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Pour ce trumpiste gay, Donald Trump est «modéré et tolérant»

Pourquoi 30% des gays votent-ils pour Trump?
Peter Boykin (médaillon) a fondé le groupe Gays For Trump en 2015.images: getty et peter boykin

Pour ce trumpiste gay, Donald Trump est «modéré et tolérant»

On a papoté près de deux heures avec Peter Boykin, fondateur du groupe «Gays For Trump», basé en Caroline du Nord. Cet activiste politique de 47 ans se considère plus volontiers comme un «pro-Trump qui se trouve être homosexuel» plutôt qu’un «militant gay qui vote pour Trump». Pour lui, ça change tout et il est loin d’être le seul.
24.10.2024, 18:5224.10.2024, 19:27
fred valet, floride (usa)
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Plus jeune, Petee Boykin monnayait son corps sur des sites pornographiques et votait démocrate. Il a découvert son homosexualité dans l’enfance, lorsqu'il s'est senti attiré par Michael Jackson. «Je crois que je me situe là où le parti démocrate se termine et où le parti républicain commence. Je me suis toujours senti différent», confiait-il au Daily Beast en 2017.

Il consacre aujourd'hui une grande partie de son temps à la politique. S’il a largement échoué à se faire élire lieutenant-gouverneur de Caroline du Nord en début d'année, ça n’a en rien étiolé sa motivation à propager la parole de son héros: Donald Trump. Avec tout ce que ça comporte comme controverses, comme la conviction que l'élection de 2020 «a été volée par Joe Biden».

Il y a dix ans, le quadragénaire a fondé le mouvement «Gays for Trump». D’abord sur Facebook, pour ensuite s’étendre sur tout l’Internet et en organisant diverses manifestations sur le terrain. Pour faire court, on a affaire à une groupie du candidat MAGA.

«Je l’aime depuis longtemps, ce gars. J’ai aimé le businessman, le self-made man, sa personnalité, sa vision de la réussite et du rêve américain. The Apprentice, quoi»
Peter Boykin

Né en Floride, de parents catholiques conservateurs ayant fait campagne pour Ronald Reagan, Peter est gorgé de paradoxes, avec un pied dans les théories farfelues et l'autre dans une sincère volonté de privilégier la nuance. En créant Gays For Trump, notre homme a voulu «solliciter le soutien des Américains homosexuels à la candidature de Donald Trump», pour rappeler au monde que «la communauté LGBTQ+ n'est pas toute entière dédiée aux démocrates, comme certains voudraient encore le croire».

Dans les faits, une majorité de la communauté considère que la «promotion de l'égalité LGBTQ» est l'objectif principal de cette campagne présidentielle et 70% d'électeurs se rangent derrière Kamala Harris. Mais pour ceux dont l'emploi, le pouvoir d'achat ou la question migratoire passent avant tout le reste, Donald Trump a un petit coup à jouer.

En 2020, 28% des Américains LGBTQ+ avaient voté pour le milliardaire de Palm Beach. Un vivier principalement composé de mâles blancs et en constante progression, mais qui reste difficile à quantifier. Entretien avec le plus grand fan gay d'un Donald Trump… qu'il n'a pourtant jamais rencontré en personne.

Pourquoi avoir ressenti le besoin de créer le groupe Gays For Trump en 2016?
Peter Boykin: En fait, on l'a fondé une petite semaine après l'avoir vu descendre l'escalator doré de la Trump Tower pour annoncer sa candidature. Lorsqu'il a remporté les primaires une année plus tard, j'ai officiellement lancé la page Facebook. Une semaine après, l'horrible tuerie homophobe dans le Club Pulse à Orlando faisait 49 victimes. Nous avions un endroit où nous retrouver.

Vous me disiez tout à l'heure que vous admirez Trump depuis longtemps, bien avant qu'il ne se lance dans la course à la Maison-Blanche…
Exactement. En parcourant son histoire, tout ce qu'il a fait, comment il s'est en réalité dévoilé en personne plutôt modérée, son passé démocrate, son incursion dans le Parti de la Réforme.

«Au fil des ans, j'ai compris que ce type était super. Je l'aimais donc déjà en tant qu'être humain»

Comme d'autres sont fans de stars de la pop?
Oui, voilà, quelque chose comme ça.​

J'imagine qu'à l'annonce de sa candidature en 2016, vous avez vécu une sorte de rêve éveillé?
Carrément! On en croyait pas nos yeux et on se disait «wow, c'est vraiment en train d'arriver?»

