Il est le candidat favori pour succéder au président controversé Yoon Suk-yeol: Lee Jae-myung divise profondément l’opinion. La crise nationale en Corée du Sud a provoqué une vague de démissions et même des arrestations. Mais contre toute attente, elle a propulsé Lee Jae-myung sur la voie rapide du succès : ce populiste de gauche, dont l’avenir politique semblait compromis par une condamnation avec sursis contestée, est aujourd’hui le candidat le plus sérieux à la présidence.
Retour en arrière: Au début du mois, le président conservateur Yoon Suk-yeol a surpris tout le monde en déclarant la loi martiale. Ce qui devait être un coup d’éclat pour sortir d’une impasse politique s’est transformé en fiasco, menant samedi à sa destitution par l’Assemblée nationale sud-coréenne.
Cette destitution reste toutefois suspendue: dans les semaines, voire les mois à venir, la Cour constitutionnelle devra confirmer ou annuler la décision des parlementaires. Si la destitution est validée, de nouvelles élections devront avoir lieu sous deux mois maximum. Lee Jae-myung, 61 ans, se prépare déjà pour ce scénario.
Il est pointu, proche du peuple et authentique: ses partisans vouent un véritable culte à ce juriste de formation. Mais Lee Jae Myung est également détesté par de nombreux Coréens et Coréennes, et pas seulement dans le camp des conservateurs. Son populisme divise profondément, et ses nombreux scandales fournissent des munitions à ses détracteurs. Début janvier, Lee a même été victime d’une attaque au couteau, signe inquiétant de la radicalisation politique croissante dans le pays.
Cinquième d’une fratrie de sept enfants, Lee a grandi dans une grande pauvreté. Son parcours politique est profondément ancré dans ces années de privations. Son ambition? Limiter les privilèges des riches et protéger les plus pauvres. Figure montante de la gauche sud-coréenne depuis 20 ans, il a gravi les échelons, passant de maire à député national.
Une image restera gravée dans l’histoire: dans la nuit du 3 décembre, après que Yoon Suk-yeol a déclaré la loi martiale et envoyé des forces spéciales vers le Parlement, Lee Jae-myung s’est filmé avec son téléphone en train d’escalader la clôture de l’Assemblée nationale.
이재명TV 라이브 담까지 넘으심ㅋㅋㅋㅋㅋㅋㅋㅋ pic.twitter.com/9MRsE2QJ0J
— 그냥권지용 (@XXIBGOD_) December 3, 2024
Accompagné de 189 députés, il a contraint, par un vote improvisé, Yoon à retirer la loi martiale. Cette scène, immortalisée en vidéo, restera sans doute dans la mémoire collective des Sud-Coréens pendant des générations.
Si Lee est perçu comme un héros par une partie du peuple, ses idées économiques en rebutent plus d’un. Dans un pays où le néolibéralisme a une place prédominante, sa proposition d’instaurer un revenu universel est jugée radicale
En matière de politique étrangère, Lee défend la politique du «rayon de soleil», une approche visant à rapprocher le Sud et le Nord. Sur le papier, cela peut sembler logique, mais dans la réalité, c’est une vision jugée naïve. Le régime nord-coréen de Kim Jong-un a récemment inscrit dans sa Constitution que le Sud est son «ennemi principal».
Le pays saura dans environ six mois si Lee Jae-myung est capable de traduire ses promesses en actions. En cas de confirmation de la destitution de Yoon, des élections pourraient en effet être organisées dans les plus brefs délais.
Lee a, pour sa part, un double intérêt à accéder rapidement à la présidence. En novembre dernier, il a été condamné à une peine de prison avec sursis pour avoir menti à propos d’accusations de corruption. Un recours est toujours en cours, mais s’il venait à perdre ce procès avant d’être élu, il serait inéligible selon la loi sud-coréenne.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)