On dirait un spin-off The Office à Washington ou un épisode de la série politico-humoristique Veep. L’histoire est proprement hallucinante. A mourir de rire, même, si elle n’émanait pas de l’incompétence crasse d’une puissance américaine occupée à démanteler et fragiliser le pays et le monde.
Et résumer l’affaire la rend encore plus loufoque: le rédacteur en chef de l’un des médias que Donald Trump déteste le plus, The Atlantic, a été ajouté par erreur à une messagerie Signal ultrasensible par Mike Waltz, conseiller à la sécurité nationale. Dans ce groupe de discussion, JD Vance, le chef de la diplomatie Marco Rubio, le patron de la CIA John Ratcliffe et 15 autres huiles du pouvoir américain. Au cœur du blabla, une stratégie de frappes aériennes contre les Houthis du Yémen, partagée par le ministre de la Défense.
On croit rêver.
Depuis cette révélation, la Maison-Blanche a confirmé du bout des lèvres, Trump a été pris au dépourvu, Pete Hegseth dément, les républicains s’enfoncent dans leur siège et les démocrates rient jaune, en appelant à sévir.
En 2025, pour savoir à quel point une affaire embarrasse le Bureau ovale, il suffit souvent de guigner la réaction des lèche-bottes et le compte X d’Elon Musk. Plus la clique MAGA s’en fiche, plus ça bavarde. Or, depuis lundi, le silence du patron de X est pesant. Seul un partage d’une vanne qui vieillit très mal, pondue par un compte satirique conservateur, nous assure qu’il est au courant de cette bourde inacceptable.
Elon Musk sait très bien qu’il a tort. Ce récit de Jeffrey Goldberg a été dévoré par la moitié de la planète et trouvera un écrin de choix dans les livres d’Histoire. Tous les autres larbins du président, conscients de la difficulté de leur tâche, se sont contentés de cracher sur la crédibilité d’un magazine que, soi-disant, personne ne lit.
Mais la palme de l’excuse bidon va sans conteste à Jessie Watters, menteur en chef de la chaîne Fox News, contraint de brandir la maladresse de tout un chacun pour tenter d’épargner le gourou MAGA.
Here is how Watters explains The Atlantic story to his viewers pic.twitter.com/UbBfcrFxPF
— Acyn (@Acyn) March 25, 2025
Au-delà des graves failles de sécurité militaires, indignes d’une nation aussi puissante, la déculottée est d’une violence rare pour Donald Trump.
Lui qui passait son temps à hurler contre l’incompétence du clan Biden se retrouve humilié de la pire des façons: par un média traditionnel américain, sur la crédibilité d’une nouvelle garde rapprochée incompétente et trop souvent comparée à des clowns et dans une branche du pouvoir américain où le milliardaire orange tente de tous ses muscles de passer pour un caïd. Aïe.
DO YOU WANT TO HEAR OUR WAR PLANS? pic.twitter.com/4JOqfBwBFo
— Clue Heywood (@ClueHeywood) March 25, 2025
Ultime humiliation, la déontologie impeccable du rédacteur en chef de The Atlantic, qui n’a pas diffusé les failles de sécurité les plus compromettantes et a quitté le groupe de discussion.
Après avoir sévèrement harcelé Hillary Clinton sur son utilisation d’un serveur de messagerie privée durant le mandat de Barack Obama, Donald Trump se retrouve aujourd’hui dans le rôle du bobet moqué. En nommant des ministres baroques aux postes les plus sensibles de son administration, le président a sans doute fait la plus grande bourde de son règne.
D’autant que cet épisode inadmissible n’est pas la première (ni la dernière) erreur commise par ses vassaux inexpérimentés. A trop vouloir s’entourer de pions simplement loyaux, immatures et ivres d’un pouvoir qu’ils ne méritent pas, Donald Trump a pris le risque de voir capoter son plan machiavélique de bouleverser le monde à son image.
Le peuple américain rêvait d’un quotidien plus sûr et moins onéreux, pas d’une bande Playmobil suffisamment imprévisibles pour texter des plans de guerre à la terre entière. La plus grande faiblesse de Donald Trump n’est pas son ambition, mais son égo. Et il vient de se manger une gifle inédite depuis le début de la campagne présidentielle.
C’est aussi la première faille majeure qui permettrait aux démocrates de tenir une première fois le couteau par le manche, en demandant des explications, des mesures, voire des démissions. Pour autant qu’ils en profitent.