A quoi ressemblait le groupe à ses débuts?
Tout s'est propagé en ligne, on n'était pas du tout dans le trip des réunions officielles, tout ça. Rien n'était très organisé et la spontanéité a bien fonctionné. Tout le contraire de la Log Cabin Republicans (organisation LGBT affiliée au parti républicain), qui possède des bureaux à Washington. Le hashtag #GaysForTrump a très vite rencontré un immense succès sur les réseaux sociaux.

Vous aviez donc fondé une sorte de forum spécifiquement dédié aux amoureux de Trump?
Tout à fait, comme un groupe de soutien, très ouvert et à l'écoute.

«L'idée était de montrer que tout le monde a le droit de soutenir Donald Trump. Trans, gays, lesbiennes, hétéros, même les démocrates»

Le parti républicain n'est pas tant réputé pour être l'allié de la communauté LGBTQ+...
En fait, je me fiche de quel parti vous êtes. Et ce serait une grande erreur de croire que nous sommes une organisation républicaine. On soutient Trump. Point. Nous ne sommes pas d'accord avec toutes les idées républicaines, loin de là.

Pourquoi avez-vous l'air de penser que Donald Trump est plus gay friendly que les huiles du parti?
On ne peut pas posséder des hôtels fastueux et des concours de beauté tout en haïssant les homosexuels. Il bosse avec les gays depuis longtemps. A l'inverse, les républicains qui prennent les décisions ont une fâcheuse tendance à se montrer anti-LGBT et à en faire un programme politique. C'est absurde. Il faut différencier le parti et la base. Une majorité d'électeurs républicains n'a aucun problème avec nous ou avec l'homosexualité de manière générale. Ils sont préoccupés par les vrais problèmes.

De quoi parlez-vous exactement? De l'immigration ou du pouvoir d'achat?
C'est ça. Vous savez, quand certains ne se focalisent que sur les droits LGBTQ, nous, on veut simplement que tout le monde ait les mêmes droits. Et ça passe par la nourriture et la sécurité.

«Trump ne s'est jamais attardé sur les futilités, il s'en fiche des wokes, des bobos, des gays, il veut simplement que les Américains vivent mieux. C'est pour cela qu'il a été élu en 2016. Il est parvenu à fédérer la base conservatrice et pas seulement les membres du parti»

Surtout, ce serait stupide de croire qu'il n'y a qu'un seul type de gays, qu'un seul type de lesbiennes, de trans, de queers, etc. Il faut accepter l'idée qu'on peut être en désaccord avec des gens de notre propre groupe. Je ne suis pas toujours d'accord avec Trump, surtout quand il confond parfois wokisme et homosexualité, dans ses vidéos promotionnelles. C'est pourquoi je ne m'entends pas très bien avec les gars de la Log Cabin Republicans.

Vous refusez les étiquettes?
J'ai parfois l'impression qu'ils ont envie de nous remettre dans le placard, à force de nous isoler du reste de la population. Les conservateurs lambdas sont beaucoup plus ouverts et modérés que les membres du parti. Les gays se marient, ont des enfants et peuvent avoir des idées conservatrices. C'est comme ça.

Vous faites aussi référence ici à l'idée qu'un citoyen américain gay est censé être progressiste et voter pour Kamala Harris?
Oui, c'est assez fou de croire qu'un genre devrait appartenir qu'à un seul parti politique. Je crois que beaucoup de militants LGBTQ se font embobiner. Les démocrates se sont emparés de la cause pour en faire un étendard politique, un outil électoral. Mais je ne suis pas certain qu'ils aident profondément, qu'ils s'inquiètent réellement pour nos droits et notre sécurité au quotidien.

Durant son mandat, Donald Trump a rogné dans les droits LGBTQ et nommé des juges hostiles à la cause. Les mouvements LGBTQ le considèrent comme un tyran aux idées homophobes.
Trump n'a jamais été contre le mariage gay, contrairement à Bill Clinton, qui n'a pas permis la reconnaissance fédérale des mariages entre personnes de même sexe. Je rappelle tout de même que Clinton était contre le fait que les militaires LGBTQ s'engagent dans l'armée, en 1980, en promulguant la loi «Don't Ask, Don't Tell».

