La «poule aux œufs d'or» russe embarrasse la Belgique
Premier ministre en Belgique depuis moins d'un an, Bart De Wever a été propulsé sur le devant de la scène européenne par la question de l'usage des avoirs russes pour soutenir l'Ukraine, dossier ultra sensible dans lequel il s'est érigé en défenseur intraitable des intérêts belges.
Autour de la table du conseil européen à Bruxelles, où tous se retrouvent jeudi, les dirigeants de l'UE ont appris à connaître Bart De Wever, ses costumes trois-pièces et ses traits d'humour en plusieurs langues. Ils doivent désormais composer avec sa vive opposition au projet de la Commission pour aider Kiev.
Un prêt s'appuyant sur les avoirs de la banque centrale russe gelés dans l'établissement Euroclear à Bruxelles exposerait la Belgique à l'hostilité de la Russie «pour l'éternité», a clamé le conservateur flamand, se disant déterminé à tout faire pour empêcher ce scénario. Il s'est expliqué lors d'une conférence de presse:
Bart De Wever réclame à ses partenaires européens un partage du risque en cas de problème, dans l'hypothèse par exemple d'un arbitrage international défavorable. Selon lui, à ce stade seule l'Allemagne s'est engagée: «Tous les autres regardent leurs chaussures quand je parle de ça...»
Les avoirs russes gelés, une «poule aux œufs d'or»
Friand de métaphores, il a comparé les quelque 200 milliards d'euros d'avoirs russes chez Euroclear à «une poule aux œufs d'or». Mais «avant de la manger, quelques questions doivent être résolues...»
En Belgique, Bart De Wever a été maire d'Anvers pendant douze ans et chef du parti indépendantiste flamand N-VA avant de prendre le pouvoir début 2025 au niveau fédéral, à la tête d'une coalition de centre-droit. Le basculement à droite de la Wallonie aux élections de juin 2024 a signé un alignement inédit de cette région du sud francophone sur la Flandre (nord néerlandophone) traditionnellement conservatrice, ce qui a permis sa consécration politique.
Le paradoxe est que le leader flamand, longtemps accusé de vouloir la fin de la Belgique, est salué maintenant jusque dans les rangs de la gauche pour sa résistance à l'UE sur les avoirs de Moscou. Deux Belges sur trois soutiennent son positionnement, selon un sondage publié lundi. Né le 21 décembre 1970 à Mortsel, près d'Anvers, Bart De Wever a grandi dans une famille pétrie d'idées souverainistes, et a lui-même milité dans des cercles nationalistes flamands durant ses études.
En Flandre, région belge la plus peuplée, cet historien de formation est devenu populaire en participant à un quizz télévisé il y a vingt ans, alors qu'il n'était qu'une figure locale. En 2014, il apparaît dans une émission déguisé en panda pour se moquer du Premier ministre de l'époque, un socialiste francophone qui vient alors de dérouler le tapis rouge pour accueillir un couple de pandas géants prêté par la Chine.
Bart de Wever, un «animal politique»
Jamais loin du plaidoyer pour une Flandre maîtresse de son destin, affleure chez Bart De Wever cette critique de la supposée inclination des francophones à trop profiter de la dépense publique. Juste avant son arrivée au pouvoir, un documentaire titré «BDW, animal politique» l'a montré maugréant sur le thème de la Belgique ingouvernable, prêt à diriger l'échelon fédéral mais sans aucun enthousiasme, uniquement par «sens du devoir». A une journaliste qui le titillait sur son air impassible, il a répondu récemment:
Depuis l'hiver dernier, le chef du gouvernement belge a pourtant pris goût à la fonction, notamment pour l'exposition que cela lui confère dans les conseils européens. «Il aime s'y présenter comme un homme d'Etat capable de peser», dit le politologue Jean Faniel.
Si Bart De Wever reste convaincu que cohabitent en Belgique «deux démocraties», l'une flamande, l'autre wallonne, il a mis sur pause ses réformes institutionnelles visant à renforcer encore les régions. Et il vante même les vertus du roi Philippe, lui qui a toujours jugé la monarchie dépassée:
