«L'industrie danoise des drones mais aussi l'environnement académique autour des drones sont assez uniques pour un pays de la taille du Danemark», explique à l'AFP Andreas Graae, chercheur en technologies militaires et maître de conférence au Collège royal de Défense danois. «Cela pourrait être ce que nous appelons en défense, un 'multiplicateur de force'», autrement dit une combinaison qui donne au Danemark l'avantage sur ses concurrents, dit-il.
Fin mars, tirant la leçon des évolutions de l'art de la guerre en Ukraine, le ministre de la Défense a annoncé consacrer 725 millions de couronnes (97 millions d'euros) au nouveau centre. L'aéroport Hans Christian Andersen, du nom de l'auteur des contes natif d'Odense, organise l'arrivée d'une centaine de militaires d'ici 2026. Le centre doit former des opérateurs militaires de drones et collaborer avec les entreprises et les chercheurs déjà sur place pour s'assurer que la défense danoise reste à la pointe de la technologie.
Pour Jérôme Jouffroy, professeur d'ingénierie mécanique et électrique à l'Université du Danemark du Sud, «la présence de ce centre est fantastique» et va lui permettre d'axer ses recherches sur les attentes précises des militaires. «Des fois, on peut être un peu en bocal fermé, on essaie d'inventer des solutions, mais est-ce que c'est ça qui est vraiment intéressant pour les combats futurs?», reconnaît-il.
Pour l'heure, devant les locaux de l'entreprise Quadsat, le va-et-vient des drones, équipés de solutions logicielles de lecture de satellites, est incessant malgré les bourrasques.Cette start-up danoise, fondée il y a une dizaine d'années, produit des appareils qui surveillent et gèrent le spectre radioélectrique.
Appliqués au domaine militaire - Quadsat a un partenariat en Ukraine - cela signifie que ses machines permettent d'identifier des systèmes radar ennemis. «Ce que notre technologie peut faire, c'est identifier d'où viennent ces émissions et comment elles se déplacent, et cela donne une nouvelle couche de renseignement sur le champ de bataille», explique le directeur-général et cofondateur de Quadsat, Joakim Espeland.
Pour lui, il ne fait aucun doute que la guerre en Ukraine contribue à l'essor des drones.
Au sein de «l'industrie de la défense danoise, qui est quelque chose de tout nouveau, (...) ce sont surtout les entreprises de logiciels, mais aussi les entreprises de robotique et de drones qui grandissent», ajoute-t-il.
Pour Jérôme Jouffroy, le centre de la défense est aussi un jalon pour développer une technologie européenne.Sur les composants, pour la haute technologie, c'est surtout très américain et sur la technologie plus bas de gamme, c'est très chinois, constate l'universitaire.
Selon le maître de conférence au Collège royal de Défense danois, les investissements vont largement se poursuivre dans le secteur, en marge des systèmes traditionnels que le pays scandinave achète actuellement.En outre, «une partie croissante (de la guerre) devrait être dans des systèmes sans pilote comme les drones».
«Je pense que nous nous dirigeons vers une ligne de front de plus en plus déshumanisée, les drones et également les véhicules terrestres sans pilote prennent lentement le relais sur certaines parties de la ligne de front», estime Andreas Graae.