Attirés en Russie par la perspective d'un emploi, ces jeunes Bangladais affirment avoir été enrôlés pour combattre en Ukraine. La mort récente de l'un d'eux sur le front a suscité une vive inquiétude dans leurs familles, qui ont appelé le gouvernement à l'aide.
Comme son beau-frère, Mohammad Akram Hossa a cédé aux sirènes d'une agence de recrutement, qui lui a offert un travail à Chypre, puis en Russie.
«Nous n'avons jamais imaginé être abandonnés comme ça», poursuit-il. Le taux de chômage est élevé au Bangladesh, dont l'économie a été sévèrement impactée par les manifestations de l'été dernier qui ont précipité la chute du gouvernement. C'est en apprenant la mort sur le front ukrainien d'un autre jeune Bangladais parti travailler en Russie qu'une dizaine de familles ont pris contact avec leur ambassade à Moscou.
Selon ses proches, Mohammed Asin Sheikh, 22 ans, est mort le 27 mars alors qu'il combattait en Ukraine sous l'uniforme de l'armée russe. Son oncle, Abul Hashem, raconte avoir reçu l'appel d'un ami de son neveu, «un Bangladais qui combat côté russe, pour nous dire qu'il avait été tué».
La famille de Mohammed Asin Sheikh l'avait aidé financièrement à quitter le Bangladesh en septembre 2024 pour un emploi d'électricien dans une entreprise chinoise en Russie. Mais il s'est retrouvé enrôlé dans l'armée russe en décembre, affirme-t-elle.
«Nous avons demandé au gouvernement de faire en sorte que sa mère puisse lui faire un dernier adieu», confient-ils. L'AFP n'a pas pu vérifier les déclarations de cette famille de manière indépendante. Mais Farhad Hossain, chargé d'affaires à l'ambassade du Bangladesh en Russie, affirme avoir été informé de son cas.
«Nous avons appris (son) existence il y a quelques jours et avons engagé des discussions avec nos homologues russes à son sujet», précise-t-il, ajoutant ne pas être pour l'heure en mesure de confirmer la mort du jeune homme. Le diplomate dit ne pas avoir eu connaissance d'autres victimes bangladaises, mais confirme que l'ambassade a été contactée par d'autres familles en quête d'information sur un proche.
La guerre en Ukraine a fait de nombreuses victimes au sein de l'armée russe, qui recrute désormais des combattants au-delà de ses frontières. Ni Moscou ni Kiev n'ont révélé le nombre d'étrangers qui servent dans leur armée ni celui de ceux détenus comme prisonniers de guerre. De nombreux témoignages ont rapporté que des ressortissants d'autres pays d'Asie du Sud, dont l'Inde, le Sri Lanka ou le Népal, ont combattu pour la Russie en Ukraine, attirés, eux aussi, par des promesses d'emploi.
Selon Farhad Hossain, les autorités russes affirment que ces étrangers ont signé des contrats et relèvent désormais du droit des conflits armés. Des sources des services de sécurité bangladais citées par un journal local évaluent à plus d'une centaine le nombre de leurs ressortissants enrôlés sur le front ukrainien. La police bangladaise a ouvert plusieurs enquêtes sur des trafics présumés d'êtres humains vers la Russie, selon un responsable de la police judiciaire de Dacca, Mustafizur Rahman. Une femme a déjà été arrêtée dans le cadre de ces investigations.
Mohammad Akram Hossain, qui dit avoir échappé à l'armée russe, a été l'un des premiers à alerter la police de l'existence de ces réseaux. Il affirme avoir embarqué en septembre dernier avec un groupe de dix compatriotes dans un avion à destination de l'Arabie saoudite, un visa pour un pèlerinage en poche. «Après y avoir séjourné quelques semaines, nous avons pris l'avion pour la Russie», raconte-t-il, expliquant qu'une fois sur place, il avait dû signer un contrat qu'il ne comprenait pas.
«Le lendemain matin, certains ont reçu des uniformes militaires et ont été emmenés pour s'entraîner». Mohammad Akram Hossain rapporte avoir réussi à s'échapper pour regagner son pays. «Je suis rentré après avoir perdu des milliers de dollars». Il affirme être resté en contact avec son beau-frère, toujours en Russie. «Il nous supplie de le ramener au Bangladesh».