Wagner n'est pas une armée fantôme, une milice autonome, un groupuscule sans attache avec le Kremlin. Certes, tout le monde s'en doutait, mais Vladimir Poutine vient de mettre les deux pieds dans le plat. Volontairement et beaucoup plus que de raison.
Alors que l'Ukraine et la communauté internationale sont encore pendues aux décisions de l'autocrate «trahi», quelques jours après la crise d'égo d'Evgueni Prigojine, il a dégoupillé une série de confessions qui viennent briser dix ans d'un bon gros secret de polichinelle.
Le ministère de la Défense donne donc officiellement le biberon à cette sauvage formation paramilitaire. Histoire que l'on comprenne bien ce que ça implique, Vladimir Poutine enchaîne avec des chiffres bourrés de zéros. Rien que de mai 2022 à mai 2023, l'Etat russe aurait ainsi versé plus de 86 milliards de roubles (près d'un milliard de francs) pour huiler le jouet de Prigojine.
Depuis sa création, en 2014, c'est la première fois que le président russe reconnaît publiquement que Wagner est financé par le Kremlin. Manifestement prompt à tout déballer, il s'est en outre permis de préciser que la société de restauration Concord, chargée notamment de nourrir les soldats russes au front (et qui a valu à Prigojine le surnom de «cuisinier de Poutine»), avait, elle aussi, reçu son milliard au début de la guerre contre l'Ukraine. Une révélation servie sur son lit de sarcasme:
Et quand il dit contrôler, c'est enquêter. Si le président russe a promis (à ce qui paraît) de lâcher les basques de son ancien fils spirituel quant à sa grosse mutinerie du week-end, il fourre désormais le nez dans ses petits sous. Une vaste investigation financière comme une sorte d'audit (mais en plus cavalier), déployée à Saint-Petersbourg, QG de Wagner et nid(s) douillet(s) du couple Prigojine.
Selon plusieurs médias russes, la tâche semble labyrinthique, tant l'oligarque va-t-en-guerre possède de planques à explorer. Malgré tout, plusieurs boîtes en carton remplies d'argents liquides auraient déjà été saisies dans des minibus appartenant au fuyard.
On sait que Vladimir Poutine s'efforce désormais de couper le cordon entre les miliciens de Wagner et leur patron, en leur offrant les rangs de l'armée russe comme parachute moyennement doré. En avouant que le Kremlin finance bel et bien le fonctionnement de l'organisation paramilitaire, il tente sans doute de ramasser les quelques miettes de crédibilité qu'il lui reste au sein de la population. D'autant que les généraux dont Prigojine voulait la tête, les introuvables Gerasimov et Sourovikine, pourraient bien sauter pour la même raison.
Or, payer c'est cautionner. Financer Wagner, c'est assumer sa boucherie, avérée, en Ukraine comme dans le reste du monde. De quoi faire saliver, par exemple, la Cour internationale de Justice, si d'aventure Vladimir Poutine devait répondre de crimes de guerre. Le jeu en vaudra-t-il la chandelle?