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OnlyFans à vendre: comment le site est devenu le roi du porno

Sur Instagram ou Facebook, le moindre téton est censuré. Mais sur OnlyFans, tout est permis, tant que l’abonné paie.
Sur Instagram ou Facebook, le moindre téton est censuré. Mais sur OnlyFans, tout est permis, tant que l’abonné paie.shutterstock / dr

Comment OnlyFans est devenu le roi du porno sans faire exprès

La célèbre plateforme est à vendre pour près de 8 milliards de dollars. Derrière cette transaction vertigineuse se cache une étonnante histoire: celle d’un site pensé pour tous les créateurs de contenu, devenue l’empire mondial du porno. Retour sur un accident industriel très lucratif, où empowerment, sexe, capitalisme et gros sous s’entremêlent.
29.05.2025, 18:5929.05.2025, 18:59
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A l’origine, c’était censé être une plateforme pour les créateurs. Tous les créateurs. Les coachs fitness. Les profs de yoga. Les pâtissiers qui veulent monétiser leurs gâteaux. Les artistes sans maison de disques. Les blogueuses beauté trop cash pour YouTube.

Bref, une scène pour toutes celles et ceux qui ont du contenu à vendre. Sauf qu’entre une séance de gainage et une photo de banana bread, d’autres créateurs, moins sages et sans doute plus rentables, ont flairé le bon plan. Aujourd’hui, OnlyFans, plateforme «créée pour tous les contenus», est devenue l’empire du X indépendant. Et surtout… un objet de convoitise à 8 milliards de dollars. Oui, 8 milliards.

C’est ce qu’un consortium d’investisseurs mené par Forest Road Company (des gens très sérieux de Los Angeles qui investissent dans les médias, les énergies vertes et le numérique) serait prêt à débourser, selon le Huffington Post, pour mettre la main sur cette machine à cash.

Mais avant de parler de cette transaction à dix chiffres, rembobinons. Comment une énième plateforme un peu random, au départ sans étiquette, a-t-elle réussi à devenir le symbole de l’empowerment sexuel… et du grand malaise sociétal qui l’accompagne?

Une idée à l’origine (presque) innocente

Nous sommes en 2016. Instagram explose, les influenceurs cherchent de nouveaux moyens de gagner leur vie, et les créateurs de contenu se heurtent tous au même mur: la gratuité. On poste, on like, on commente... et chez les influenceurs, si on n'est pas suivi par une quantité industrielle de followers, avec des marques prêtes à ouvrir le porte-monnaie pour en profiter, on galère à payer son loyer.

Arrive alors Tim Stokely, entrepreneur britannique avec une passion pour les systèmes de monétisation directe. Il imagine OnlyFans comme un espace où les créateurs peuvent monnayer un accès exclusif à leurs contenus: vidéos de cuisine, tutos fitness, behind the scenes d’un shooting photo, conseils de développement personnel, etc. Le créateur fixe un prix d’abonnement, la plateforme prend 20%, et tout le monde repart (un peu) plus riche.

L’idée est simple, presque sage: redonner le pouvoir financier aux créateurs à une époque où YouTube, Facebook et Instagram se gardent la plus grosse part du gâteau. Mais la réalité dépasse vite les projections.

Derrière, un homme invisible (mais milliardaire)

En 2018, le fondateur Tim Stokely passe la main à un certain Leonid Radvinsky, entrepreneur ukraino-américain au profil discret, mais au CV très explicite: il est déjà à la tête de MyFreeCams, une autre plateforme pour adultes.

Radvinsky sent tout de suite le potentiel d’OnlyFans. Il y injecte du cash, professionnalise les outils, optimise la monétisation, et surtout… il laisse faire les utilisateurs. Pas de campagne de pub massive, pas de changement d’image: les créateurs portent la plateforme. Résultat? Depuis 2020, l'entrepreneur s’est versé 1,3 milliard de dollars de dividendes. Oui, vous avez bien lu.

