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Il y a 10 ans, le crash de la Germanwings bouleversait le monde

Il y a 10 ans, le crash de la Germanwings bouleversait le monde. Le 24 mars 2015, un Airbus A320 s’écrasait dans les Alpes françaises, emportant 150 vies dans une chute effroyablement lente, dirigée,  ...
Ce 24 mars 2025 marque les 10 ans du crash de l'avion allemand.Image: watson / dr

Il y a dix ans, un copilote a mis fin à 150 vies dans les Alpes

Le 24 mars 2015, un Airbus A320 s’écrasait dans les Alpes françaises, emportant 150 vies dans une chute effroyablement lente, dirigée, méthodique. Une descente orchestrée depuis le cockpit par un homme déterminé, suicidaire, inarrêtable. Dix ans plus tard, retour minute par minute sur cette matinée d’horreur.
24.03.2025, 18:5624.03.2025, 18:56
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06h00: Aéroport de Düsseldorf, Allemagne

Le jour se lève, les premiers avions roulent sur le tarmac. Andreas Lubitz, 27 ans, copilote chez Germanwings, franchit les portes de l’aéroport. Son apparence ne trahit rien. Ni les insomnies, ni les angoisses.

07h00: Aéroport de Barcelone, Espagne

Sur le vol retour, les passagers embarquent. Des Allemands en vacances, des Espagnols en déplacement, deux chanteuses d’opéra, seize lycéens et leurs deux professeures. Ils rentrent d’un échange scolaire. Ils ont 15, 16, 17 ans. La vie devant eux. En théorie.

09h00: Le vol 9525 est prêt à partir

L’appareil, un Airbus A320, est stationné à la porte B32. Le commandant de bord, Patrick Sondenheimer, 34 ans, a plus de 6000 heures de vol. Il est père de famille, expérimenté. Andreas Lubitz, lui, totalise 630 heures. La routine. Et le ciel est dégagé.

09h35: Décollage

Le 9525 quitte le sol espagnol. Il s’élève vers son altitude de croisière, environ 38 000 pieds. Rien à signaler. Le vol suit sa trajectoire vers Düsseldorf. A cet instant, c’est un vol comme des milliers d’autres.

09h55: Le commandant sort du cockpit

Patrick Sondenheimer doit aller aux toilettes. Une absence de quelques minutes, tout au plus, pour le commandant de bord. Il se lève, jette un œil à son collègue, le copilote Andreas Lubitz. Rien d’anormal. Il referme la porte derrière lui. Il ne le sait pas encore, mais il ne retournera jamais dans ce cockpit.

09h56: Le verrouillage

Derrière la porte blindée, Andreas Lubitz est désormais seul aux commandes. Il active le verrouillage manuel. Plus personne ne peut entrer. Il sait parfaitement ce qu’il fait.

09h57: Le début de la descente

Depuis le centre de contrôle d’Aix-en-Provence, les opérateurs voient l’avion perdre lentement de l’altitude. Rien d’alarmant, au début. Une descente contrôlée, fluide. Mais personne ne l’a ordonnée, personne ne l’a demandée. Pas d’appel radio. Pas d’explication.

09h58: Le commandant tente de revenir

Il frappe à la porte. Pas de réponse. Il tambourine, utilise l’interphone. Rien. A l’intérieur, Lubitz est muet. Il a enclenché la descente automatique, réduit les gaz. Chaque minute, l’avion perd 1000 pieds. Le commandant crie. Il hurle à travers la porte. Lubitz ne répond pas.

09h59: Le contrôle aérien appelle

«Germanwings 9525, répondez»
Les contrôleurs marseillais

Silence. Encore.

«Germanwings 9525, ici Marseille contrôle»
Les contrôleurs marseillais

Toujours rien. Les contrôleurs s’interrogent. L’avion descend, mais personne ne communique.

10h00: L’avion est à 27 000 pieds

Dans la cabine, les passagers ne comprennent pas encore. Pas de turbulence. Pas d’annonce. Mais les visages se tendent. Quelque chose cloche. Certains pianotent sur leur téléphone. D’autres regardent l’écran de suivi de vol. La descente est lente, mais continue. Anormale. Un silence pesant s’installe. Pas de voix rassurante de l’équipage dans les hauts-parleurs. Pas d’explication.

10h01: Le commandant tente d’enfoncer la porte

Il prend un pied de biche, ou une hache. On l’entend sur les enregistrements. Il frappe. Il cogne. Il supplie. Lubitz, de l’autre côté, reste imperturbable. Il respire calmement. La boîte noire enregistrera ce souffle régulier jusqu’à la fin, contrastant avec les coups frappés par le commandant.

10h02: Les passagers comprennent

On entend des cris, des supplications. Certains prient, d’autres appellent leurs proches. Les téléphones sont allumés. Personne ne sait quoi dire. Il reste huit minutes.

10h03: Lubitz ajuste la trajectoire

Il évite les sommets. Pas par compassion. Par méthode. Il veut aller jusqu’au bout. La montagne approche, il le sait. Il a étudié les cartes. Le secteur est désert, montagneux, inaccessible. Il a tout prévu.

