Une économie à la pointe en Europe, de la croissance démographique grâce aux immigrés économiques et, dans le même temps, peu de demandeurs d'asile. Une main-d'œuvre plus nombreuse que jamais, l'obligation de travailler pour les bénéficiaires de l'aide sociale et, le départ à la retraite le plus tardif du continent: à 70 ans. Le Danemark connaît une évolution économique et sociale étonnante.
Celle-ci ne s'opère pourtant pas sans heurts et protestations dans ce pays au gouvernement centralisé. Voici un aperçu des domaines dans lesquels le Danemark fait figure de pionnier.
En mai, le Danemark a franchi la barre des six millions d'habitants. La croissance est rapide, malgré une baisse du taux de natalité typique des Etats occidentaux. Le pays nordique progresse à cause du rallongement de l'espérance de vie, mais surtout grâce à l'immigration. Celle-ci a atteint l'année dernière son deuxième niveau le plus élevé après 2022, marquée par un afflux massif de réfugiés ukrainiens.
Le Danemark connaît en parallèle un boom économique. Selon les prévisions de l'UE, il affichera une croissance de 3,6% en 2025, alors que la moyenne européenne se situe plutôt à 1,1% et que les prévisions du Secrétariat d'Etat à l'économie annoncent 1,4% pour la Suisse. Et il n'y a jamais eu autant d'actifs danois.
Selon une analyse réalisée en 2024 par un groupe de réflexion syndical, le Danemark est le pays le plus performant à l'échelle continentale en matière de réinsertion professionnelle ou de formation des chômeurs. Les entreprises bénéficient du concept de «flexicurité» (flexibilité et sécurité). Il accorde des délais courts pour les licenciements autant que pour les embauches, mais il offre aussi une bonne couverture sociale pour les personnes sans emploi.
La forte immigration surprend, car on connaît Copenhague pour sa ligne dure en matière d'asile et d'étrangers - leur proportion stagne toujours à 11%. Le solde net (immigrants moins émigrants) est aujourd'hui nettement plus élevé qu'il y a 25 ans. Sous l'influence des populistes de droite, le débat était alors bruyant et parfois haineux. Ce solde atteint presque le même niveau que pendant la crise de 2015 - et ce, alors que le débat politique s'est apaisé.
Première raison: le nombre de demandes d'asile a fortement reculé, comme dans d'autres pays de l'UE. Mais la politique restrictive de la cheffe du gouvernement, Mette Frederiksen, y est aussi pour quelque chose. L'objectif de la social-démocrate: «zéro demandeur sur le territoire», et à la place des centres d'accueil ailleurs. A l'image de son homologue italienne Giorgia Meloni, elle vient de se prononcer en faveur d'un affaiblissement des droits humains.
Seconde raison: on a de plus en plus à faire à des étrangers d'un autre type. Ceux qui se déplacent pour un emploi ou une formation, alors qu'auparavant, une grande partie d'entre eux arrivaient pour chercher refuge ou pour un regroupement familial. Et parmi les nationalités représentées aujourd'hui, on ne trouve plus uniquement des pays occidentaux. Il y a aussi des Iraniens, des Indiens et des Népalais bien formés, travaillant comme infirmiers, dans l'informatique ou dans la construction.
Ces «nouveaux migrants» confirment la tendance dans les statistiques: en 2015, seuls 36% de tous les ressortissants non occidentaux avaient un emploi. Ils sont 52% aujourd'hui. C'est ce que révèle une analyse de SVMdanmark, une association de PME; pour la population d'origine danoise, ce chiffre atteint 64%. Dans le même temps, l'immigration en provenance des pays musulmans et d'Afrique a reculé, non pas en chiffres absolus, mais en proportion. Dans ces catégories aussi, on est parvenu à augmenter la part de la population active.
La réussite de l'intégration repose là aussi sur des règles strictes. Dernier exemple en date: l'obligation controversée de travailler pour les personnes depuis longtemps au bénéfice de l'aide sociale. Les autorités peuvent les assigner à des tâches de nettoyage ou d'aide pendant 37 heures hebdomadaires. Cela vise clairement les chômeurs non occidentaux, les femmes notamment. La ministre du Travail, Ane Halsboe-Jørgensen, a affirmé:
Pour assurer la pérennité de l'économie, de l'Etat-providence et surtout du système de prévoyance, le Parlement danois a adopté la semaine dernière l'âge de la retraite le plus élevé d'Europe. Il est aujourd'hui de 67 ans, mais les personnes nées après 1970 n'y auront désormais droit qu'à 70 ans. Une décision somme toute logique, car dans le pays, cette limite est liée depuis 2006 à l'espérance de vie.
Selon une comparaison internationale, le Danemark possède ainsi, avec l'Islande, les Pays-Bas et Israël, le meilleur système et le plus durable au monde - la Suisse termine dans la première moitié du classement. Mais les syndicats protestent contre ce relèvement et demandent des solutions plus flexibles pour les personnes qui ont un métier physiquement éprouvant.
La cheffe du gouvernement a par ailleurs reconnu qu'une énième hausse automatique ne semblait guère plus réaliste. Même si beaucoup travaillent aujourd'hui déjà au-delà de l'âge de la retraite au Danemark, il n'est pas certain qu'il y ait à l'avenir suffisamment d'emplois pour les seniors.
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)