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Pourquoi l'armée suisse doit copier l'Azerbaïdjan

L'armée azerbaïdjanaise défile à Bakou lors de la « Journée des forces armées » en juin 2024.
L'armée azerbaïdjanaise défile à Bakou lors de la «Journée des forces armées» en juin 2024.Image: Anadolu
Analyse

Pourquoi l'armée suisse doit copier l'Azerbaïdjan

La conquête du Haut-Karabagh en septembre 2023 a été précédée d'une étonnante révolution conceptuelle et technologique au sein des forces armées azerbaïdjanaises. Ce conflit devrait jouer un rôle dans la discussion sur le futur équipement de l'armée suisse.
29.09.2024, 07:0329.09.2024, 10:14
Bojan Stula / ch media
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Dans l'ombre de la pandémie de coronavirus et à l'insu de l'opinion publique mondiale, l'Azerbaïdjan a célébré à l'automne 2020 une victoire presque totale et historique sur l'Arménie en termes de technologie militaire. Lorsque l'ancienne république soviétique a occupé les derniers vestiges du Haut-Karabagh et expulsé plus de 100 000 Arméniens il y a exactement un an, il s'agissait du dernier acte d'une destruction méthodique et efficace des forces armées ennemies.

Bien sûr, l'Etat producteur de pétrole est dirigé de manière de plus en plus autoritaire par le président Ilham Aliyev. Autant dire que ce n'est vraiment pas un modèle de démocratie. L'épuration ethnique de l'enclave a été une catastrophe humanitaire.

Malgré tout, la transformation et la modernisation révolutionnaires des forces armées azerbaïdjanaises en l'espace d'un quart de siècle sont remarquables et pourraient donner à l'armée suisse quelques pistes de réflexion.

En effet, la deuxième guerre du Karabagh, qui s'est déroulée de 2020 à 2023, a été la première guerre de l'histoire à être gagnée principalement par des systèmes robotiques. Comme l'écrit l'influent analyste américain et colonel de l'armée à la retraite John Antal dans son livre 7 Seconds to Die:

«Elle est le présage dramatique de l'émergence d'une guerre intelligente sans pilote»
John Antal

Après sa défaite dévastatrice lors de la première guerre du Karabagh (1988-1994), l'Azerbaïdjan a été confronté au défi stratégique de planifier la reconquête des territoires qu'il venait de perdre. Alors que les Arméniens victorieux, fidèles à la doctrine soviétique, ont choisi la voie conventionnelle en fortifiant leurs positions montagneuses dans le Haut-Karabagh, les Azerbaïdjanais ont entrepris une transformation radicale de leurs forces armées.

Ils ont d'abord renoncé à leurs conseillers militaires russes, qui ont été remplacés par un partenariat militaire étroit avec la Turquie. Ensuite, Bakou a acheté jusqu'à 42 milliards de dollars de nouveaux véhicules aériens sans pilote (UAV), principalement du type turc Bayraktar TB2 et du Harop construit par Israël. Les ressources financières étaient suffisantes grâce aux exportations de pétrole et de gaz.

Harop a été l'un des premiers modèles de Loitering Munition, devenu depuis la guerre d'Ukraine le «drone kamikaze». L'engin volant à hélice peut tourner pendant des heures au-dessus du champ de bataille et l'observer; si une cible est identifiée, il s'y précipite avec sa charge explosive mortelle. Si l'observation est infructueuse, Harop retourne à sa base.

Une drone turc de reconnaissance.
Un drone turc de combat et de reconnaissance Bayraktar TB2.Image: Wiki Commons

Lorsque l'Azerbaïdjan a lancé son offensive fin septembre 2020, il avait réorganisé et répété toute sa doctrine militaire en vue de l'utilisation du Bayraktar et du Harop. L'utilisation de leurres télécommandés a incité les Arméniens à mettre à nu leur défense antiaérienne.

Le Harop israélien est également équipé de caméras d’observation.
Le Harop israélien. Image: Wiki Commons

Leurs positions sont ainsi devenues des cibles faciles pour les missiles téléguidés. Après leur destruction, les Azerbaïdjanais ont «déchaîné leur force de systèmes aériens sans pilote» pour détruire successivement le réseau de commandement et les centres de commandement, l'artillerie, les chars, les véhicules blindés, les véhicules de ravitaillement et l'infanterie. Dans son livre, John Antal souligne l'importance de cette séquence d'objectifs précise.

Sept secondes pour s'enfuir ou mourir

Le titre du livre de John Antal, 7 Seconds to Die, fait référence au témoignage d'un soldat arménien anonyme. Dès que lui et ses camarades apercevaient un drone Harop dans le ciel, il leur restait exactement sept secondes pour s'enfuir ou mourir. Ce n'est que lorsque les soldats arméniens, décimés, démoralisés et coupés des états-majors et du ravitaillement, se sont terrés dans leurs positions de montagne que l'Azerbaïdjan a attaqué avec de l'infanterie, des chars et des véhicules blindés.

John Antal fait la promotion aux Etats-Unis d'une réorientation des forces armées nationales en fonction des leçons tirées de la deuxième guerre du Karabagh.

L'une de ses phrases clés:

«La vitesse devient l'arme la plus importante dans la guerre»
John Antal

La «kill chain», c'est-à-dire le temps qui s'écoule entre l'acquisition de la cible, le tir de l'arme à distance et la destruction de la cible ennemie, est de plus en plus restreinte.

L'utilisation de l'intelligence artificielle réduira cette séquence mortelle à quelques secondes. John Antal dresse le tableau effrayant d'un champ de bataille saturé de drones, où des moyens de combat aériens et terrestres entièrement robotisés et tirant de manière autonome mèneront l'essentiel du combat. On ne pourra lutter contre cela qu'avec la guerre électronique pour brouiller les signaux, des drones de chasse et, à la rigueur, des armes laser.

Celui qui ne veut pas tirer les bonnes leçons de ce conflit devra payer de son sang et de sa fortune «cette ignorance», avertit le colonel à la retraite dans la préface de 7 Seconds to Die. De quoi inspirer la Suisse.

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