuis des semaines des millions de Français dans la rue et qui atteindra son paroxysme vendredi avec la décision de la Cour constitutionnelle.

Macron demande à ses ministres d'aborder des préoccupations populaires comme l'inflation, l'énergie ou l'immigration. Les critiques lui reprochent de pratiquer une «stratégie de Shéhérazade» - en référence au classique oriental Les Mille et une nuits, dans lequel la narratrice inventait chaque nuit une nouvelle histoire. (aargauerzeitung.ch)

Traduit et adapté par Chiara Lecca

Des mèmes pour parler de la réforme des retraites en France
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Des mèmes pour parler de la réforme des retraites en France
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