N'oublions pas que Trump voulait interdire aux personnes transgenres de s'enrôler dans l'armée. Vous aviez d'ailleurs été vertement critiqué pour avoir défendu sa décision...
Ça a été mal compris. Il n'y a aucune homophobie, ici. Quelle est la première chose qu'ils font quand tu t'engages dans l'armée? Ils te déshabillent, te rasent la tête, on enfile la même tenue. Pas de maquillage, pas de bijoux, de signes distinctifs. Notre identité civile n'existe plus. Peu importe que tu sois gay, trans, hétéro, blanc, black. Une fois sous les drapeaux, tu es un simple soldat. Un numéro. Sur le front, si t'es un homme biologique, tu sers avec les hommes. Ce sont aussi des décisions d’ordre économique et Trump veut gérer le pays comme une entreprise. Il a raison.

«L'Etat n'est pas censé payer pour les opérations et les médicaments qui sont en lien avec une transition de genre, alors que beaucoup de vétérans se battent simplement pour survivre»
(Pourtant, une étude sortie en 2017 démontre que «l'armée américaine dépense cinq fois plus pour le Viagra que pour les soins médicaux des soldats transgenres»)

On sait qu'il est toujours compliqué de quantifier avec précision le vivier d'électeurs homosexuels pro-Trump. Quelle est votre estimation personnelle?
C'est tellement difficile à dire. En 2020, j'avais estimé ce chiffre à 48%, alors que les études parlaient de 28%. Il faut aussi ventiler ces résultats, car les électrices lesbiennes, très concernées par la question de l'avortement, voteront plus volontiers pour les démocrates. Je suis persuadé que la moitié des hommes américains homosexuels sont des conservateurs qui voteront pour Trump.

Qu’en est-il des électeurs conservateurs qui n'ont pas fait leur coming-out?
Je dirais qu'il y a souvent un double coming-out à faire dans ce cas-là. Quand tu es un jeune conservateur issu d'une famille démocrate, sortir du placard politique est déjà une aventure douloureuse.

«J'ai connais davantage de supporters de Trump qui ont moins bien vécu leur coming-out MAGA que leur coming-out homosexuel»

Vous-même, Peter Boykin, vous êtes un trumpiste qui se trouve être homosexuel, avant d'être un gay qui vote pour Trump?
C'est tout à fait ça. Je n'aime pas la politique identitaire. Je me fiche de votre sexe, de votre genre, de votre orientation sexuelle. Depuis que l'on a démarré cette interview, je ne me suis pas demandé une seconde si vous étiez hétérosexuel. C'est ce que je reproche aux mouvements LGBTQ+ affiliés au parti démocrate et à Kamala Harris: nous ne sommes pas un outil politique.

C'est quoi votre définition du conservatisme?
Il y en a plein. Et c'est tout le problème. Le conservatisme économique, sociétal, religieux... Et la droite chrétienne est bien sûr celle qui est farouchement anti-LGBT. Personnellement, j'aime me définir comme un constitutionnaliste qui pense America First, je suis pour la liberté d'expression et d'entreprendre.

«Je crois surtout à la modération. Il y a du mauvais et du bon partout. Le problème de l'alcoolique n'est pas l'alcool, mais le fait qu'il ne puisse plus s'arrêter. Les extrêmes de droite et de gauche fonctionnent de la même manière»

Vous trouvez vraiment que Trump est un type modéré? Ne voyez-vous pas en lui des accents autoritaires?
C'est une personne bien plus modérée et nuancée que l'on veut parfois le croire. Quand les démocrates en font un fasciste, ils parlent d'abord de sa politique d'immigration et je pense qu'ils n'ont rien compris. Même Kamala Harris semble réaliser aujourd'hui que son bilan n'a pas été à la hauteur. Nous avons un problème d'immigration aux Etats-Unis et il faut le régler. Des gens viennent dans notre pays sans y être invités et nous n'avons pas les ressources nécessaires pour les accueillir.

Quelle est votre opinion sur l'immigration?
Le dossier est complexe. On ne peut pas fermer totalement le pays ni l'ouvrir sans réfléchir. Je ne suis pas anti-immigration. Je dis simplement qu'il faut savoir la gérer. Imaginez que vous soyez chargé d'organiser un mariage avec 50 convives. Que se passe-t-il si le jour J, 100 personnes débarquent? Il n'y aura mathématiquement pas assez de chaises et de nourriture. Le chaos est irrémédiable. Et je suis persuadé que Donald Trump est le mieux armé pour organiser ce mariage, en 2024. (Il éclate de rire.)

Trump va remporter l'élection, à votre avis?
Bien sûr.

Les Trumpistes ont une drôle de manière de montrer leur soutien
Video: watson
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