Le projet maléfique couvait depuis plusieurs mois. Suscitant des discussions «presque tous les jours», selon le New York Times en février.
Ce lundi, les pelles mécaniques se mettaient en branle pour accomplir l'une des grandes ambitions du président américain: transformer la roseraie de l'aile ouest, l'un des lieux les plus emblématiques et les plus historiques du bâtiment... en patio façon Mar-a-Lago, son clinquant manoir de Palm Beach.
Comme n'importe quel plan du truculent président, Donald Trump n'entend pas y aller de main morte lorsqu'il s'agit de rénover le jardin de la Maison-Blanche. Il y a d'abord les deux mâts de 30 mètres qu'il prévoit de planter sur la propriété.
Deux mâts «magnifiques» et «attendus» de pied ferme depuis «200 ans», comme l'a clamé le président. Un drapeau américain trône déjà au sommet de la Maison-Blanche, certes, mais le terrain ne dispose pas de mâts autoportants, souligne le New York Post.
C'est surtout la pelouse de la roseraie que Donald Trump compte arracher sans vergogne, pour y installer en lieu et place un revêtement plus dur. Selon son concepteur, il s'agit d'un impératif pratique. En effet, les femmes ont de la peine à marcher sur l'herbe humide en talons hauts, comme il l'a confié à Fox News lors d'une visite en mars dernier.
«Nous l'utilisons pour les conférences de presse, mais ça ne fonctionne pas, car les gens tombent dans l'herbe mouillée.» Quel gentleman, ce Trump.
Plus que d'épargner les Louboutin des visiteuses de la Maison-Blanche, il s'agit surtout de recréer l'ambiance de la terrasse de son club privé de Palm Beach et un espace agréable pour recevoir. Lorsqu'il se trouve sur son golf, Donald Trump est connu pour passer des heures sur sa terrasse, où les membres et autres VIP se bousculent à sa table pour lui rendre hommage. Le septuagénaire tient souvent un iPad à la main et se pose comme maître incontesté de la playlist, où il alterne entre Pavarotti et James Brown.
La perspective de voir l'herbe arrachée n'a pas manqué de faire hurler au scandale tous les amoureux du patrimoine et autres Stéphane Berne d'Amérique. Vitrine du pouvoir présidentiel depuis des décennies, la roseraie de la Maison-Blanche a été construite sur ce qui était autrefois un jardin de style colonial, créé par la première dame Edith Roosevelt, en 1903.
C'est en 1913 que la version «actuelle» du jardin a vu le jour, sous l'impulsion de la première dame Ellen Wilson. Près de cinquante ans plus tard, au tour du président JFK de redonner un coup de frais à la roseraie en la transformant en pelouse en 1962, sur une idée de sa femme Jackie.
Sous bonne garde du National Park Service, contrôlé par le ministère de l'Intérieur, qui entretient les terrains, il est resté inchangé jusqu'aux modifications apportées par Melania Trump en 2020 - déjà controversées à l'époque.
Ce n'est pas faute pour de nombreuses familles présidentielles modernes d'avoir laissé son empreinte sur le terrain de la Maison-Blanche - de la piscine extérieure du président Ford, au terrain de basket de Barack Obama, en passant par le jardin potager de sa femme Michelle.
Ceci dit, souligne un historien dans le New York Times, les familles présidentielles avaient jusqu'à présent capté que «la Maison-Blanche est un musée appartenant au peuple américain» et qu'il était dans leur «obligation de ne pas s'écarter trop des traditions dans les espaces publics».
Mais ça, c'était avant Donald Trump.
Pour preuve, ses vastes travaux ont bel et bien été lancés lundi. Ils devraient s'achever au cours de la première quinzaine d'août, selon l'Associated Press. Petite précision pour les amateurs de fleurs, qu'ils se rassurent: à en croire le New York Times, «les roses, apparemment, resteront».
En bon promoteur immobilier qu'il est, l'appétit de transformation du président américain ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Outre la rénovation des jardins, Donald Trump a également promis d'offrir à la Maison-Blanche une «vraie» salle de bal, en accord avec celle dont il a déjà doté son club Mar-a-Lago au début des années 2000.
Une idée qui l'obsède depuis plusieurs années, manifestement, puisque lorsque Barack Obama était encore au pouvoir, son ancien conseiller David Axelrod aurait été contacté par Donald Trump pour construire une salle de bal démontable d'une valeur de 100 millions de dollars.
«Je construis des salles de bal. De magnifiques salles de bal», lui aurait affirmé le promoteur à l'époque, selon David Axelrod dans ses mémoires. «Je vois que vous organisez ces dîners d'Etat sur la pelouse, dans ces petites tentes minables. Laissez-moi vous construire une salle de bal que vous pourrez monter et démonter. Faites-moi confiance. Ce sera superbe.»
Début mai, Donald Trump a assuré à Meet the Press qu'il financerait sa «magnifique salle de bal de classe mondiale» lui-même - et avec l'aide accessoire de donateurs, évidemment. «Je ne demanderai pas d'argent au gouvernement», a-t-il affirmé.
On ignore si le président a déjà commencé par financer le projet de la roseraie et des mâts lui-même. En tout cas, il a déjà inspecté le site de sa future salle pas plus tard que vendredi dernier, en clamant qu'il s'agirait d'un «ajout merveilleux». L'un des nombreux exemples des «projets amusants» qu'il réalise, a-t-il tenu bon d'ajouter.
Un projet «amusant» viendra s'ajouter, entre autres touches personnelles de Donald Trump à la Maison-Blanche, aux statues en or posées sur la cheminée du Bureau Ovale, tableaux à son effigie et chérubins ramenés de Mar-a-Lago. Jardinier, planteur de drapeaux, agitateur politique ou encore DJ - décidément, les talents du président des Etats-Unis semblent sans fin.