10h05: L’alerte est donnée

Le contrôle aérien comprend que quelque chose d’anormal et de grave est en train de se produire. Des avions sont envoyés à sa rencontre. Trop loin. Trop tard. Il est seul. Seul avec 149 personnes et une détermination glaciale.

10h08: L’avion passe sous les 7000 pieds

Il vole à 700 km/h. Droit vers la roche. L’écho radar vacille. Il reste quelques secondes.

10h10: Le silence

Le 9525 disparaît des écrans. L’impact est brutal. Aucun survivant. L’avion est pulvérisé sur une paroi à 1500 mètres d’altitude, dans la vallée de la Blanche, près de Prads-Haute-Bléone. Les débris sont éparpillés comme une pluie métallique.

L’après

Il faudra des jours pour récupérer les corps. Des semaines pour comprendre. Des mois pour admettre. Le choc est immense, partout en Europe. A Haltern am See, les seize adolescents ne rentreront jamais. A Barcelone, des familles attendent en vain. A Düsseldorf, les rideaux se baissent. Le deuil est partagé entre l’Allemagne et l’Espagne, avec la France, impuissante, au milieu, théâtre de l'horreur.

Lubitz avait été déclaré inapte au vol par plusieurs médecins. Et pourtant…

FILE - The arrivals board shows flight 4U 9525 without a status at the airport in Duesseldorf, Germany, March 24, 2015, after a Germanwings passenger jet carrying 148 people crashed in the French Alps ...
Le tableau des arrivées montre le vol sans statut à l'aéroport de Düsseldorf, le 24 mars 2015.Keystone

En 2009, il interrompt sa formation chez Lufthansa pour cause de burn-out. Il la reprend en 2013, avec une mention d’inaptitude «temporaire». Entre novembre 2014 et mars 2015, il consulte pas moins de 41 fois. Dans son appartement, on retrouve des boîtes de médicaments, des certificats médicaux déchirés, et des recherches Google sur les moyens de se suicider en avion. Il voulait «marquer les esprits», selon les carnets retrouvés. Il l’a fait. Au prix de 149 innocents.

Dès le crash, les familles des victimes réclament des comptes. Pourquoi et comment Andreas Lubitz a-t-il pu prendre les commandes? Pourquoi n’y avait-il aucun système pour l’arrêter?

Les règles ont (en partie) changé
Après le 11 septembre 2001, les cockpits sont renforcés, blindés, et verrouillables de l’intérieur. Une mesure devenue piège mortel. Sur le vol 9525, la porte est verrouillée par Lubitz, empêchant toute intervention extérieure. Depuis ce drame, plusieurs compagnies, notamment au Canada et aux Etats-Unis, instaurent une règle dite «des deux personnes dans le cockpit»: lorsqu’un pilote sort, un membre de l’équipage doit y entrer. Mais en Europe, cette règle est abandonnée dès 2017, jugée inefficace et logiquement contournable.

En 2016, un rapport du Bureau d’Enquêtes et d’Analyses souligne l’absence de communication entre les médecins et la compagnie aérienne, en raison du secret médical. Certaines familles intentent des actions contre Lufthansa. D’autres se battent pour que des règles changent, sur le suivi psychologique des pilotes notamment.

10 ans plus tard

Aujourd’hui, 10 ans après ce 24 mars 2015, de nombreuses familles n’ont toujours pas de réponse. Pour elles, le temps s’est figé au moment où l’avion a commencé sa descente, lente, inexorable. Elles vivent avec l’image d’un cockpit verrouillé, d’un homme calme et de 149 vies qui implorent.

Parmi les 144 passagers, les profils sont multiples, mais quelques histoires ont marqué profondément les mémoires:

  • Les seize lycéens et leurs deux enseignants venaient du lycée Joseph-König à Haltern am See, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (ouest de l'Allemagne). Ils revenaient d’un échange scolaire en Espagne. Cette petite ville allemande de 37 000 habitants est plongée dans une torpeur sans nom à l’annonce de leur disparition.
People standing in the rain during a memorial ceremony at the schoolyard of the Joseph-Koenig high school in Haltern, Germany, ten years after 16 pupils and two teachers of the school died in the Germ ...
Une foule lors d'une cérémonie dans la cour du lycée allemand, dix ans après.Keystone
  • Maria Radner et Oleg Bryjak, deux chanteurs d’opéra reconnus, faisaient partie de la troupe du Gran Teatre del Liceu de Barcelone. Ils rentraient après une représentation de Siegfried.
  • Trois membres d’une même famille, des Béarnais de retour d’un séjour à Barcelone.
  • Deux journalistes sportifs du quotidien espagnol El Mundo Deportivo, Xavier Maestre et Marti Colomer.

A la mémoire des victimes, des plaques commémoratives ont été posées. Une stèle, sur la montagne, fait face à la paroi qui porte encore les stigmates du crash.

epa11977881 (FILE) - Flowers and candles are placed at the Germanwings Flight 4U 9525 air crash memorial in Le Vernet, France, 24 September 2015 (re-issued 21 March 2025). The tenth anniversary of the ...
Des fleurs et des bougies ornent le mémorial au Vernet, près du crash.Keystone

Chaque 24 mars, des proches, des officiels et des anonymes viennent s’y recueillir. Le silence y est presque surnaturel. Tout comme le drame qui s'y est produit.

Vidéo: watson
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