Ils exploitent la trisomie 21 sur OnlyFans et c'est sordide
L’intelligence artificielle devait révolutionner le monde. Créer, soigner, soulager, améliorer. Elle devait aussi nous aider à détecter les cancers, à faire voler des voitures, à traduire en simultané des discours en norvégien. Mais une partie d’Internet a décidé de mettre ce génie technologique au service… de fétiches pornos douteux.
La dernière lubie virale sordide en date? Des faux profils d’influenceuses atteintes de trisomie 21 générées par IA, destinées à vendre du contenu érotique ou pornographique sur OnlyFans. Oui, vous avez bien lu.
Des deepfakes plus vrais que nature
La tendance, repérée par le site américain 404 Media et relayée par Slate.fr, reprend toujours le même scénario: des petits malins (façon élégante de dire «des escrocs organisés et parfaitement dégueulasses») récupèrent des vidéos et des photos de vraies influenceuses ou de créatrices de contenu érotique.
Ils passent ensuite le tout dans la grande lessiveuse de l’intelligence artificielle, en lui demandant de modifier les traits du visage pour qu’ils ressemblent à ceux d’une personne porteuse de trisomie 21.
Et le résultat est bluffant. Si on scrolle d’un œil éteint sur Instagram, on ne remarque rien de particulier. Ce ne sont que de jeunes femmes qui posent, sourient, dansent, dans des tenues parfois suggestives. Mais en y regardant de plus près, il y a quelque chose qui cloche.
L’algorithme, lui, ne s’en offusque pas: il met en avant, il fait gonfler les likes, il pousse la machine à clics. Certains de ces comptes totalisent des dizaines de milliers de followers, sans que personne ne semble vouloir mettre le holà (coucou Mark Zuckerberg).
Une exploitation abjecte du handicap
Ce n’est plus de la provocation, ou même un «simple» détournement de la technologie, comme ce fut le cas «pour rire» ou pour nuire lors de campagne de dénigrement, par exemple, notamment en politique.
C’est une stratégie cynique et rodée, basée sur l'exploitation pure et dure d’un handicap génétique. En légende des vidéos? Des phrases volontairement racoleuses, jouant sur le cliché et la sexualisation gênante du handicap:
Ce type de contenu répond en réalité à un fantasme de niche; un fétichisme du handicap connu dans la sous-catégorie d’alt-porn (soit la pornographie dans les mouvements alternatifs).
Sauf qu’ici, la perversité franchit un cap: les femmes mises en avant n’existent même pas. Elles sont littéralement inventées de toutes pièces. Ou plutôt volées puis transformées. Ce ne sont pas des personnes consentantes qui choisissent de se mettre en scène. Ce sont des visages générés à partir de vidéos d’autres femmes, détournées à leur insu.
Un réseau organisé, une machine à cash
Et derrière ces comptes, ce n’est pas juste un geek isolé dans sa chambre. Il s'agit d’un réseau structuré, à la stratégie bien huilée: chaque faux compte Instagram redirige vers une page OnlyFans, où l’internaute est invité à souscrire un abonnement payant pour accéder à plus de contenu. Le but? Monétiser ce délire IA fétichiste, en mode usine à fric.
En remontant les liens, 404 Media a découvert que la plupart de ces faux profils ramènent presque toujours vers les mêmes pages OnlyFans. Plusieurs comptes pour mieux noyer le poisson et avoir le plus de ramifications possibles, afin de toucher la plus large audience.
Le phénomène a même essaimé sur Reddit, avec la création en février 2025 d’un forum intitulé «r/pussydownsyndrom», dans lequel les utilisateurs partagent les liens vers les pages OnlyFans correspondantes. Une communauté de niche? Oui. Mais une communauté active, qui normalise l’exploitation sexuelle du handicap à coups de deepfakes. On vit dans un monde merveilleux.
Vous voulez pire? Pas de problème, il y a pire
Parce que l’imagination de ces ingénieurs du glauque n’a pas de limites, d’autres comptes surfent sur des fantasmes tout aussi dérangeants, voire encore pires (a touché le fond, mais creuse encore, oui oui). Toujours selon 404 Media, une autre tendance repose sur des modèles érotiques… amputés.
Là encore, les corps sont faux, les visages générés, les abonnés bien réels: plus de 160 000 sur un seul compte recensé, selon le média américain. Le tout, bien sûr, renvoyant vers du contenu payant.
L’intelligence artificielle, si elle ne crée pas ces dérives, les facilite. Elle les rend plus accessibles, plus rapides à produire, et ainsi plus rentables. La vraie question est de savoir, mais qui s’en préoccupe? Instagram? Largement silencieux. OnlyFans? Probablement trop occupé à encaisser ses commissions. Et les législateurs? A la traîne, comme souvent, sur les enjeux technologiques.
Pendant ce temps-là, des créatrices de contenu voient leur visage volé, remixé, transformé en avatars de fantasmes qu’elles n’ont jamais consenti à incarner. Et le handicap est instrumentalisé de la manière la plus crasse qui soit.