On part souvent du principe que celui qui est craint est puissant. Et Donald Trump a prouvé qu'une grande partie des Américains avaient besoin d'un chef qui promet que tout ira bien, tant qu'il sera dans les parages. Même si c'est de la gonflette. Cette nuit, le pays du box-office a élu Chuck Norris et Kamala Harris aurait peut-être dû incarner Lara Croft. 44% des Américaines ont voté pour le mâle blanc de 78 ans.
Cette campagne du «moi je», menée au pas de charge et soutenue par un charisme imposant, le milliardaire increvable ne l'a jamais lâchée. Ni ses procès, ni ses casseroles et encore moins ses projets autoritaires ne sont venus écorner sa détermination et son indéniable popularité. Si certains conservateurs l'ont plébiscité malgré ses excès, les autres voulaient du Trump, que du Trump, rien que du Trump.
Et ils l'ont eu.
Face au bulldozer, les deux candidatures démocrates successives ont choisi de brandir l'espoir. Mais quand on espère, on a peur. Et la peur, incarnée pendant trois mois par une Kamala Harris saucissonnée dans un programme touffu, n'avait qu'une seule cible en vue: Donald Trump. Hélas, elle a échoué à fédérer autour de la crainte d'un retour du «fasciste». Notamment parce que ce mot, isolé du reste et au beau milieu d'un Midwest mal dans sa peau, ne veut pas dire grand-chose une fois dans l'isoloir.
Sans oublier que, quatre ans après une pandémie qui a recroquevillé les Américains sur leur porte-monnaie et dans un contexte géopolitique explosif, prier pour que le méchant s'en aille de lui-même est un scénario qui trébucherait fissa au pied des studios d'Hollywood.
Pour se consoler et pour ignorer le plébiscite de cette nuit, on pourrait se contenter de penser que le pays n'était pas prêt pour une femme au pouvoir. Ou alors que Joe Biden n'aurait jamais dû lâcher l'affaire. Pour vérifier la première théorie, il faudrait qu'une femme de la trempe de Michelle Obama puisse, un jour, avoir le droit de se frayer un chemin au sein d'un parti démocrate ébloui par son époque.
Et c'est un peu vite oublier que le 46e président des Etats-Unis avait été élu sous les masques Covid, à la suite d'une campagne fantôme, privée d'apparitions grandiloquentes et de bains de foule. Dans une frayeur sanitaire où la population avait sans doute besoin d'un président-infirmier, solide, discret et affable, Joe Biden faisait parfaitement l'affaire.
Puis, les sceptiques, les paranoïaques ou plus simplement les moins gaillards d'entre eux ont empoigné les armes, persuadés d'avoir été trahis par l'Etat. Un sentiment déformé par la puissance des leaders du free speech, Elon Musk en tête, mais un sentiment qui perdure aujourd'hui aux Etats-Unis. Moins sous la forme d'un vaccin dans une seringue que d'un morceau de bœuf dans le frigo et d'un double verrou sur la porte.
En 2024, «Make America Great Again» fait d'abord référence à la période pré-Covid, quand le milliardaire de Mar-a-Lago était tout juste en train de tailler l'Amérique d'aujourd'hui à son image. A moins que ce soit l'inverse.
Si Kamala Harris n'a pas démérité, elle s'est éparpillée, projetée de force dans une campagne à multiples faux départs. Derrière son échec, se planque surtout un parti démocrate qui doit profiter de ces quatre prochaines années pour retrouver le canal qui lui permettait d'entendre son électorat d'origine.
Convaincre à la tronçonneuse au lieu d'espérer en claquant des dents. Ce fut sans doute la clé de cette campagne invivable. Car Donald Trump n'a pas gagné parce que c'est un meilleur président. Il l'est redevenu parce qu'il a toujours été convaincu de l'être. Et Chuck Norris n'a jamais eu besoin de grimper sur un ring pour paraître crédible dans une publicité pour Toyota.