Le sexe débarque, les abonnés aussi

Dès les premiers mois, certaines communautés flairent la bonne affaire: les travailleurs et travailleuses du sexe. Professionnels du porno indépendant, modèles fétichistes, dominatrices, camgirls, escortes, performeurs queer… Tous et toutes trouvent en OnlyFans une solution magique: pouvoir poster, vendre, contrôler et surtout garder l’argent qui est généré, sans passer par des studios, des plateformes trop limitantes, ou des intermédiaires douteux.

Sur Instagram ou Facebook, le moindre téton est censuré. Sur TikTok, on risque un shadow ban pour une danse un peu trop suggestive. Mais sur OnlyFans, tout est permis, tant que l’abonné paie. Résultat? Le contenu X devient très vite la locomotive de la plateforme.

Et puis la pandémie est arrivée.

Tout le monde se déshabille (et ça rapporte)

Mars 2020. Le monde fait des stocks de pâtes et de PQ. Et surtout, chacun s’enferme chez soi, les plateaux de tournage ferment, les clubs aussi. Le porno mainstream est à l’arrêt. Les stripteaseuses, les acteurs X, les modèles se retrouvent sans scène, sans revenus. Alors beaucoup se tournent vers OnlyFans.

Et c’est un raz-de-marée. Les inscriptions explosent, les stars du X y croisent des anonymes qui se lancent «juste pour essayer». Et très vite, la plateforme devient LA référence pour consommer du contenu porno en direct, sur-mesure, sans filtre ni pub, avec l’impression d’un lien intime entre créateur et abonné. Une sorte de «porn à la carte» ultra personnalisé, où l’on paye pour un nom chuchoté, une vidéo à la demande, une réponse à un message privé.

A tel point qu’en 2021, Cardi B lance sa propre page. Bella Thorne débarque aussi, provoquant une immense polémique après avoir engrangé 1 million de dollars en 24 heures avec des contenus jugés trop «soft» (alors qu’elle les vendait comme des «nudes»). Et même Lily Allen poste des photos de ses pieds… qu’elle monétise mieux que sa musique sur Spotify.

La tentative de censure qui ne passe pas

En août 2021, coup de tonnerre: OnlyFans annonce l’interdiction des contenus sexuellement explicites. La raison? Les banques. Certaines institutions financières refusent de collaborer avec des plateformes qui hébergent du porno. OnlyFans veut les rassurer, pour continuer à croître, se légitimer, attirer de l’argent «propre».

Mais la communauté hurle. Les créateurs, ceux qui ont bâti le succès du site, crient à la trahison. En quelques jours, face au backlash et à la menace d’un exode massif, OnlyFans fait machine arrière; l’interdiction est annulée. Les contenus olé-olé peuvent rester.

Pourtant, la fracture est là. Beaucoup comprennent que la plateforme, aussi rentable soit-elle, reste fragile. Car en coulisse, elle en proie aux pressions extérieures, aux polémiques internes, et à une image parfois difficile à assumer dans le monde très corporate de la finance internationale.

Pourtant, en 2023, OnlyFans a généré 6,6 milliards de dollars de bénéfices. De quoi faire saliver même les plus prudes investisseurs.

La vente du siècle?

Aujourd’hui, le groupe Fenix International (propriétaire d’OnlyFans) négocie donc sa cession. Selon l’agence Reuters, l’accord pourrait être conclu dans les prochaines semaines pour près de 8 milliards de dollars.

Mais vendre une entreprise adossée à du porno, aussi légal, rentable et protégé soit-il, reste un défi. Car en parallèle des chiffres mirobolants, la plateforme fait aussi l’objet de nombreuses critiques: contenus non consentis, dérives, faux profils, modération parfois à la ramasse, et surtout… une frontière très floue entre liberté sexuelle et exploitation commerciale.

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