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Qui est Arun Subramanian, le juge du procès de Diddy Combs?

Arun Subramanian, le juge qui va regarder Sean Diddy Combs dans les yeux.
Arun Subramanian, 46 ans, est le juge chargé de mener le procès de Sean «Diddy» Combs.image: keystone, montage: watson

L'homme qui va juger Diddy a une étrange passion

Il a refusé la dernière demande de libération sous caution du magnat du hip-hop en disgrâce et repoussé la sélection des jurés pour éviter qu’ils se dégonflent durant le week-end. C’est le procès le plus sensible de la carrière d’Arun Subramanian, qui a démarré pour de bon ce lundi, à New York. Portrait.
12.05.2025, 18:5312.05.2025, 18:53
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On le dit réservé, bosseur, affable, droit dans ses bottes. Depuis quelques jours, Arun Srinivas Subramanian, 46 ans, déboule chaque matin au tribunal fédéral du district de Lower Manhattan comme un ado rejoindrait son école. Avec son gros sac à dos, ses écouteurs dans les tympans, ses lunettes de soleil sur le pif et une banale paire de Nike au pied, rien chez lui ne permet de réaliser qu’il est le premier homme de loi d’origine sud-asiatique à siéger en qualité de juge de district des Etats-Unis pour la région sud de New York. Autrement dit, Manhattan.

Or, derrière cette apparente décontraction, Arun Subramanian sait qu’il est attendu au tournant et s’apprête à vivre le procès le plus secouant et médiatisé de sa carrière. Depuis lundi, le rappeur Sean «Diddy» Combs est notamment jugé pour complot de racket, trafic sexuel et transport à des fins de prostitution, sous sa supervision. Un marathon judiciaire qui devrait durer huit à dix semaines.

La dernière décision d’Arun Subramanian confirme, au besoin, la grande fébrilité qui enveloppe ce procès hors norme. Afin de ne pas risquer les défections de dernière minute, le juge a accepté, vendredi, la demande des avocats de Sean «Diddy» Combs de repousser la sélection finale du jury, par crainte que les douze membres et six suppléants se dégonflent durant le week-end et se retirent, paniqués, ce lundi l’aube.

Parachuté dans cette affaire suite au retrait du juge Andrew Carter, en octobre dernier, Arun Subramanian n’a pas permis à la défense du rappeur de profiter de cette latence pour obtenir des faveurs. Pour rappel, c’est lui qui a également refusé de reporter le début du procès, mais aussi la deuxième demande de libération sous caution de l’accusé. Une fermeté et un aplomb qu’il a encore déployé ces dernières heures, alors que les avocats de «Diddy» considéraient que, «le plus inquiétant, c’est qu’aucune personne blanche n’a jamais été la cible de poursuites, même vaguement similaires».

Le sang du juge n’a fait qu’un tour.

«Combs ne fournit aucune preuve que des préjugés raciaux auraient joué un rôle dans les actions du gouvernement. C'est la gravité de ce qu’il aurait fait – et non sa race – qui compte»
Le juge Arun Subramanian, dans un communiqué.

Arun Subramanian sait aussi manifestement rire de sa personne et faire marrer les salles d’audience. Lors de la sélection du jury, le juge a très vite reconnu un certain juré potentiel, qui n’était autre qu’un ancien collègue de travail. Sans se laisser perturber par le côté absurde de la scène, Subramanian a alors demandé à son pote: «Que pensez-vous du juge dans cette affaire?» La réponse du juré potentiel fut dithyrambique: «Il est juste, sociable, honnête et brillant. Mais nous n'avons pas toujours été d'accord sur tout».

Si Sean «Diddy» Combs a plaidé non coupable et pourrait finir sa vie derrière les barreaux, celle de ce juge de 46 ans risque, elle, de drastiquement changer au terme de l’un des procès les plus attendus de ces dernières années.

Car les marathons judiciaires ultramédiatisés ne sont jamais une partie de plaisir pour les juges au cœur de la fournaise. Abondamment critiqué pour ses décisions et son attitude durant le procès d’O.J. Simpson il y a pile 30 ans, le juge Lance Ito avait partagé son «incrédulité» quant à «l'intérêt du public ahurissant pour cette affaire». Il avait d’ailleurs utilisé cette traumatisante expérience pour lancer plusieurs pistes de réforme judiciaire, avant de prendre sa retraite en 2015. S’il est trop tôt pour redouter les conséquences négatives du procès de Sean «Diddy» Combs sur la carrière du juge Subramanian, il y aura assurément un avant et un après 2025.

Nommé par Joe Biden

Surtout qu’Arun Subramanian n’a pas l’habitude d’aimanter autant d’attention sur sa personne. Issu d’une famille tamoule ayant immigré aux Etats-Unis depuis l’Inde dans les années septante, un père ingénieur en systèmes de contrôle et une maman comptable, cet homme de loi a essentiellement brillé dans le droit commercial et les faillites.

Le prestigieux cabinet dans lequel Subramanian a œuvré de 2007 à 2023, Susman Godfrey LLP à New York, est plutôt fier de son ancien protégé. Sur son site internet, on découvre que celui qui va regarder «Diddy» dans le blanc des yeux pendant deux mois a recouvré «plus d'un milliard de dollars pour les victimes de fraude, d'exploitation et d'autres pratiques déloyales».

Il sera notamment en première ligne dans une série de procès de grande envergure, à l’instar de celui contre la société mère de sites pornographiques YouPorn et Pornhub, accusé de trafic sexuel de mineurs et de propagation de contenus pédophiles.

A droite, le juge Arun Subramanian, le vendredi 22 novembre 2024, lors d’une audition de Sean «Diddy» Combs.
A droite, le juge Arun Subramanian, le vendredi 22 novembre 2024, lors d’une audition de Sean «Diddy» Combs.

Nommé en 2022 par Joe Biden, sur les recommandations du puissant sénateur et président du caucus démocrate Chuck Schumer, il devra néanmoins attendre avril 2023 avant que sa nomination soit totalement confirmée. Il deviendra alors le premier juge sud-asiatique à siéger à la Cour de district des Etats-Unis, pour le district sud de New York.

Parmi les grosses affaires qu’il a supervisées jusqu’ici, citons notamment l’action en justice contre le géant de la billetterie, Ticketmaster, accusé depuis mai 2024 de monopoliser le marché. Le ministère public, près de 29 États et le District de Columbia avait porté plainte contre la société, aujourd’hui propriété de Live Nation, à la suite du désastre autour de la vente de billets pour la tournée Eras Tour de Taylor Swift. Un gros dossier, certes, mais rien de comparable avec le tsunami que le juge va devoir contenir durant les prochaines semaines.

Né à Pittsburgh et au bénéfice d’un doctorat de la Columbia Law School, Arun Subramanian est un homme discret. On ne sait d’ailleurs pas grand-chose sur sa vie privée, si ce n’est qu’il trimballe une passion pour le... karaoké. Selon le Washington Post, il aurait même organisé et animé «le tout premier happy hour karaoké du Tribunal du district sud».

Pas mal comme apéro de boîte.

«Je dois dire que j'ignorais qu'il y avait un tel engouement pour le karaoké au tribunal principal… J'espère que cette tradition perdurera pendant des décennies»
Arun Subramanian

Une autre anecdote? Ses initiales, qu’il a fini par abandonner dans sa signature officielle, parce que «ASS, ça ne sonne pas très bien», a-t-il raconté en riant, avant de devenir juge. Malgré tout, les tabloïds américains galèrent à sortir des scoops et des ragots, puisque TMZ a dû se contenter, dimanche soir, d’affirmer que le juge de 46 ans avait refusé qu’un couple de clients lui paie une bouffe au resto, en clôture d’un procès concernant Fox News et Wikileaks. C’est non seulement maigre, mais tout en son honneur.

Ce jardin très secret pourrait bien éclater dans les huit semaines à venir, tant Arun Subramanian sera scruté par le monde entier durant le procès de Sean Diddy Combs. Et, ce, même si les caméras ne sont pas conviées en salle d’audience.

Ce musicien suisse réalise une prouesse
Video: watson
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